Le Capitaliste frustré
Frustré par l’attitude de ses adversaires classiques, le capitaliste vise à rappeler à travers la politique qu’il pratique depuis les années ‘80, que la liberté individuelle, et implicitement la propriété privée, au fondement de l’économie libérale, ne doivent être sacrifiées au nom de quelconque égalité matérielle ou sociale.
On considère par convention, que la crise de 1974 découle d’un crash boursier dû à une forte augmentation du prix du pétrole de la part des pays membres de l’OPEP. Effectivement, c’était l’aspect de forme de la crise. Néanmoins, le fond de cette crise renvoie au traditionnel rapport de force entre l’Occident et les pays en voie de développement. Sachant que l’accès au pétrole constituait l’enjeu majeur pendant la période industrielle, l’augmentation du prix fut envisagée par les pays exportateurs, comme une stratégie adéquate afin de mettre la pression sur les pays dits capitalistes. La finalité étant bien sûr une redistribution égalitaire de richesses planétaires.
On doit rappeler à ce titre, que l’élan dynamique correspondant aux Trente Glorieuses, avait laissé croire que la pauvreté et les crises sont derrière nous, et que l’ère de la démocratie et des égalités est à son œuvre. En Occident, réconfortés par la génération ’68, les partis de gauches mettaient la pression sur le capitaliste à travers l’appareil politique en proposant une fiscalité, disent-ils plus juste, donc plus stricte. A l’Est, l’Union Soviétique cherchait à travers les Nations Unis à limiter la sphère d’influence de pays occidentaux, en les accusant devant la communauté internationale d’impérialisme et de capitalisme. Enfin, vers le sud, les pays d’OPEP, enthousiasmés par certains leaders révolutionnaires, ont augmenté le prix du pétrole dans l’espoir de rééquilibrer le rapport de force avec l’Occident. Or, tout cela semble avoir frustré le capitaliste.
Il convient de préciser tout d’abord, que le pétrole faisait fonctionner l’industrie occidentale, dont la production, on le sait fort bien, était destinée également aux pays moins avancés. Dès lors, le ralentissement de la production occidentale a impacté également sur ces pays. C’est-à-dire que pour faire face à la montée brusque du prix du pétrole, qui a fait trembler l’économie occidentale, la réponse immédiate du capitaliste a été de couper les aides financières et matérielles destinées aux pays moins avancés. Il revient à dire, que la crise pétrolière a impacté d’abord, et à court terme, sur les pays occidentaux, ensuite, et à long terme, elle a impacté davantage sur les pays en voie de développement.
Manifestement, frustré de front par les courants socialistes, par les démocraties de l’Est et par les pays d’OPEP, le capitaliste a changé radicalement sa stratégie. Soucieux depuis longtemps de l’incertitude relative à l’importation du pétrole, et nourrit par la volonté de souveraineté énergétique, le capitaliste avait mis l’accent sur la micro-technologie afin de limiter la consommation en matière d’énergie fossile.
L’arme fatale du capitaliste, la technologie de pointe, permet dans un premier temps (grosso-modo entre 1975 et 1990) une production de moins en moins gourmande en énergie. Elle permet ensuite, notamment après 1990, le passage progressif envers de nouvelles énergies, dont les énergies renouvelables.
Face à cette stratégie les pays de l’OPEP sont à nouveau affaiblis. Car dans un contexte où toutes ces nouvelles énergies faisaient baisser la demande d’énergie fossile, puis dans le contexte où les technologies que requiert l’exploitation pétrolière appartiennent aux occidentaux, les pays de l’OPEP furent obligés de baisser le prix, et d’accepter la proposition occidentale vue comme un compromis entre l’offre et la demande. Ce qui explique d’ailleurs, qu’actuellement, les pays du Golfe Persique craignent la transition énergétique, et le passage massif aux énergies renouvelables, car cela fera effondre toute leur économie.
