La randonnée en solitaire...
Le vendredi 9 août 2019, un randonneur français victime d'un accident appelle les secours italiens à 08h57 avec son téléphone cellulaire. Il déclare à l'opératrice, en italien, qu'il est tombé d'une falaise et s'être cassé les deux jambes sans pouvoir préciser où il se trouve, indiquant qu'il voit la mer, qu'il est « au milieu de nulle part sur la côte » et laissant entendre qu'il se serait égaré ! L'appel retransmis aux carabiniers, ceux-ci tentent de le géolocaliser, en vain. Il semble plus facile de localiser un appel en provenance des côtes libyennes qu'un appel provenant de la zone de Policastro Bussentino située à près de 200 km au sud de Naples ! L'hélicoptère ne décolle que le samedi après midi, la zone des recherches couvre 140 km2 (Sic) ! Trois personnes confirment avoir aperçu Simon Gautier quitter une plage samedi vers 06h30, information qui restreint l'itinéraire à trois sentiers situés dans un rayon de 4 km. Les proches de Simon conservent l'espoir, il est « très sportif et organisé », il avait bien préparé son voyage et disposait d'eau et de vivres pour tenir plusieurs jours. Le dimanche 18 août, des membres du Club Alpin italien repèrent des effets personnels disséminés le long d'une pente abrupte située sur la commune de Belvédère di Golandre en fin d'après midi. Le corps sans vie de l'étudiant en histoire de l'art repose en contre-bas à quelques mètres de son sac et de son téléphone !
S'il nous arrive de commettre des imprudences sciemment, il faut le faire en redoublant de prudence, la préparation technique et mentale sont les premiers garde-fous de la sûreté. En ville, les touristes utilisent une carte ou une application en ligne afin de s'orienter, en randonnées c'est pareil, hormis que le nom des rues est remplacé par des signes codifiés colorés pour chaque activité (rando pédestre, équestre, ski de fond, VTT). En France, les chemins de Promenade et Randonnée sont balisés d’un trait jaune - les sentiers de Grande Randonnée de Pays par des traits horizontaux jaunes et rouges - les chemins de Grande Randonnée avec des traits horizontaux blancs et rouges. Le balisage peut varier d’un pays à un autre : couleur des traits, la forme : losanges, rectangles ou ronds jaunes. Il faut impérativement s'informer sur le système en place au niveau local. Rendu au point départ après avoir consulté la météo et informé un tiers de l'itinéraire et de la durée prévue, un panneau porte souvent des informations, la désignation, l'altitude, la longueur, la durée et la direction à emprunter. Ensuite, le marquage peint sur un arbre, un rocher, un mur, un poteau indique l'action pour rester sur l'itinéraire.
Attention : le balisage peut être parfois différent de ce qui est indiqué sur la carte ou le guide (date de la mise à jour). Les changements sur le terrain mettent du temps à être reportés sur les guides et les cartes. Ces changements ne sont parfois que temporaires en raison d'un accident de terrain. La marque peut être recouverte de neige, la couleur en être estompée, confondue dans le brouillard, le support emporté ou recouvert par une coulée de boue, etc. Il faut s'assurer régulièrement, avec la carte, que l'on suit le bon itinéraire. En l'absence de supports physiques ou d'un marquage difficile, des cairns (monticules de pierres) sont érigés pour matérialiser le chemin. Ne jamais s'y fier aveuglément, il faut en vérifier le type d'amoncellement, est-il semblable avec ceux déjà dépassés ou le fait d'un « plaisantin » ? En cas de doute, il faut se situer sur la carte (alignements, relèvements compas, altitude).
Prendre pour habitude de se retourner à chaque changement de direction afin de mémoriser le paysage, et pourquoi pas laisser une trace de votre passage au cas ou vous devriez rebrousser chemin. Si le soleil est de la partie, notez mentalement l'angle avec votre itinéraire, sachant qu'il « dérive" de 15°/heure, vous aurez une indication permanente de la direction suivie. Ne suivez pas d’autres personnes, elles se perdent elles aussi, et ce n'est pas parce qu'un chemin est souvent foulé qu'il coïncide avec l'itinéraire projeté, il peut être emprunté par des locaux (il semble que Simon ait emprunté, par erreur, une sente tracée par les animaux). Dans la nuit du 23/24 mai 1974, 14 appelés commandés par deux gradés s'étaient engagés sous un tunnel ferroviaire (Chanzy) pour ne pas avoir à grimper la colline surplombant l'ouvrage d'art ; bilan : huit morts, un amputé et deux blessés ! Le conducteur du train hanté par la vue des corps déchiquetés se suicidera deux années plus tard.
