Le BCG est-il utile pour se protéger du Covid-19 ?
1) Ces derniers jours, une sorte de « rumeur scientifique » traîne dans les médias. La vaccination contre la tuberculose expliquerait la différence de cas graves et décès d’un pays à un autre. Les pays n’ayant pas conduit une politique de vaccination intensive, Italie, Etats-Unis, seraient plus impactés par le Covid-19 que d’autres pays plus scrupuleux sur ce point. Le BCG expliquerait une partie du différentiel clinique : « COVID-19 has spread to most countries in the world. Puzzlingly, the impact of the disease isdifferent in different countries. These differences are attributed to differences in cultural norms, mitigation efforts, and health infrastructure. Here we propose that national differences in COVID19 impact could be partially explained by the different national policies respect to Bacillus Calmette-Guérin (BCG) childhood vaccination. » (Miller)
Faut-il prendre au sérieux ces résultats ? Tellement de facteurs jouent qu’au final, le différentiel repose sur beaucoup d’éléments. Le BCG ne paraît pas être significatif, notamment dans les tranches d’âge élevées. Le Covid-19 est assez étrange. Il touche aussi les hommes plus que les femmes sans que des facteurs l’expliquent (tabac, alcool, différences hormonales). En revanche, le BCG pourrait expliquer pourquoi les jeunes sont pratiquement épargnés par le Covid-19 ce qui semble plutôt étrange (Si tel était le cas, ce serait un indice montrant une synergie entre le SARS-CoV-2 et la flore bactérienne dès le premier stade de la maladie et ce serait vraiment surprenant, bien improbable et peut-être le premier scoop détonnant dans cette histoire (cela demande de nombreuses études, mais si on sait où chercher, on va trouver, ou pas)). En revanche, le fait que les bactéries interviennent dans les stades tardifs est une sorte de « classique » en infectiologie.
2) Rappelons les quatre ou cinq stades de la maladie
(0) Asymptomatic, uniquement visible avec un test
(1) Mild, léger, toux, rhume, fièvre pas très élevée et parfois quelques atteintes pulmonaires visibles en tomographie
(2) Normal. Le stade normal correspond au développement de la maladie comme une grippe très violente, faisant du yoyo, assommant, grosse fatigue, courbatures, migraine, assortie d’une fièvre conséquente et des lésions pulmonaires, plus anosmie, agueusie (pouvant se manifester dès le stade premier). Les Chinois appellent normal ce stade. Ou bien ils ont le sens de l’humour, ou alors un problème de traduction, ou enfin une manière étrange de concevoir la normalité.
(3) Severe. Cette fois, c’est du lourd. Problèmes d’oxygénation, détresse respiratoire, sentiment d’oppression et bien souvent, nécessité d’être admis à l’hôpital. Pneumonie aggravée et autres atteintes.
(4) Critical. C’est le stade qui nécessite un passage en réanimation. Le Covid-19 atteint de nombreux organes lors des derniers stades, foie, intestin et surtout système cardiovasculaire, car le virus a pour porte d’entrée les récepteurs ACE2 présents dans les épithéliums vasculaire et cardiaque (et même le tube digestif). Parfois c’est le cœur qui lâche avant les poumons.
C’est le passage du stade 2 à 3 qui est déterminant parce que la pneumonie s’aggrave. Et souvent, si elle s’aggrave c’est parce qu’il y a une complication avec une infection bactérienne. Le virus à lui tout seul n’explique pas les pneumonies qui au final, se compliquent comme dans le cas d’une grippe. La pneumonie peut très bien rester virale ou se compliquer avec les bactéries, ce qui justifie l’emploi d’antibiotiques. C’est pour cette raison que le professeur Raoult obtient de meilleurs résultats dans les cas graves (diminution de charge virale) en utilisant l’azithromycine.
3) Rien d’étonnant à ce qu’une infection virale se complique avec les bactéries. Quelques rares résultats indiquent la présence de la bactérie prevotella dans le Covid-19 (information récupérée grâce à une source qui a tenu à rester anonyme). Cette bactérie semble être agressive, elle serait même un pneumocoque mais souvent, elle est banale et participe au microbiote. C’est donc une souche agressive qui est retrouvée chez les patients en stade 3 ou 4. Un autre article évoque une possible infection de la bactérie par le Covid-19 qui alors serait aussi un bactériophage. Cela est très surprenant et l’équipe qui a publié ce résultat est très prudente car il pourrait s’agir d’artefact. Il faut en effet souligner que dans l’urgence, beaucoup de résultats sont commentés après avoir été édités en prépublication, sans examen par un comité de lecture. Prudence donc.
Le vaccin contre la tuberculose pourrait alors protéger les patients non pas tant du virus que des complications bactériennes liés aux bactéries qui s’invitent dans la flore pulmonaire. Des essais sont actuellement prévus pour le corps médical. Le BCG était d’un usage courant pour les professions médicales il y a des années. Il pourrait le redevenir et une vaccination pourrait même être envisagée pour un large public car si le corps médical est protégé, pourquoi ne pas en faire autant pour les populations. Encore faut-il être certain que ce vaccin a un effet ! Un autre problème, c’est que l’on manque de vaccins, le stock n’ayant pas été renouvelé. Il y eut même une pénurie de vaccins signalée pendant le mandat de François Hollande et la pénurie est encore signalée (voir plus bas).
En conclusion, évitons tout emballement, le BCG n’est pas la panacée, pas plus que la chloroquine. Il faut attendre les résultats. Le problème, c'est qu'ils vont tomber dans quelques mois. Cela dit, le gouvernement ferait bien d’étudier cette affaire qui semble mal engagée car produire un tel vaccin demande beaucoup de temps et que Sanofi n’en produit plus.
BCG et Covid-19
https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.24.20042937v1.full.pdf
Covid-19 et prevotella
Essai BCG
Pénurie actuelle BCG
« Chers confrères,
La situation de pénurie en BCG s'aggrave dans notre pays et l'ANSM, en concertation avec l'AFU, a demandé au laboratoire MEDAC de mettre en place un contingentement national (cf. point d'information de l'ANSM en pièce jointe). »
https://www.urofrance.org/base-bibliographique/penurie-en-bcg
Et ça ne date pas d’hier
« La pénurie française en vaccin BCG
A l’occasion, de cette journée mondiale de lutte contre la tuberculose, parlons d’un problème qui dure depuis maintenant plus d’un an : la pénurie française en vaccin BCG ! En effet le 12 mars 2014, l’ANSM informait déjà les professionnels de santé des difficultés d’approvisionnement qu’elle rencontrait avec le vaccin BCG »
https://www.esanum.fr/today/posts/la-penurie-francaise-en-vaccin-bcg
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