Le candidat de la minorité silencieuse
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH225/fable_2-02-3facf.jpg)
Pour être élu, Nicolas Sarkozy a fait le pari de dire le contraire de ce qu’il a fait pendant cinq ans. S’attaquer aux riches comme le souhaite Hollande prendre ses distances avec les accords Schengen, faire la chasse aux exilés fiscaux qu’il avait utilisé pour justifier le bouclier fiscal, fermer les frontières et diviser l’immigration par deux comme l’exige Le Pen, créer une fiscalité nationale comme le suggère Mélenchon. Tandis que ses propositions ne sont qu’un coupé collé de celles de ses challengers, il continue cependant à les accuser d’incohérence, de populisme, d’amateurisme, de marginalité, d’irréalisme, voir d’incompétence. Il devient ainsi la somme de tous ces qualificatifs, faute de pouvoir se renouveler, faute aussi de pouvoir se présenter avec son bilan. Cabotin, cultivant l’infantilisme chez ses auditeurs mais aussi en lui-même, il distille contrition et volontarisme, regrets et manichéisme, sourires et propos martiaux, et finit par sortir sa plus grande énormité : il est, dit-il, le candidat de la majorité silencieuse. En dépit de tous les sondages et de toutes les Bérézina électorales de son quinquennat, il avance une contre-vérité tautologique, faisant semblant de croire qu’il est majoritaire, tandis que, comme tous les autres candidats, il est très loin du compte.
Comme par ailleurs, il avance une théorie fumeuse expliquant, tel un adolescent boutonneux, que tous les échecs de sa présidence est due aux autres, cette affirmation comporte des réels dangers pour l’Etat de droit et les institutions de la République. Comme il faut identifier ces autres, il s’attaque aux corps intermédiaires, aux syndicats, aux journalistes, aux piliers de la République, aux fonctionnaires régaliens (justice, enseignement, police, corps diplomatique, voire parlementaires) en affirmant que dorénavant chaque blocage aura son référendum. En d’autres circonstances, on pourrait sourire et balayer du revers de la main ces cabotinages bons pour l’orient. On pourrait aussi faire remarquer que tout ce que le président candidat considère comme un frein à son action est le produit de l’histoire de la nation française, l’héritage et le compromis d’une accumulation de fautes et de sagesses, que l’on peut résumer comme étant l’identité de ce pays. Et qu’il n’y a pas pire enfantillage que de croire que tout cela pourrait être balayé par des pratiques bonapartistes sans Bonaparte puisque lui, au contraire, a passé son temps à créer ces institutions, aujourd’hui si malmenées.
Une fois encore, on constate que la lacune principale de ce président de la minorité silencieuse reste le manque dramatique du sens et de l’enseignement de l’histoire. Tel un enfant gâté, qui ne voit le monde que comme sa propre prolongation, il refuse le sens même du constat, de l’évaluation, vivant et agissant dans une bulle qui méprise le passé, qu’il soit lointain (histoire) ou proche (bilan) mais aussi le futur. Car emprunter à la carte chez ses concurrents leurs thèmes les plus chers, indique qu’il n’évalue pas ce à quoi ces derniers renoncent. S’ils sont, tout comme lui, minoritaires, c’est qu’ils ont fait des choix qui ne peuvent pas forcément plaire à tout le monde. Par contre, si lui est minoritaire c’est justement qu’il renonce à rien. Les clivages qu’il invente, artificiels et a historiques en sont la conséquence. Cette élection, comme le fait très justement remarquer son ministre des affaires étrangères se jouera sur la crédibilité. Or s’il existe une majorité en France (et pas seulement en France) celle-ci s’est faite autour de la certitude que le président candidat fait avec la vérité des gammes, y joue, et prononce avec une aisance désarmante des contre vérités aux quelles lui-même ne croit. Le socle social qui continue à faire croire qu’il croit à ces contre-vérités (pour des raisons qui n’ont rien à voir avec elle) n’atteint même pas le tiers électoral de ce pays. Les autres deux tiers, comme indiqué, ne croient peut-être pas en un projet unique mais savent pertinemment qu’ils ne peuvent plus être dirigés par une fable vivante.
33 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON