La Russie peut-elle devenir un modèle ?
La lecture d'un récent article de Grigori Ignatov m'a inspiré une réflexion sur l'image que la Russie peut refléter aux Occidentaux que nous sommes et au-delà de cela, la Russie peut-elle devenir un nouveau phare du monde non seulement pour les valeurs qu'elle reflète comme le suggère Grigori Ignatov mais aussi pour le développement d'un modèle économique basé sur une réindustrialisation du pays reposant sur la participation de l’État dans le capital et la gestion des entreprises des secteurs stratégiques.
Comme il existe une version française de cet article, je vous laisse le lien pour le cas où il vous intéresserait. (Cliquez sur le drapeau français dans le lien suivant. lien)
Grigori Ignatov est un très bon journaliste russe. Il a écrit des articles très fouillés sur Pfizer, Omicron, Morgenstern (rappeur russe) et sur tous les sujets d'actualité avec souvent une pointe d'ironie. Dans cet article, le journaliste fait l'inventaire de tous les maux qui sapent le modèle occidental actuel qui n'est plus le modèle auquel aspiraient naguère quantité de Russes et d'autres peuples en quête d'exemple. [i]
Pour lui, une folie destructrice s'est emparée de la société occidentale. Il évoque le Wokisme, le multiculturalisme, la théorie du genre et les toilettes LGBT QQIP2SAA [ii + le reste de l'alphabet.
Il est devenu impossible de réussir une révolution de couleur en Russie pour défendre ce genre de société tellement elle est inacceptable pour le Russe moyen.
Il s'agit d'une rupture irrémédiable entre d'un côté, une société qui rompt avec deux millénaires de civilisation marquée par les valeurs chrétiennes et de l'autre côté, une société qui voit le progrès dans la continuité des valeurs traditionnelles : respect de la religion et de la moralité généralement acceptée, reconnaissance de la famille homme-femme-enfants comme modèle unique de mariages, volonté d'assumer son histoire sans repentance etc.
Pour Grigori Ignatov, la Russie devient attirante pour des centaines de millions d'Européens et d'Américains.
J'ajouterais que des milliards d'autres habitants de la planète se reconnaissent davantage dans ces valeurs russes que dans les nouvelles valeurs promues en Occident et cela malgré tout le travail de destruction organisé par les réseaux d'influences néoconservateurs servilement relayés par les médias traditionnels.
Après cette approche sociétale, je vois un autre aspect de la Russie qui la rendra attrayante dans les prochaines années.
Cela fait de nombreuses années que j'essaie de mettre tout le monde en garde contre la croyance que la Russie n'est qu'une station-service qui prétend être un pays comme l'avait proclamé le défunt John McCaine.
La Russie a construit un nombre énorme de nouvelles usines ces dernières années. Elles sont réparties dans tout le pays et elles couvrent tous les secteurs d'activité. C'est dû à la volonté des autorités russes de devenir autosuffisantes en réponse à des vagues de sanctions toutes plus inefficaces les unes que les autres.
Pour se faire une idée, rien de tel que des chiffres. La part de l'industrie dans le PIB russe est de 32,4 %. En comparaison, elle est de 12,5 % pour la France. La Russie ne fait pas encore partie des trois premières puissances industrielles mais elle y arrivera dans les dix prochaines années et peut-être bien plus tôt si la conjoncture actuelle se maintient.
Un autre secteur qui a progressé, c'est l'agriculture. Des territoires gagnés sur le pergélisol deviennent tous les ans exploitables et il manque des bras pour défricher et cultiver ces terres nouvelles. La Russie exporte non seulement ses céréales mais aussi depuis peu les légumes de ses serres : tomates, concombres etc.
Je ne vais pas y revenir en détails, j'en avait fait un article il y a deux ans [iii], mais un élément nouveau vient modifier la donne encore plus à l'avantage de la Russie.
Je parle de la crise de l'énergie en Europe et dans le monde. Le manque d'énergie et ses prix élevés sont un atout pour la Russie car c'est le seul pays industriel qui n'est pas concernée par un manque d'énergie, qu'elle soit électrique ou d'origine fossile. Les sociétés de distribution d'énergie vendent leur gaz entre 5000 et 6000 roubles (60 à 72 euros) les 1000 mètres cubes alors qu'il coûte environ 1000 euros les 1000 mètres cubes en France et dans les pays qui ont renoncé aux contrats de gaz à long terme.
Les industries énergivores russes ont de ce fait un énorme avantage concurrentiel sur les industries du reste du monde.
Les fabricants européens d'engrais azotés, une industrie qui consomme beaucoup de gaz, réduisent ou arrêtent leur production les uns après les autres[iv] par manque de rentabilité.