Qu'il s'agisse de rejoindre un point donné, d'éviter une zone particulière, il est important de savoir lire et utiliser une carte adaptée à vos exigences. Il ne viendrait pas à l'idée d'un randonneur d'utiliser une carte pour la navigation maritime pour son déplacement. Une carte est une représentation plane d'un paysage comme si celui-ci était vu à la verticale par un oiseau, dans la réalité le terrain présente un relief en 3D. Comme il n'est pas toujours possible de faire figurer sur une carte tous les éléments du terrain, il faut adopter certains compromis entre la réalité et ce qu'il est possible d'y faire figurer.
Les impératifs d'un itinéraire sont : où (localisation) - d'où (point de départ ou relais) - pour où (destination) - par où (itinéraire) - jusqu'où (limite). Pour connaître sur une carte une distance séparant deux points, il vous suffit d'utiliser l'échelle ou un curvimètre. Vous désirez rejoindre un point donné, rien de plus simple. Vous reliez votre position à votre point d'arrivée par une droite le long de laquelle vous placez le côté de votre compas, et vous faites tourner la couronne du compas jusqu'à ce que la ligne N-S soit parallèle au méridien de la carte. Il suffit ensuite de marcher en veillant à ce que l'aiguille du compas ne quitte pas son repère (Pour une mesure exacte, il y a bien entendu lieu de tenir compte de la déclinaison magnétique). Apprenez à estimer la distance parcourue à partir du temps de marche qui varie en fonction de la nature du terrain traversé, du dénivelé et de la météo
Si le système satellitaire permet de connaître sa position à une dizaine de mètres près, il faut toujours envisager son indisponibilité et être capable d'en revenir au bon vieux compas (c'est aussi l'occasion de ressortir votre vieille règle à calcul ;-). Dans une région où les repères sur le terrain abondent, il est facile de se situer par rapport aux nombreux détails alentours. On pourra noter que tel point est situé à environ X mètres d'un élément figurant sur la carte, mais cela n'est pas toujours le cas. Il faut relever l'azimut des points remarquables et identifiables sur la carte. Avant toute chose, il faut orienter votre carte pour qu'elle coïncide avec la vue du terrain. Si votre observation est dirigée nord, n'allez pas orienter votre carte dans une autre direction. Le compas indique le nord magnétique (Nm) mais une carte est établie par rapport au nord vrai (Nv). La différence entre Nm et Nv varie continuellement (le phénomène de déclinaison est dû aux masses ferreuses localisées au pôle et à la chaleur du noyau terrestre). Cette déclinaison est inscrite pour une année de référence en marge de la plupart des cartes (il faut multiplier cette valeur par le nombre d'années écoulées depuis l'année de référence indiquée et l'additionner si elle est Ouest ou la soustraire si elle est Est à la déclinaison magnétique de référence). Plaquez ensuite le côté de votre compas sur la flèche indiquant le Nm et tournez l'ensemble carte et compas jusqu'à faire coïncider la rose (partie mobile du compas) avec l'indication du nord. Votre carte est alors orientée au Nm. Il devrait vous être facile de repérer les détails du terrain et ceux les symbolisant sur votre carte. Il vous suffit de choisir 2 ou 3 points remarquables ne se coupant pas sous des angles trop aigus. Vous visez un premier point et en notez l'azimut (angle), vous refaites la même opération pour les deux autres points que vous reportez avec un crayon sur votre carte (si vous portez une paire de lunettes métallique, pensez à les ôter pour utiliser un compas de relèvement, l'erreur peut être dramatique). Les trois droites forment un triangle d'incertitude qui correspond à la zone dans laquelle vous vous trouvez.
