La théorie du genre ou le déni de démocratie
Suite de l'article publié le 16 avril : http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/la-theorie-du-genre-ou-la-134297
Après avoir étudié le rapport des inspecteurs des Affaires sociales mandatés par le ministère du droit des femmes, les services de Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, persistent dans la même voie. Cette voie, c'est la transformation de la société à travers le filtre de la Théorie du genre.
Les services du ministre ont remis leur rapport, intitulé "Egalité entre les femmes et les hommes - Orientations stratégiques pour les recherches sur le genre" en janvier 2013.
Ce rapport affirme que la théorie du genre doit rythmer le développement de la recherche et de l'enseignement supérieur français, et il propose vingt étapes pour y parvenir. Elles se résument en trois points :
1 - Créer un collège d'experts - le Collegium - pour qu'il fasse la promotion de la théorie du genre ;
2 - Former les enseignants pour qu'ils diffusent la théorie du genre ;
3 - Enseigner cette théorie à tous les étudiants et les élèves étudiant en France.
En effet, l'introduction explique qu'il faut "donner à la recherche sur le genre la place qu’elle devrait tenir", place qui devrait être tenue "au-delà du strict périmètre scientifique". Il pose comme postulat dans son introduction, c'est-à-dire en l'affirmant sans la démontrer, la "pertinence" de la théorie du genre. Ce rapport gouvernemental détaille vingt propositions pour que la théorie du genre puisse avoir et développer "les moyens de [sa] vitalité".
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La théorie du genre stipule que la différence homme / femme n'est pas biologique mais déterminée par la société. Ce qui implique qu'on ne deviendrait homme ou femme que par la pression sociale. Cependant, c'est une hypothèse, c'est-à-dire qu'on suppose l'existence d'une contrainte qui obligerait à être ce qu'on ne veut pas être. Autrement dit, la société obligerait à être un homme, ou une femme, des personnes qui ne le sont pas ou qui ne le veulent pas.
Comment, dans ce cas, ne pas trouver légitime le regret de ceux qui se sentent oiseau mais ne peuvent pas voler faute d'être pourvus d'ailes ? On pourra trouver la réflexion abusive, mais si l'on peut greffer un pénis ou un utérus, ne pourrait-on pas satisfaire le besoin d'ailes ? Où est la limite, s'il en existe une ? Qui décide la limite des envies, des besoins, des possibles qu'il faut imposer à la société entière pour satisfaire une poignée d'individus ?
Une théorie est, selon le Larousse, "un système d'hypothèses", "une connaissance purement spéculative". Mais pour le gouvernement, ses principes doivent être mis en action car, selon eux, elle explique le monde de manière acceptable par tous ! Mieux, en prétendant connaître la véritable image du monde, la théorie du genre prétend redéfinir les rapports des humains entre eux. Elle est devenue, sans qu'aucun citoyen ne donne son avis, ce qui organise notre quotidien.
Elle a débordé de l'esprit malade de ses concepteurs pour modifier nos cadres de vie.
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Ainsi, en 2010, la théorie du genre est devenue un enseignement obligatoire à Sciences Po. Le 5 octobre 2011 la papesse de la théorie du genre, Judith Butler, a reçu le titre de docteur Honoris Causa de l'Université de Bordeaux III "Michel-de-Montaigne". Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités, avait annoncé, en novembre 2011, la disparition du terme "mademoiselle". Début 2012, elle était exaucée. Une circulaire de Matignon décidait que les termes "mademoiselle", "nom de jeune fille", "nom patronymique", "nom d'épouse" et "nom d'époux" seraient supprimés des formulaires administratifs pour privilégier le terme "nom de famille". Le 7 septembre 2012, la crèche Bourdarias de Saint-Ouen, pilote de la théorie du genre, a reçu la visite de Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, et de Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la Famille. Elles ont alors affirmé clairement leur désir de multiplier ce type de dispositif. "C’était mon premier projet en arrivant à ce ministère", a expliqué Najat Vallaud-Belkacem. "Cette démarche doit devenir un réflexe naturel dans l’ensemble des crèches" a renchéri Dominique Bertinotti. Au début de l'année 2013, la députée PS Sandrine Mazetier a proposé de débaptiser l'école "maternelle", terme connoté selon elle. Le 19 mars 2013, l'article 31 du projet de Loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, stipule que l'école de la République "assure les conditions d’une éducation à l’égalité de genre."
