Le bout du Monde et le silence atomique !
A l'approche du triste anniversaire du bombardement d'Hiroshima, suivi de celui de Nagasaki , qui se juxtapose au calendrier à l'ouverture du festival pop sur la Presqu'Ile de Crozon, je m'inquiète si les militants antinucléaires des associations finistériennes ont le droit de faire la communication des risques que provoqueraient ces stocks d'armements de destruction massive, M51 et SLNE, cet attirail arsenal à 3.5 milliards d'euros (par an et dit connus) et dont le Hollandais de résident , a pour intention de ne rien changer de son changement !
Mes avis, est que si il y songeait, son siège éjectable serait illico presto mis à l'épreuve ...
Donc, une réédition ..
Le Bout du Monde, quel joli symbole pour nous attirer ainsi sur cette presqu’ile de Crozon pour aller danser et écouter nos artistes de tout ce monde justement, et je me questionne de comment le philosophe et écrivain Albert Camus aurait commenté ce festival d’animation musical à proximité de la base militaire nucléaire chargée de 2000 fois la puissance de la bombe Little Boy, larguée il y a de ça 65 ans ...sur la ville japonaise Hiroshima. D’autant que le calendrier, devrait en principe réveiller de nos mémoires ces massacres odieux !
C’est aussi, un peu comme si Woodstock avait eu lieu en place et au dessus des silos balistiques atomiques du plateau d’Albion, Albert Camus qui n’aurait pas manqué de commenter, surtout celui-ci qui écrivait il y de ça 65 ans :
Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.
Le bout du Monde qui danse sur la mécanique atomique de la fin du monde ! Mais les fans d’Olivia**, pensent peut-être que les M 51, c’est rien que du Chocolat .
....Tout un symbole, effectivement
** Olivia Ruiz , la starlette en chocolat , tête de pub cette année là
Depuis Wikipédia :
[...//...Greenpeace / En raison de la proximité de l’Ile Longue, principale base de la force nucléaire militaire en France, Greenpeace a mis en place des happenings sur les éditions 2005 et 2006 du festival, l’organisation ne souhaitant pas accueillir leur stand sur le site du festival. En effet, le festival souhaite rester apolitique, et continuer à se concentrer sur ses objectifs, en proposant des choix artistiques poussés, riches et de qualité....]
- Le festival souhaite rester apolitique ! Ce qui ne l’empêche pas le moins du Monde de faire la place belle à ses partenaires commerciaux qui sont aussi des publicitaires pour des entreprises aux mains des biens connus apolitiques que sont les intérêts patronaux. (me dira-t-on et aussi pour les emplois !)
Comment peut-on argumenter à l’aube du XXI éme siècle, ici en Bretagne républicaine et au delà, que le culturel serait l’antichambre du politique, nous faire avaler qu’un artiste serait un être apolitique ! Ca n’a aucun sens, c’est d’ailleurs à mon avis un contre sens….Ou alors cela n’est rien d’autre chose que du Show à fric ce qui en soit ne m’étonne pas, pourtant c’est ce qu’a priori, ce festival s’en défend totalement...du culturel rien que de la culture !
Je reste très dubitatif sur cet argument, qui empêche les associations militantes anti-nucléaires d’être présentes sur ce festival ! Des associations sans but lucratif, mais reconnues d’intérêt publique pour leur travail d’information et de vigilance citoyenne, car si l’accident majeur survenait à ce moment là ? Faudrait-il annoncer à grand renfort de publicité et dans ce cas à tous les festivaliers :
« Rien ne sert de prévenir, il vous faut désormais courir plus vite que la mécanique atomique »
Une variante de ce qu’écrivait encore un autre artiste littéraire précurseur des lumières, dont tous auront reconnu ici la transmutation quantique de ;
« Rien ne sert de courir, il faut partir à point » Encore un artiste apolitique et certainement.....
ALBERT CAMUS Éditorial de Combat 8 août 1945.
ALBERT CAMUS (1913-1960)
Editorial de Combat *, 8 août 1945.
Le monde est ce qu'il est, c'est-à-dire peu de chose. C'est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d'information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. On nous apprend, en effet, au milieu d'une foule de commentaires enthousiastes que n'importe quelle ville d'importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d'un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l'avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l'utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.
En attendant, il est permis de penser qu'il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d'abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l'homme ait fait preuve depuis des siècles. Que dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d'aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d'idéalisme impénitent, ne songera à s'en étonner.
Les découvertes doivent être enregistrées, commentées selon ce qu'elles sont, annoncées au monde pour que l'homme ait une juste idée de son destin. Mais entourer ces terribles révélations d'une littérature pittoresque ou humoristique, c'est ce qui n'est pas supportable.
Déjà, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé. Voici qu'une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances d'être définitive. On offre sans doute à l'humanité sa dernière chance. Et ce peut-être après tout le prétexte d'une édition spéciale. Mais ce devrait être plus sûrement le sujet de quelques réflexions et de beaucoup de silence.
Au reste, il est d'autres raisons d'accueillir avec réserve le roman d'anticipation que les journaux nous proposent. Quand on voit le rédacteur diplomatique de l'Agence Reuter* annoncer que cette invention rend caducs les traités ou périmées les décisions mêmes de Potsdam*, remarquer qu'il est indifférent que les Russes soient à Koenigsberg ou la Turquie aux Dardanelles, on ne peut se défendre de supposer à ce beau concert des intentions assez étrangères au désintéressement scientifique.
Qu'on nous entende bien. Si les Japonais capitulent après la destruction d'Hiroshima et par l'effet de l'intimidation, nous nous en réjouirons. Mais nous nous refusons à tirer d'une aussi grave nouvelle autre chose que la décision de plaider plus énergiquement encore en faveur d'une véritable société internationale, où les grandes puissances n'auront pas de droits supérieurs aux petites et aux moyennes nations, où la guerre, fléau devenu définitif par le seul effet de l'intelligence humaine, ne dépendra plus des appétits ou des doctrines de tel ou tel État.
Devant les perspectives terrifiantes qui s'ouvrent à l'humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d'être mené. Ce n'est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l'ordre de choisir définitivement entre l'enfer et la raison.
NOTES
* Combat : Journal clandestin lié à la Résistance pendant l’occupation allemande. Camus y entre sans doute dès 1942. Le 24 Août 1944 paraît le premier numéro diffusé librement. Combat devient quotidien à la libération. Essayiste et romancier célèbre depuis Le Mythe de Sisyphe (1942) et L’Etranger (1942), Camus en sera le principal éditorialiste en 1944-1945.
* Agence Reuter : l’une des plus grandes agences mondiales d’information, d’origine britannique.
* Potsdam : La Conférence de Potsdam (17 Juillet-2 Août 1945) avait défini les zones d’influence respectives des Russes et des Américains après la défaite allemande : elle avait notamment entériné la présence des Soviétiques en Allemagne de l’est (Koenigsberg) et placé la Turquie (donc les Dardanelles) sous influence américaine.
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