Le code du travail, un refuge pour les siècles passés
Le travail n'est plus le même qu'au XIX ème siècle, le reformuler ce n'est pas revenir en arrière mais au contraire évoluer avec son temps
Notre pays aime les protections (même illusoires) et face à un travail vécu par certains comme un risque, une douleur ou même une malédiction, le législateur et les partenaires sociaux ont accumulé en 150 ans des strates successives qui ont transformé un simple recueil réglementaire en une encyclopédie lourde et indigeste, un texte et des écritures sacrées pour certains de nos concitoyens.
En 2016 le Code du travail protège bien plus du travail qu'il ne protège le travail
La législation du travail est née au XIX ème siècle, au démarrage de la société industrielle puis dans le développement du salariat (que Marx assimilait à un esclavage) quand le travail présentait des caractéristiques simples :
- Le travail était prescrit : Le patron, le cadre, l’ingénieur ordonnaient le travail à un exécutant qui était un subordonné et qui offrait (en contrepartie d’un salaire) son temps pour exécuter son travail (faire des trous dans une pièce, assembler des tôles, enregister une vente, ou encore classer des dossiers)
- Le travail était simple, facilement quantifiable et répertorié dans des cases (les qualifications)
- Le travail était massif et les adultes étaient souvent happés par un monde du travail qui ne pouvait se permettre de laisser tout le monde étudier (le moins longtemps était souvent le mieux)
- Le travail était prévisible dans une société où les changements (technologiques, sociaux, économiques) étaient progressifs et lents
- Le travail pouvait s’apprendre durant les seules années de jeunesse
- Le travail était localisé (sur un lieu spécialisé pour le travail), difficilement importable (ou exportable)
- Le travail était un droit universel (le droit d’avoir une activité salariale à hauteur de son engagement au travail afin de vivre sa vie sociale)
- ….
Bref le travail, juste après guerre et encore pendant les 30 glorieuses (quand le droit du travail devint ce catalogue social indigeste que nous lui connaissons), ce travail n’avait pas grand-chose à voir avec le travail aujourd’hui.
En 2016 dans une société postindustrielle (même si certains travaux artisanaux ont évidemment peu changé, comme celui du boulanger, du livreur ou de l’ouvrier sur un chantier) le travail n'est plus le même et le code du travail devient un anachronisme (coûteux en activité et en emplois).
Le travail aujourd’hui présente les caractéristiques suivantes (hors fonction publique qui est un cas à part)
- Il est de moins en moins prescrit (ni prescriptible) et donc les travailleurs doivent non pas improviser mais surtout être suffisamment compétents et investis qu’ils doivent trouver tous les jours de nouvelles solutions à des problèmes qui ne s’étaient pas encore posés
- Il n’est plus une simple mise à disposition du temps du travailleur. L’implication intellectuelle que nécessitent la plupart des tâches aujourd’hui fait que ce n’est plus tant le temps le temps passés à travailler qui importe mais bien plutôt la compétence, l’implication et les qualités collaboratives de chaque membre du collectif travail
- Dans les sociétés postindustrielles il n’est plus massif. On ne construira sans doute plus jamais en occident des usines à la campagne ou des quartiers d'affaires comme la Défense, face aux 5 millions de chômeurs (mais 10 millions sans doute de personnes ne travaillant pas assez) les possibilités d’emplois seront plus rares, individualisées et temporaires
- Le travail n’est plus prévisible ou aisément programmable. Des marchés peuvent disparaître en quelques mois ou années (les journaux en kiosque, les disquaires ou les agences de voyages) et d’autres apparaître tout aussi brutalement (Airbnb, Uber ou le bon coin) mais la désintermédiarisation est à l’œuvre partout et la plupart de ces nouveaux métiers ne seront pas salariés
- Le travail ne s’apprend plus durant l’enfance ou la jeunesse mais tout au long de la vie
- Le travail est à la fois partout et nulle part. On peut travailler depuis chez soi on à la campagne avec un téléphone portable et à contrario on peut ne rien produire dans un bureau face à un ordinateur (même allumé)
- Le travail reste un droit mais la valeur travail a reflué. Du fait d’1/2 siècle de société des loisirs et de la consommation, le travail n’est plus vital, certains de nos concitoyens (parmi les jeunes notamment) cherchent sans doute plus un revenu qu’un travail.
Peut-on réinventer un droit du travail ?
La meilleure formule pourrait être le code du travail à la danoise : ce code éphémère de 250 pages, renégocié intégralement tous les 3 ans (durant 6 semaines) et ensuite sans plus de remise en cause possible.
Un droit souple, adapté et accepté par tous pour un travail qui ne peut plus seulement être conflictuel et témoin de la lutte des classes.
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