Le dénivelé peut contribuer à ralentir la marche, la rendre plus fatigante, représenter un obstacle et / ou être à l'origine d'un accident. L'orographie est la représentation du relief du terrain par des courbes de niveaux. Pour représenter des hauteurs dans une figure plane, les cartographes tracent des courbes de niveaux. C'est un peu comme si vous découpiez une pomme de terre en tranches et que vous dessiniez le contour de la tranche la plus grande qui représente la base et qu'ensuite vous dessiniez successivement les tranches qui viennent s'empiler les unes sur les autres. Vous obtiendriez une série de forme concentrique se réduisant de plus en plus à l'approche du sommet. Sur une carte au 25 000, les courbes de niveaux sont équidistantes, ce qui signifie qu'elles représentent entre elles une distance correspondant à 10 mètres de hauteur. Plus ces courbes sont rapprochées les unes des autres, plus la pente sera raide puisque la dénivellation se fera sur une distance plus réduite. Toutes les 5 courbes, il y a une courbe maîtresse (trait plein ou couleur différente). La carte donne des distances horizontales, or la pente rallonge la distance. Il faut la convertir en distance oblique qui elle correspond à la distance à parcourir (théorème de Pythagore). En approximation, la pente est de 1.8 % par degré. Une pente de 10 % correspond donc à un angle de 18°. Pour une pente à 10 %, il faut corriger la distance (estimée ou celle affichée par le podomètre) de ce même pourcentage.
Si en présence d'un obstacle vous ne pouvez apercevoir un autre point remarquable (colline, chemin dans un ravin, etc.), il vous faut contourner l'obstacle par la droite ou par la gauche. Le plus simple est de décrire un angle à 90° d'un côté ou de l'autre. Parvenu devant l'obstacle, vous visez un point à 90° en utilisant le bord arrière de votre compas pour ne pas avoir à le dérégler. Vous poursuivez dans cet axe jusqu'à atteindre la limite de l'obstacle (longueur). Vous tournez une deuxième fois à 90° (vous n'avez plus de visée à faire puisque vous vous apprêtez à effectuer une progression parallèle au cap initial). La limite de la profondeur atteinte, vous reprenez une visée à 90° en utilisant le talon arrière de votre compas et vous parcourez une distance identique à celle du premier changement de cap. Vous devriez vous retrouver dans votre axe de marche initial, et qu'il ne reste qu'à reprendre. Vous aurez remarqué que si vous avez pris la décision de contourner l'obstacle par la droite, le deuxième et troisième changement de cap s'effectue à gauche et le dernier qui reprend l'axe initial se fait sur la droite. Quand vous serez habitué à cette procédure à 90°, vous pourrez modifier vos caps successifs afin de suivre un chemin contournant l'obstacle plus court.
La randonnée reste une des activités sportives la plus pratiquée et l'une des plus à risque avec une vingtaine de morts chaque année (1842 intervention héliportées & 413 terrestres, source SNOSM). Simon Gautier semble avoir cumulé les imprudences : près des deux tiers des accidents surviennent lors de la descente (glissade, chute), viennent en suite la randonnée hors piste (erreur d'itinéraire, prendre un raccourcir) et la pratique en solitaire, voire un trainard qui se retrouve isolé. En cas d'accident (un sac à dos déséquilibré, une semelle de chaussure qui lâche peut suffire à entraîner une chute), d'incident ou d'immobilisation, il faut se signaler aux secours : téléphone, émetteur radio en mentionnant : Je suis - je vois - je fais - je demande (notre compatriote aurait peut être eu plus de chance s'il avait appelé le 196, le 191 ou la base de Solenzara..., le numéro 112 qui permet la géolocalisation de l'appel est indisponible en Italie et en France), balise, miroir, sifflet, stylo lance-fusée, choc sur une surface, étendre des objets contrastant avec environnement, aplanir la végétation ou la creuser afin d'avoir une ombre portée, faire de la fumée, etc., sans oublier de se mettre en sécurité afin d'éviter un sur-accident. Une femme âgée de 35 ans qui s'était perdue le 8 mai lors d'une randonnée sur l'île d'Hawaï, a été retrouvée amaigrie de 7 kg après 15 jours passés au fond d'une gorge, mais en vie.
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