La réduction d'utilisation de gaz dans l'industrie est bienvenue pour les consommateurs particuliers. Sans cela, ils payeraient les mêmes prix que les industriels et même davantage parce qu'il y aurait pénurie de gaz.
Cela aura pour conséquence une incidence sur le prix des céréales et sur tout le secteur agro-alimentaire.
Il en est de même pour les fruits et légumes cultivés en serres. [v] C'est un secteur en plein essor qui ne représente encore que 1 % dans le monde mais qui représentent 20 % des serres de dernières générations qui fonctionnent toute l'année, même par des températures de -30°.
Comment les Néerlandais vont-ils concurrencer les Russes qui paient leur énergie et leur engrais 10 fois moins cher.
Il y a de nombreux autres secteurs qui sont touchés par les prix élevés de l'énergie : la métallurgie, la chimie, la production de papier ou les transports par exemple.
Comme les salaires sont aussi plus bas qu'en UE, cela pourrait avoir deux conséquences avantageuses pour la Russie.
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Elle peut gagner des parts de marché en proposant des produits équivalents moins cher.
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Certains groupes internationaux envisagent de transférer une partie de leur production en Russie pour garder leur part de marché. Pertes d'emplois en UE et gains en Russie.
L'UE fermera sans doute son marché aux produits finis russes mais il n'en sera pas de même dans le reste du monde.
La conséquence risque d'être une inflation à deux chiffres au printemps prochain et une reprise économique ratée en UE.
Il y a deux analyses différentes de cette crise de l'énergie. La Commission européenne qui dit que la crise est conjoncturelle et les analystes russes et autres qui pensent que le temps de l'énergie bon marché est fini. Si ces derniers avaient raison et s'il y avait malgré tout une reprise économique en Europe, elle serait principalement portée par la consommation. Le rêve d'une transition énergétique en douceur deviendra très coûteux et devra alors être financé par les secteurs publics.
Pendant ce temps, la Commission européenne élabore de nouvelles sanctions contre la Russie et la Biélorussie. Cela ne va certainement pas mettre ces deux pays dans de bonnes dispositions pour négocier une augmentation de livraison de gaz, d'électricité et d'engrais. [vi]
Ce qui est frappant, c'est l'inertie de l'Union européenne. Le gaz naturel est la principale source d'énergie utilisée pour le chauffage en Europe et est aussi une source d'énergie importante pour produire de l'électricité. Les Pays-Bas arrêtent la production de gaz, la Norvège ne peut augmenter sa production pour le moment, la Russie non plus vu qu'elle n'a pas ouvert de nouveaux champs gaziers et les États-Unis avec les pays du Moyen-Orient vendent massivement leur gaz à l'Asie à un prix encore plus élevé qu'en Europe. Les stockages souterrains de gaz sont 20 % plus bas que les autres années et j'ai l'impression que la Commission européenne croit à un miracle.
i 5 à 10 % de Russes restent des partisans inconditionnels de la démocratie occidentale. On les trouve principalement parmi les élites de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Ce sont presque toujours des Russes qui ont des liens avec l'Occident. Eux ou leurs enfants y ont parfois fait des études. Certains ont une double nationalité et possèdent souvent des intérêts à l'étranger : résidences, comptes bancaires, familles etc. C'est ce que Vladimir Poutine appelle « la cinquième colonne » qui à mon avis est plutôt une tranche de la société qui voit son avantage dans l'intégration de la Russie dans la globalisation.
ii LGBT QQIP2SAA – Lesbiennes. Gays. Bisexuels. Transgenres. Queers. Questionings. Intersexes. Pansexuels. Bispirituels. Androgynes. Asexuels etc.
iii https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-russie-vue-autrement-220112
iv https://atlantico.fr/article/decryptage/crise-energetique---une-tres-mauvaise-nouvelle-pour-le-cout-des-engrais-et-ceux-des-produits-alimentaires-andre-heitz
v https://zen.yandex.ru/media/sferalive/rossiia-sovershaet-revoliuciiu-v-teplichnom-hoziaistve-ili-20-mirovyh-teplic-novogo-pokoleniia-61b0e8847e8b3c2b842cf003?&
vi Les Pays baltes, la Russie et la Biélorussie font partie de l'anneau énergétique (BRELL) et les Pays baltes ont jusqu'à présent acheté de l'électricité à des prix très bas à la Biélorussie et à la Russie. L'Ukraine est à court de gaz et de charbon. Ses centrales nucléaires de l'époque soviétique ont des problèmes avec le combustible de Westinghouse. Elle achète d'urgence de l'électricité à la Russie et à la Biélorussie, deux pays qui sont sous sanctions ukrainiennes. Les Européens de l'Ouest puisent dans leurs stockages souterrains de gaz pour ne pas payer 1000 euros les 1000 m³ sur le marché spot mais ce ne pourrait durer très longtemps, surtout si l'hiver était froid comme l'année passée.
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