La succession au Gabon : le président Sarkozy trahi par ses propres mots ?
Il n’est pire eau que l’eau qui dort, dit le proverbe. De même, il n’est information plus complexe que celle qui paraît la plus simple et la plus évidente. La tautologie, par exemple, quoi de moins tortueux à comprendre et de plus transparent ? Un sou est un sou, assène-t-on parfois sur un ton un brin sentencieux. Quoi de moins contestable que cette équation ?
Une tautologie
Une déclaration du président Sarkozy à Libreville où il est venu assister aux obsèques du président du Gabon, a, elle aussi, toutes les apparences de la limpidité. À propos de la succession d’Omar Bongo, selon le Monde.fr du 16 juin 2009, il aurait assuré que la France n’avait « pas de candidat », que « cette époque (était) révolue », que « (c’était) aux Gabonais de choisir ce qu’ils (voulaient ».
S’agit-il ici aussi d’une tautologie ? Sans aucun doute ! Même sans avoir la structure de l’équation ci-dessus, ces propos enfilent les évidences comme des perles ? N’est-il pas entendu que le Gabon est un État souverain et indépendant ? Le choix d’un nouveau président n’appartient donc qu’à ses citoyens. La France peut-elle dès lors se prévaloir d’un droit d’ingérence pour s’immiscer dans les affaires de ce pays pour influencer son choix ? Il coule donc de source qu’elle n’a aucun candidat à avancer. La belle affaire de le crier sur les toits !
Mais comme toute tautologie, la formule en dit plus qu’il n’y paraît : n’avoir pas de candidat peut aussi signifier ne pas soutenir les héritiers présomptifs que sont les enfants Bongo et donner son aval à un candidat extérieur à la famille du président défunt.
Un curieux paradoxe
Cette tautologie s’accompagne, en outre, d’un curieux paradoxe. Il y a, en effet, une contradiction apparente entre l’énoncé de cette plate évidence dont le président Sarkozy aurait pu faire l’économie, et le besoin impérieux qu’il a eu pourtant de la formuler. La solution cachée de la contradiction est que ce qui paraît si évident, ne l’est peut-être pas tant que ça. Selon la formule, cela va sans dire, mais ça va encore mieux en le disant. Les intérêts français au Gabon peuvent-ils être à la merci d’un successeur qui leur serait moins favorable ?
En se permettant d’aborder la succession du défunt qui ne regarde que les Gabonais, le président Sarkozy ne montre-t-il pas qu’il y songe et que peut-être même elle le préoccupe ? Les autres propos du président rapportés par Le Monde.fr tendent à le confirmer. Il s’est même permis, en effet, de jouer les conseilleurs comme si les Gabonais n’étaient pas assez grands pour savoir ce qu’ils avaient à faire : « La France n’a que deux conseils à donner au Gabon, a-t-il ajouté : respecter ses institutions et les délais pour la succession », et « tout faire pour conserver l’unité de ce pays, qui est un vrai héritage laissé par Omar Bongo ». Et pourquoi pas prendre un parapluie quand il pleut ?
Un lapsus révélateur
Un lapsus confirme cette interprétation, fût-ce sous la forme d’un euphémisme : toujours selon Le Monde.fr, le président a dit préférer « prendre le risque » de ne pas assez se mêler des affaires intérieures du Gabon que de trop s’en mêler. Trop ou pas assez, il est entend donc bien s’en mêler. Si ces dénégations ne valent pas affirmation, qu’est-ce donc que s’ingérer dans les affaires d’un pays ?
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