Le cardinal couronné : Charles X, roi fantoche de France (1589-1590)
Au cœur des guerres de Religion, à la fin du XVIe siècle, un homme d'Église se retrouve propulsé sur le trône de France. Charles de Bourbon, cardinal de Vendôme, devient Charles X, roi contesté d'un royaume déchiré. Retour sur le destin singulier de ce souverain éphémère, dont le règne symbolique incarne les passions et les contradictions d'une époque troublée.
Un cardinal au cœur de la tempête
Né le 17 février 1523, Charles de Bourbon était le fils de Charles IV de Bourbon, duc de Vendôme, et de Françoise d'Alençon. Destiné à une carrière ecclésiastique, il est archevêque de Rouen dès 1550, puis cardinal en 1548. Ambitieux et habile, il se retrouve impliqué dans les intrigues de la cour, notamment lors des guerres de Religion qui ensanglantent le royaume depuis 1562.
Fervent catholique, Charles de Bourbon s'oppose fermement à la montée en puissance des protestants. Lorsque la question de la succession au trône se pose, après la mort du duc d'Anjou en 1584, il devient un candidat potentiel pour les catholiques intransigeants. En effet, la loi salique désigne Henri de Navarre, chef des protestants, comme héritier légitime. Mais pour la Ligue catholique, une puissante faction ultra-catholique, un roi huguenot est inacceptable.
L'ascension d'un roi improbable
Le 2 août 1589, l'assassinat d'Henri III par le moine Jacques Clément bouleverse la donne. La Ligue, déterminée à empêcher l'accession au trône d'Henri de Navarre, proclame Charles de Bourbon roi de France sous le nom de Charles X, le 21 novembre 1589. Ironie du sort, le nouveau souverain est alors prisonnier d'Henri de Navarre depuis la bataille de Coutras en 1587.
Malgré sa captivité, Charles X est reconnu par le Parlement de Paris et plusieurs villes du royaume, ainsi que par le pape Sixte V. Son accession au trône est soutenue par le très catholique roi Philippe II d'Espagne, qui voit en lui un moyen de contrer l'influence française en Europe. Pour affirmer sa légitimité et asseoir son autorité, un large monnayage est émis à son nom.
Un règne entravé par la captivité
Le règne de Charles X est marqué par une profonde dualité. D'un côté, il est le roi légitime aux yeux de la Ligue, symbole de la résistance catholique face à l'hérésie. De l'autre, il est un souverain prisonnier, incapable d'exercer pleinement son pouvoir.
Confiné dans sa prison, Charles X tente néanmoins de jouer son rôle. Il nomme des gouverneurs, s'efforce de lever des troupes et envoie des ambassades auprès des puissances catholiques. Mais ses actions sont limitées par son isolement et par les divisions au sein de la Ligue. Certains ligueurs, mécontents de l'influence espagnole, commencent à se rapprocher d'Henri de Navarre.
La fin d'un règne éphémère
Le 9 mai 1590, après seulement quelques mois de règne symbolique, Charles X meurt en captivité au château de Fontenay-le-Comte, à l’âge de 66 ans. Quelques mois auparavant, il avait reconnu la légitimité du roi Henri IV, Les causes de sa mort restent incertaines, probablement la dysenterie ou un empoisonnement. Sa disparition porte un coup fatal aux ambitions de la Ligue. Privée de son souverain nominale, la faction catholique se fragmente et perd progressivement du terrain face à Henri de Navarre.
La mort de Charles X marque la fin d'un épisode singulier de l'histoire de France. Son règne, aussi bref que symbolique, illustre la complexité des guerres de Religion et les enjeux de pouvoir qui se jouaient alors. En 1594, le Parlement de Paris, qui l'avait pourtant reconnu officiellement quelques années auparavant, ordonne de rayer son nom de tous les documents publics officiels où il avait été inscrit depuis 1589.
Un roi oublié, symbole d'une époque troublée
Aujourd'hui, Charles X est un personnage fort méconnu de l'histoire de France. Son règne, écrasé entre celui d'Henri III et celui d'Henri IV, est souvent relégué au rang d'anecdote. Pourtant, son histoire mérite d'être redécouverte.
L'histoire retient surtout Charles X comme un roi fantoche, manipulé par la Ligue et incapable d'imposer son autorité. Pourtant, son règne, bien qu'éphémère, a laissé des traces. Le monnayage émis à son nom, de 1590 à 1598, témoigne de sa reconnaissance comme souverain légitime par une partie du royaume.
De plus, son bref règne a mis en lumière les divisions profondes qui traversaient la société française. Catholiques et protestants, ligueurs et royalistes, s'affrontaient dans un conflit qui menaçait gravement l'unité du royaume.
Finalement, le destin de Charles X interroge sur la nature du pouvoir et la légitimité du souverain. Dans un contexte de guerre civile, qui détient la véritable autorité ? Le droit du sang, incarné par Henri de Navarre, ou la défense de la foi, représentée par Charles X ?
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