Le capital en quarantaine
Pour la gestion de la crise sanitaire, laissons agir les professionnels de la santé publique et de la science. En ce qui concerne la gestion du volet économique et financier de la pandémie, la société serait bien inspirée de ne pas la laisser aux experts.
En effet, la Présidente de la « Banque Centrale Européenne », Christine Lagarde, s’insurge contre « le manque de réactivité des gouvernements » dont « la réponse doit d’abord être d’ordre budgétaire ». Alors là, c’est l’hôpital qui se fout de la charité.
Afin de sauver, in extremis, le secteur bancaire de la faillite en 2008, lors de la dernière crise financière, le secteur public européen était contraint de s’endetter jusqu’au cou, dépassant largement les critères en matière de déficits publics (3% du PIB p.a.), déficits supplémentaires crées par le service de la dette en faveur des détenteurs de bons du trésor, les banques, et d’endettement (60% du PIB), seuils, stipulés dans le « Pacte de stabilité et de croissance » signé par les 27 états membres, à ne pas dépasser. Ce « catch 22 » rend impossible toute « flexibilité budgétaire » exigée par Madame Lagarde.
La Réserve Fédérale américaine de son côté n’a pas les mêmes scrupules. Après de nombreuses manœuvres de sauvetage en faveur de son secteur bancaire éprouvé, manœuvres récentes qui datent du mois de septembre de l’année passée déjà, sous le radar des médias, (1) elle met à nouveau 1'500 milliards USD sur la table. C’est sans compter les sommes qu’elle avait déjà injectées entre 2008 (crise des « subprimes ») et 2014, et, une nouvelle fois, depuis septembre 2019 (faillites en cascade probables dans le secteur pétrolier américain, engagé massivement dans la fracturation hydraulique, dont le coût d’extraction se situe autour de 50 USD par barrel vs une cotation de 30 USD sur les marchés du brut).
Si elle distribuait, ne serait-ce que la dernière tranche de ces multiples opérations de sauvetage bancaire au secteur public, chaque américain, du bébé au vieillard, recevrait 4'500 USD sur son compte. Mais, c’est là que le bât blesse. Elle ne sert pas le public.
Si donc Madame Lagarde avait, ne serait-ce qu’une once de bon sens, elle aussi ferait ce que les banquiers centraux savent faire le mieux, de l’assouplissement quantitatif, disons 2'000 milliards d’euros. Les européens sont un peu plus nombreux. Cela compenserait dans un premier temps, en partie, le manque à gagner dû à la crise sanitaire et créerait un peu d’inflation. Les traités prévoient 2% par année, il y aurait donc de la marge.
Sans aide public, les marchés financiers s’effondreraient de toute évidence, disons de 50%, ce qui, en termes d’évaluation réelle ne serait pas un drame, mais ce qui mettrait en péril la survie des banques, raison pour laquelle leur nationalisation s’imposerait.
Pour éviter l’effondrement du système, les pouvoirs publics reprendraient le contrôle de la création monétaire, ce qui, dans le cadre de l’Union Européenne serait un peu plus compliqué, on le concède volontiers, mais pas impossible. Une idée d’ailleurs soumise au peuple suisse sous forme d’initiative populaire dite initiative « Monnaie pleine » et refusée « illico presto » par le Souverain à 75% le 10 juin 2018.
Les pertes en capital des fonds de pension par capitalisation seraient compensées et les structures des derniers réintégrés dans le secteur public et fondus dans un même système de rente par répartition.
Un adepte de ce genre de solution radicale est déjà tout trouvé, le Président français Emmanuel Macron, qui annonce, lors de sa dernière allocution de crise que « des décisions de rupture » seraient prises et qui, soudainement, découvre que « le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies, dévoile ses failles au grand jour », raison pour laquelle « certains biens et services doivent être placés en dehors des lois du marché ». C’est dire.
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