En juin 2011, on trouvait, dans certains manuels de Sciences et Vie de la Terre destinés aux collégiens, une explication du monde à travers le filtre de la théorie du genre. Les manuels scolaires sont un outil puissant de diffusion de l'information et pour façonner les esprits. Dans les années 1970, un grand journaliste italien, Lucio Lami, a écrit La Scuola del Plagio ("L'école des faussaires", Armando Armando editore, Rome) où il passe en revue une cinquantaine de manuels destinés à l'école élémentaire où l'on enseigne aux enfants de moins de dix ans. Il y explique, entre autres exemples, qu'un auteur de manuel, un professeur, parvient à y raconter l'histoire de la Seconde Guerre mondiale sans mentionner le pacte germano-soviétique ni l'invasion de la Pologne par Staline. La manipulation de l'Histoire et des faits, en cette instance, rendait l'Union soviétique aussi victime que la Belgique : de coupable, le manuel rendait l'Union soviétique victime par la volonté d'un prof, soumis il est vrai à l'idéologie. Les maisons d'édition du Parti communiste italien voulaient, ainsi qu'une étude qu'elles publièrent l'explique, "une école dans laquelle on cherche à abattre les obstacles à la formation de personnalités révolutionnaires." C'était dans les années 1970, faire le lien avec le parti de Beppe Grillo, le clown révolutionnaire qui s'est imposé en Italie, est tentant quand on sait que ses disciples ont entre trente et quarante ans. La Tentation Totalitaire ne s'est pas écroulée avec la chute du mur de Berlin.
Enfin, en juin 2012, dans le comté de Sörmland, au centre de la Suède, le parti de gauche déposait une proposition de loi pour que les hommes n'urinent plus qu'assis...
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Qu'on ne prétende pas que les théories sont innocentes.
La théorie de Lyssenko s'est imposée de 1935 à 1964 en Union soviétique. Lyssenko niait l'existence des gènes et flétrissait en termes bouffons la "déviation fasciste et trostskiste-boukhariniste de la génétique". N'était-ce pas une façon de dire : la génétique est un système politique ? Comme on essaye de nous dire que la théorie du genre est l'outil politique qui doit changer le monde ? L'hégémonie de sa biologie délirante a, pendant trente ans, coupé de toute information scientifique extérieure une immense population qui fut contrainte de vivre le rêve d'un illuminé soutenu par un Etat totalitaire. Les escroqueries scientifiques existent, et elles peuvent être dangereuses. D'après cette doctrine, une espèce se transformait d'elle-même en une autre sans croisement - le seigle en blé, le chou en rave, le pin en sapin et réciproquement. Le grand homme fit tomber de moitié les rendements, déjà fortement amputés par la collectivisation forcée des terres, qui avait précédé.
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Faire société, ce n'est pas tout accepter. Faire société, c'est la garantie faite à chacun de construire l'avenir pour tous, la vitesse de changement étant rythmée par la démocratie. Mais le tempo n'est pas toujours du goût de certains, ils alors s'autorisent des voies détournées. La théorie du genre et ces implications sont un changement, et décider de l'appliquer n'appartient qu'au peuple qu'elle transforme. Jean-François Revel expliquait que le triomphe de la culture selon la majorité des intellectuels, "c'est la faculté d'imposer leurs conceptions à tous les autres hommes." Il ajoutait, "ce qui va mal chez les intellectuels révèle ce qui va mal dans la société tout entière. Ils en grossissent les traits." Car ne soyons pas naïfs, il y a transformation. Et empêcher que quelques idiots persécutent les transsexuels n'implique pas de revoir complètement la structure de l'enseignement supérieur ou de bouleverser la civilisation. Si la décision d'appliquer la théorie du genre devait être prise, les conséquences seront bonnes ou mauvaises, la question n'est pas là, je laisse les hypothèses aux théoriciens. Mais il faut toujours se méfier d'une minorité qui prétend diriger la majorité pour accomplir son bien contre son avis, et contre ses envies, surtout quand cette minorité refuse d'expliquer les raisons de sa dictature. Imposer l'introduction de la théorie du genre dans nos vies, telle que le ministère de la Recherche se propose de le faire, relève de méthodes totalitaires. L'Histoire foisonne d'exemples qui tous, sans exception, montrent que les conséquences de ces décisions sont toujours dramatiques.
Ce qu'écrivait G.K. Chesterton en 1936 paraît redoutablement adapté à la situation présente : "Il y a des forces destructives dans notre société, qui ne sont rien d'autre que destructives, car elles ne cherchent pas à modifier l'état des choses, mais à l'annihiler, en se basant sur une anarchie interne qui rejette toutes les distinctions morales (...). A présent, le criminel le plus dangereux est le philosophe moderne qui ne connaît plus aucune loi. L'ennemi n'émane pas des masses populaires, il se recrute parmi les gens éduqués et aisés, qui allient intellectualisme et ignorance, et sont soutenus en chemin par le culte que la faiblesse rend à la force. Plus spécifiquement, il est certain que les milieux scientifiques et artistiques sont silencieusement unis dans une croisade dirigée contre la famille et l'Etat."
Le rapport du ministère de la Recherche et de l'Enseignement supérieur est en libre accès à cette adresse :
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/134000070/index.shtml
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