Le chantage des phobies

La phobie, du grec ancien "phobos", signifie la peur, l'angoisse. En psychologie les phobies sont des crises d’angoisses déclenchées par la présence d’un objet ou d’une situation spécifiques, lesquels ne présentent pas de caractère objectivement dangereux.
Cependant le mot a été détourné de son sens sémantique pour signifier la haine. Le terme "homophobie" est apparu en 1971 de l'anglais "homophobia", désignant la haine des homosexuels. L’homophobe, c’est celui qui déteste les homos. En réalité, le suffixe « phobe » désigne celui qui a peur. Celui qui déteste c’est le « miso ». Le misogyne déteste les femmes, le misanthrope déteste les êtres humains.
L’incroyable mais explicable triomphe de la "phobie", la "phobophilie", la prolifération de « phobies » de toutes sortes dans le discours public est le symptôme de deux tendances lourdes constitutives de notre société : la psychologisation et la moralisation des comportements sociaux d’une part, la judiciarisation de ces comportements d’autre part. La dimension de la pensée, et de la pensée critique disparaît ainsi totalement au profit de l’affect. Même en absence de haine, on parlera de phobie, et si celle-ci est publiquement exprimée par la parole ou par l’écrit, elle pourra désormais tomber sous le coup de la loi. C’est ainsi que le terme général de racisme tend désormais à être remplacé par ceux de négrophobie, d’islamophobie ou homophobie. Cela dit, racisme anti-noir, anti-islam, anti-gay feraient aussi bien l’affaire, mais la phobie est plus forte.
La catégorisation des phobies ne va pas sans arbitraire et elle révèle davantage les rapports de force que la logique objective de la réalité sociale (tel groupe de pression plus influent qu’un autre a de bonnes chances de faire passer sa phobie dans les articles de presse et les textes de loi) . Pourquoi l’homophobie serait-elle un délit, et pas l’américanophobie ? Si un Américain est tabassé dans la rue parce qu’américain, pourquoi la loi ne manifesterait-elle contre l’agresseur une sévérité particulière ? Au faite, déjà la loi contre les insultes suffit pour toutes ces phobies, sans faire des lois supplémentaires, mais on comprend que le vocabulaire de nos phobies reste sélectif : nous ne disposons d’aucun mot pour désigner la phobie, pourtant réelle, de la vieillesse.
L’homophobie est une de ces « phobies » nouvelles qui ont colonisé le discours public. Le code pénal sanctionne désormais avec une sévérité particulière des propos et des actes à caractère homophobe. Le mot a été diffusé sur la place publique grâce à l’activisme des associations homosexuelles. Ce qu’il y a d’inacceptable là-dedans est l’amalgame qui s’opère entre les actions délictueuses et criminelles d’un côté, et des affects personnels de l’autre. Ne pas aimer l’ homosexualité, est-ce un mal ? La loi n’a pas a statuer sur des pensées lorsque celles-ci ne débouchent pas sur un acte délictuel. Elle ne peut forcer quiconque à aimer l’homosexualité. Le terme d’homophobie confond tous les plans, subjectif et objectif, juridique et moral, politique et sentimental, mais pour ceux qui ont assuré son triomphe son avantage réside précisément là.
Le terme « islamophobie » fut inventé par des mollahs iraniens juste après la révolution islamique, en 1979, à l’arrivé de l’ayatollah Khomeiny au pouvoir. L’islamophobie fut l’anathème jeté sur les opposants exécutés par le régime islamiste. Parler d'islamophobie, à propos de ceux qui critiquent les dogmes de l'islam, c'est évidement entrer dans le jeu des islamistes. On peut s'étonner qu'un certain nombre d'intellectuels et de politiques, à leur tête le MRAP, aient entériné sans sourciller l’usage d’un terme qui a tout d’une machine de guerre idéologique lancée par les ennemis de la tolérance et de la démocratie. Le terme, dans cette connotation islamiste, est même entré dans le dictionnaire Robert : « Forme particulière de racisme dirigé contre l’islam et les musulmans. » Ainsi, une aberration sémantique en induit une autre : l’islamophobie serait un « racisme antimusulman ».
Les lobbies dits "antiracistes", ont-ils gagné en inventant ces néologismes pour en finir avec la critique ? D'un côté oui, mais d'un autre côté, en désignant toute critique comme du "racisme", ils ont créé un climat de "racistophobie", la peur d’être suspecté de racisme, qui limite et affaiblit le droit fondamental de la liberté d’expression.Les pouvoirs politiques, ont-ils eu raison de créer des lois "islamophobe" et "homophobe" ? Des lois contre les insultes et les agressions existaient déjà ; pourquoi une loi spécifique pour chaque communauté, sinon dans un but électoraliste ? Il y a quelque chose d‘ahurissante à voir une organisation comme le MRAP or SOS racisme criminaliser les adversaires du fanatisme. Si Voltaire vivait aujourd’hui, ces lobbies antiracistes le feraient jeter en prison.(voir notes).
Que faire contre cet abus idéologique de langage ? Ou bien dénoncer encore et toujours l’absurdité et l’escroquerie intellectuelle représentées par le terme, ou bien en subvertir radicalement la fonction en proclamant haut et fort le droit à l’islamophobie, le devoir d’islamophobie.
Il n’y a plus de liberté d’expression si une opinion peut être sanctionnée comme un délit : Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, Article 19 :
« Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. »
Notes :
1. Les lobbies antiracistes assimilent l’homophobie et l’islamophobie au racisme, susceptibles de poursuites. L'article 6 de la loi du 25 février 2003 prévoit une peine de prison d'un mois à un an et/ou une amende de 50 à 1 000 € pour quiconque « incite à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne, d'un groupe, d'une communauté ou des membres de celle-ci, en raison [...] de l'orientation sexuelle ». Les lobbies interprètent toute critique comme incitation à la haine.
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