La spécificité politique de la Famille en France
Peut-être convient-il avant de parler des politiques publiques dans le champ familial, de souligner cette spécificité française, outre la laïcité qui ne cesse d’interroger d’autres pays.
Pas un mois depuis 7 ans où une délégation étrangère ne vient en France pour rencontrer le Ministre de la Famille, la délégation interministérielle à la famille, la CNAF, l’UNAF. L’Allemagne, le Japon et d’autres qui subissent « un hiver démographique » étudient notre politique familiale, ses ressources et ses retombées pour tenter de les transposer chez eux.
Dans une Europe vieillissante, la France maintient un taux de natalité qui, pour les pays développés (hors excédent lié à l’apport migratoire) est plutôt satisfaisant puisqu’il garantit au moins le renouvellement des générations. Il y a 4 ans, le Haut Conseil de la Famille a été installé réservant 14 sièges aux représentants familiaux.
Tous les instituts de sondage depuis 25 ans, quelles que soient les tranches d’âge, déclarent que la famille a la « cote d’amour » et représente la première valeur.
Lorsque les politiciens, devant la crise économique actuelle, se félicitent d’une bonne « résistance » de la France, elle le doit entre autres à sa politique familiale ; l’existence d’une branche famille de la Sécurité Sociale est unique au monde, qui redistribue des prestations, donc du pouvoir d’achat et des services collectifs consommés sur place ; elle contribue à injecter dans l’économie à peu près 90 milliards d’euros.
La France est aussi un des pays au monde où le taux d’activité des femmes est le plus élevé sans que cela n’ait pénalisé la natalité. Aucun doute qu’il y a un lien fort entre ces deux paramètres et la politique familiale. La France, c’est aussi le pays où le sujet « famille » a toujours été passionné et polémique.
Pas un candidat à la présidence de la République qui n’oublie de parler de la famille.
Il y a donc un enracinement de cette thématique qu’il convient de comprendre, d’élucider pour donner du sens aux politiques familiales. La France a « inventé » des associations familiales, catégorie associative qui n’existe nulle part ailleurs.
L’UNAF ce sont 22 000 représentants associatifs qui siègent de droit dans des comités de pilotage, dans des établissements publics, conseils d’administration pour faire valoir aux côtés des syndicalistes ou des représentants patronaux le point de vue des familles.
Cela nécessite un rappel historique.
La famille comme catégorie politique : une spécificité française qui perdure
La famille devient une catégorie politique en France à partir de 1875 et devient ensuite à la fois objet d’étude et vecteur d’action et de clivage politique fort.
Le familialisme devient l’idéologie structurante dans les années 1870 à 1950.
Les premières associations familiales se créent à la fin du XIXème siècle. En 1873, c’est le groupement des familles protestantes dans le pays de Montbéliard. En 1876, dans le Nord de la France, ce sont les associations familiales catholiques. Dès lors, des associations familiales puissantes, organisées vont émerger pendant 70 ans jusqu’à leur reconnaissance officielle en 1945 par le Général De Gaulle par l’ordonnance du 3 mars 1945 ; De Gaulle sait parfaitement que, lors de l’entre deux guerres, le mouvement familial a fait preuve de sa puissance. Par un fort traditionalisme structuré le plus souvent par les catholiques, l’essentiel de ses cadres ont été plutôt en sympathie avec le régime de Vichy. A la libération, il impose une démocratisation et les canalise à travers l’institution de l’UNAF. Le gouvernement provisoire de la République veut associer les familles à la reconstruction civique, sociale, économique et culturelle du Pays et au-delà les appeler à participer institutionnellement à la définition et au développement des politiques publiques et à la gestion de services. Les UDAF et l’UNAF sont à la fois institution de la République et regroupement d’associations familiales, véritable spécificité française dont le statut est inscrit depuis la loi du 11 juillet 1975 dans le Code de la Famille et de l’Aide Sociale. L’UNAF appartient à toutes les familles. Mais depuis 2008, l’enkystement (relevé par la Cour des Comptes en 2004) la fait dériver vers une gestion clanique et sectaire.
Deux conceptions de la famille qui s’affrontent.
Tout au long de l’histoire de la France au XIXème siècle et au XXème siècle, fait d’irruptions révolutionnaires et de retours à des périodes conservatrices (Restauration, Vichy), la famille est un enjeu.
En effet, c’est avec l’émergence de la monarchie absolue que la famille devient un modèle politique : le Roi se présente comme un « père » devant ses sujets. Comme le père a toute autorité sur sa femme et ses enfants, le Roi doit être obéi par tous ses sujets. La lecture familiale du politique confond, dans le même opprobre, parricide et régicide.
Toute révolte populaire s’interprète comme une révolte illégitime des fils contre les pères donc contre « l’autorité naturelle ». Le mari gouverne sa femme et règne sur ses enfants. Il est gardien de l’ordre établi, défini comme naturel !
La révolte de mai 1968 fut d’ailleurs analysée par plusieurs sociologues comme la révolte des fils conte les pères : la famille traditionnelle fut malmenée et cela commence en mars 68 par la revendication de la mixité dans les cités universitaires.
La Révolution Française brise le modèle familial monarchique et ancestral en consacrant les droits individuels proclamés dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et en fondant l’autorité sur la loi et le contrat et non sur un ordre divin, dit naturel.
Les républicains de 1789, en instituant le divorce, signifient bien par là que le mariage est un contrat entre deux individus. Ils instituent même le divorce par consentement mutuel. De même, ils suppriment les lettres de cachet qui permettaient à un père de faire enfermer un fils adulte désobéissant ; ils mettent les enfants naturels sur le même pied que les enfants légitimes.
La révolution a ouvert la porte à un mouvement progressif qui dure depuis deux siècles, qui a porté atteinte à l’autorité du père, et qui a libéré ainsi un espace vers l’égalité de chacun des membres constitutifs de la famille et vers l’émancipation.
L’UNAF est une institution de la République ; elle est la propriété de tous, et doit être représentative de l’ensemble de la société française. Elle ne peut pas être accaparée par un clan.
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