Le chômage va persister et s’accroître pendant 20 ans
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Le chômage ne cesse de monter, mais comme tout processus social lié à des conditions économiques conjoncturelles, la courbe va se stabiliser. Deux scénarios possibles. Une lente et poussive baisse liée au salut d’une croissance que les sorciers de l’économie espèrent voir dépasser les deux points ; ou alors une stagnation du chômage à un niveau très élevé. Par ailleurs, il n’est pas certain que deux points de croissance puissent donner assez de punch au marché du travail pour résorber un chômage devenu endémique. Si c’est le cas, ce sera grâce à des emplois précaires, des stages, CDI, alors que les emplois stables vont se réduire très lentement. C’est un scénario probable de post-crise.
Le chômage est une situation définissant l’état des gens qui veulent travailler mais ne trouvent pas un travail qui leur correspond. Bien évidemment, cela sous-entend que le travail en question soit rémunéré. Il va de soi que si les gens acceptaient de travailler sans demander de rémunération, ils trouveraient un job vite fait. L’emploi dépend donc des conditions économiques et notamment des moyens de solvabilité. Le mécanisme est simple dans le principe. Un emploi suppose un employeur capable de payer un travailleur pour produire un service qu’il pourra écouler sur le marché des biens et services en faisant un bénéfice. Cela suppose que les sociétés soient en quête de ce service, peu importe sa finalité, vitale ou futile, et que ces mêmes sociétés de consommateurs puissent disposer de moyens financiers pour payer ce service. Le fait de payer à crédit entraîne des déphasages au point qu’on se demande si ce qui est acheté à crédit favorise le chômage de demain. A l’échelle d’un pays, deux débouchés s’offrent aux productions. Le marché intérieur et le marché international. Un Français qui achète à l’étranger dope l’emploi là-bas alors que s’il achète français, il favorise l’emploi de ses compatriotes. Mais le consommateur est sensible aux différences de prix. A qualités et services égaux, il achètera chinois ou brésilien plutôt qu’un produit de chez lui. On voit aussi que le dispositif de production est important. Les pays émergents sont entrés dans la dynamique industrielle en se dotant des technologies contemporaines. Cela a induit du chômage dans les pays avancés. Deux facteurs jouent ainsi sur l’emploi, la concurrence des pays entrants dans le monde industriel et la délivrance de crédits à la consommation. Pendant ce temps, les industries se transforment et de nouveaux emplois sont proposés aux travailleurs moyennant une formation alors que les emplois anciens devenus obsolètes sont supprimés. Deux facteurs jouent. Les progrès dans la technologie et l’accès des pays émergents aux technologies. On comprend pourquoi la Chine et le Brésil sont fortement intéressés par les technologies de l’aviation. Une fois en possession des outils, ils formeront leur population et créeront des emplois chez eux, alors que chez nous, pays de l’OCDE, nous auront des licenciements. Cela fonctionne suivant le principe des vases communicants.
N’oublions pas également un facteur très important, l’Etat et sa fonction publique. Le mécanisme est le même que celui du marché mais avec quelques détails important. L’Etat emploie des fonctionnaires, les collectivités locales aussi. Ces travailleurs du public offrent des biens et services qui ne sont pas choisis par les consommateurs mais jugés nécessaires par les pouvoirs publics et les citoyens. Le mode de paiement obéit au principe de mutualisation. Le citoyen ne paie pas les services publics directement et individuellement mais globalement et indirectement avec les impôts qu’il acquitte, sur ses revenus, sur la valeur ajoutée, sur l’essence et à travers les innombrables taxes conçues par nos énarques. On constate que l’Etat a les moyens d’intervenir sur l’emploi. Mais c’est une politique en trompe-l’œil car le principe d’équilibre prévaux et l’argent dépensé pour des services publics, c’est de l’argent ponctionné dans la poche de contribuables qui auront moins de moyens pour consommer des biens de consommations mis sur le marché. L’emploi public n’est pas du tout une solution pour résorber le chômage.
Un œil sur le passé montre les évolutions du chômage dont on doit dire qu’il est massif depuis trente ans. La montée rapide du chômage a accompagné l’entrée dans une ère post-industrielle. Entre 1973 et 1987, la France a connu une période de mutation importante. Deux chocs pétroliers ont accompagné la fin du rattrapage avec les Etats-Unis, puis le Japon a pris sa part, généralisant l’emploi des robots. On a assisté à une modernisation industrielle aussi révolutionnaires que les précédentes, celle de 1830 et la vapeur, celle de 1900 et l’électricité, celle de 1920 et l’automobile. Ces industries ont été fortement demandeuses de travailleurs. Le tertiaire a pu absorber également les demandeurs d’emploi. Depuis les années 1980, la tendance est au délestage alors que la modification du tissu productif ne peut absorber les travailleurs, si bien que le chômage s’est durablement installé. Il y a eu des hauts et des bas ayant correspondu à des phases de mutations et réajustements. Une légère baisse entre 1986 et 1990, puis une terrible ascension pendant le second septennat de Mitterrand, conduisant le sous emploi vers des records en 1994, ensuite, une stabilisation et une modeste descente amorcée vers 1995 mais qui a duré jusqu’en 2001 et à nouveau, sur fond de crise de croissance, une remontée modeste pendant quelques années et une descente tout aussi modeste conduisant aux chiffres honorables ayant signé le début de règne de Sarkozy. La suite on la connaît. Le chômage remonte suite à la grande secousse de 2008 et on s’attend à retrouver une situation aussi calamiteuse que celle qu’on a connue en 1994.
Le chômage des années 1980 est venu de l’épuisement du modèle industriel mis en place après 1945 ; celui de 1994 est dû au succès de la productivité et de la mise en place du toyotisme suivi du marasme japonais avec les bulles spéculatives. Le chômage de 2002 est dû à l’épuisement des nouvelles technologies, du dégonflement de la bulle spéculative, avec une influence sensible des pays émergents. Le chômage de 2009 combine les effets précédents, avec un peu plus d’impact. On assiste aux effets de la spéculation, des mauvaises manières de la finance, du déplacement des lieux de production vers les géants émergents, quant à l’Etat français, il semble pratiquer la politique du court terme. Déficit et dette pour tenter une relance avec l’espérance de succès d’un joueur de casino essayant de se refaire. L’objectif à court terme étant d’éviter une montée du chômage plus catastrophique que celle qu’on connaît. Mais on le sait, la dette d’aujourd’hui prépare le chômage de demain. Compte-tenu des mauvaises manières de la finance, de la productivité croissante, de l’inexorable ascension des géants émergents, des dettes accumulées, on ne peut plus voir le chômage baisser. Dans le meilleur des cas, on peut espérer une stabilisation, qui risque de durer 20 ans. Mais si entre temps crise se renouvelle, alors ce sera une montée supplémentaire du chômage.
Nous voilà donc au seuil d’un choc de civilisation face auquel nous sommes démunis. Quelles marges de manœuvres, quels artifices avons-nous pour reculer l’échéance ? Les habitants des pays émergents et avancés ont des besoins et des désirs à satisfaire. Et pour y parvenir, ils n’ont besoin que d’une partie de la population active. Le chômage massif est inéluctable en Europe. Nous assistons à la fin de la civilisation basée sur le travail. Et je précise, le travail dans son sens classique.
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