En parallèle, cette même arme fatale, « la technologie » a permis au capitaliste de vaincre son adversaire de classe, si on veut parler en termes de Marx. Dans les pays occidentaux, le passage à la micro-technologie a mis fin aux géants industriels, ce qui a affaibli la classe ouvrière, et a porté sur son effacement en tant que puissante catégorie sociale. Puis, sur l’arène internationale, la production capitaliste moins énergivore s’est imposée par son prix, vu que les pays dits socialistes n’ont pas remplacé les vieilles machines gourmandes en énergie. Du fait, le Bloc communiste s’effondre à son tour face à la technologie de pointe du capitaliste.
La frustration du capitaliste augmente d’un cran lorsqu’il constate que dans certains pays le développement démographique est nettement supérieur au développement économique. Rappelons à ce propos, que dans les années 1960, la planète comptait environ 3 milliards d’individu. Il y avait donc suffisamment de ressources pour nourrir ces individus et pour développer les technologies nécessaires à la conquête de l’espace. Tel était le projet du capitaliste, et sa perspective d’envisager le progrès et l’évolution de l’être humain.
Néanmoins, en espace de trois décennies, la population mondiale a plus que doublé. Du fait, la communauté internationale exige une meilleure redistribution des richesses afin de nourrir ces nouveaux arrivés. Implicitement, le budget alloué aux recherches scientifiques par pays diminue. Situation qui ne plaît guère au capitaliste, car cela nuit à ses projets.
Il est d’autant frustré, car il constate que les populations qui sont en besoin sont presque toujours les mêmes. Dans les années 1960 leur nombre était d’environ 500 millions, tandis que dans les années 2000 leur nombre était d’environ 2 milliards, et continue d’augmenter. Donc, après avoir constaté que toute entrée d’argent ce traduit par une augmentation de la population, et non pas par un développement économique, il devient plus stricte et plus rigide quant au financement de programmes humanitaires. Ce qui explique, que le budget des Nations Unies destiné aux divers programmes d’aide au développement ou aide humanitaire, n’a plus vraiment augmenté dans les dernières deux décennies.
Ainsi, déçu, et frustré par cette évolution inattendue, le capitaliste change les règles de jeu. Pour éviter d’être identifié, et d’avoir un ennemi identifiable, il fait rentrer un maximum du monde dans son système. A ce titre, il crée l’Organisation Mondiale de Commerce et accélère la mondialisation économique. Puis, conscient que pour ses adversaires traditionnels se puissance reposerait sur son capital financier, il accélère également la mondialisation financière. Il ne détient plus le capital, ce sont les autres, grands et petits, qui financent le fonctionnement de son activité à travers leurs réserves placés dans les banques. Dès lors, il devient non-identifiable.
En outre, pour anéantir définitivement les revendications de gauche, en matière de droits sociaux et de droits du travail, des années 2000 il a déclenché la délocalisation. La Chine est devenue l’usine du monde, et les pays voisins, ses sous-traitants.
De même, pour constituer sa puissante et fidèle avant-garde, il a endurci les conditions d’accès aux postes de responsabilité dans le secteur économique et financier. Pour cela, il a inventé le concept de flexibilité, de disponibilité, de compétitivité, puis celui de capacité intellectuelle et d’évolution professionnelle, ainsi que les notions de performance, de rentabilité, d’efficacité. Conscient que celui qui répond à ces exigences serait un partenaire de confiance, il a fait de ces atouts les principaux critères de sélection et de promotion.
Enfin, toujours inexorable, il a attiré dans son cercle une petite minorité correspondant à presque chaque nation du monde, à travers laquelle il impose ses règles et sa stratégie économique. Manifestement frustré, le capitaliste ne cache plus aujourd’hui sa fermeté. A travers la politique qu’il pratique depuis les années ‘80, il vise à rappeler que la liberté individuelle, et implicitement la propriété privée, au fondement de l’économie libérale, ne doivent être sacrifiées au nom de quelconque égalité matérielle ou sociale.
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