Le « costard » de votre majesté est avancé ! Fabliau. /2
Suivant l'humeur de l'Oli, la Garchie leur offrait le repas, ça rentrait dans les frais généreux. Mais des repas d’un chic , mes amis ! On était loin du petit ragoûgnasse de la belle-mère Pipo et de la tartiflette de la mère Popu.
- Oh ! Messieurs mes Kamarades travailleurs, leur répliquait le printanier monarque du royaume d’Oligarchie, travailleurs, z'en faîtes pas, c'est populo qui paye !
- Populo ?
- Contribuables, si vous préférez ! Enfin ! Voyons !
Ce roi-là il serait très bien passé en couverture de Play Boy, avec son dentier étincelant de matière synthétique, forcément ! Sa petite raie sur le côté de premier communiant, bien peigné, bien gominé, le dentier débordant… C'était la première fois que nos deux compères se trouvaient nez à nez avec l'Oligarque qu’ils n’avaient croisé qu'une fois dans leur vie. Depuis leur ascension vertigineuse, ils étaient reçus par un autre oligarque, le ministre du Travail qui n'arrêtait pas de proclamer : il faut faire des économies, faut faire des économies ! Des Zéconomies ! zÉconomies ! C'est l'austérité !
Mais pas pour tout le monde !
- Ah ! Zéconomies votre sainte éminence toute grise ! Chais pas si Populo sera d'accord !
- Mais, c'est à vous de les calmer, les blaireaux !
C'est tout de même impressionnant, un monarque, vu de près ! Surtout celui-là.
Dring ! Dring, kkkraaaaa ! Çà, c'est la sonnette du prolo ! Mais chez le roi Moije, on a droit à la jolie musique de Westminster ! Ding, ding, ding, dong, Dong, dong, ding ding ! C'est plus... Hurff ! Smart !
De Blair à Cameron et à Bojo, depuis la vieille Thatcher, les Anglais eurent droit à tous les portraits éloquents de la gente oligarque rosbeefienne, tous taillés sur le même modèle, à croire qu'ils s'étaient reproduits spécialement pour l'emploi ; il n'y avait pas d'autre alternative... Et notre fringant et sémillant monarque jeune premier du cinéma électoral et du cirque de l'Urne, ne rêvait que de se donner l’air british telles les carnes britanniques. Il avait bénéficié des bienfaits de Jupiter qui ne pouvait rien lui refuser, secondé par la fée bleue qui s’était penchée sur son petit berceau de bébé-oligarque.
James le Majordome, le Français qui avaient pris nom anglais pour les mêmes raisons que sonnait la sonnette darling, darling- street accourt pour ouvrir à nos deux amis. Il ne marche pas, il vole, il glisse, James, sur le parquet qui brille comme une patinoire, pour accueillir nos deux camarades Popu et Pipo. Question habillement, nos deux cow boys sont passés d'abord chez le supermarché du coin pour le veston poids plume, bien froissé aux entournures et le col blanc entrouvert sans cravate chez Popu, et une chaîne d'argent autour du cou, chez Pipo. La décontraction du travailleur ne pouvant rivaliser avec celle du golfeur, il fallait faire des efforts, ils furent faits.
-
Bonjour monsieur le Ministre, font-ils à un James si élégant, si bien sapé pour un loufiat, mais un loufiat de luxe, se voulant flatteurs et taquins.
-
Oh ! fit James, outré qu'on l'ait confondu avec un ministre. Je suis James, le majordome !
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Oh ! Mille pardons ! s’excusent les deux syndicalistes, se clignant mutuellement de l’œil.
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Nous sommes attendus par le roi Moije ! Visite privée ! Est-ce que sa sérénissime principauté majestueuse inatteignable, est là ?
-
Je vais vous annoncer.
James revint un moment après :
-
Sa majesté va vous recevoir et vous prie de bien vouloir patienter un instant.
Popu et Pipo se regardent, complices, et Popu, aussi pâlichon que l'autre est finaud et rougeaud, demande au loufiat :
-
Alors James, quelles nouvelles ?
-
James : -Tout va très bien, monsieur le syndicaliste.
-
Pipo : Étes-vous syndiqué, au moins ?
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James : Moi ? Mais quelle hôôôôrrrrreur !
-
Popu (vexé) : Comment ça, quelle horreur ? Personne n'est à l'abri de rien de nos jours et vous serez bien content, James, de nous trouver ce jour malheureux où vous serez éjecté sans état d'âme. Connaissez-vous un ministre ou un président ou un roi qui ait des états-d'âme, vous ?
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Non ! C'est vrai, je n’en connais pas fit James... Mais je n'ai pas à me plaindre, il me tutoie, je le vouvoie, il me retutoie, je le revouvoie… Nous travaillons main dans la main !
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Au fait, vous êtes tenu par le secret professionnel, mais.... entre nous, a-t-il beaucoup de costumes ? Parce que chaque fois qu’on le voit à la télé, il en porte toujours de nouveaux.
-
Costumes ! Oh ! My god ! Il en a des dizaines dans ses dressing !
-
De grandes marques, ces « Costards » ?
-
Oh ! On ne dit pas « costards », on dit... « Costioumes » !
-
Eh bien nous on aime bien le mot « Costard »
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C'est parce que Costard rime avec tricard, fit Popu !
-
Tricard rime avec tocard...répond Pipo !
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Tu veux dire Smicard, lance Popu !
-
Je sais que monsieur sa Majesté a pour principe de bien mesurer les mots et de les prendre dans leur sens premier. Costumes, rime avec coutume, comme … ponctue James.
-
Fortune ! dixit Popu et Pipo, d'une seule voix altière, sonore !
-
Et fortune avec thunes ! tous les deux ensemble, dans une concordance de répartie étonnamment à propos, très fiers de leur saillie.
-
Mais au fait, tout à fait entre nous, de ses « costards » à lui, où qu'y les pêche ?
-
Oh ! Chez le grand faiseur ! A Paris, à Londres, à Rome, partout où les petites mains travaillent bien.
-
Oui, des mains pleines de doigts et qui sont payées à l’arbalète !
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Arbalète rime avec sornettes ! rigole Pipo
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Sornettes avec pirouettes !
-
Pirouettes avec cacahuètes !
-
Cacahuètes avec dettes ! fit le majordome
-
Tu l'as dit, mon James !
-
Dans son dressing ses collections de « costumes » sont renouvelées toutes les semaines à peu près, précise James.
-
Ah oui ? Parce qu'il les use en travaillant ? Ça transpire donc tant que ça, un roi d’Oligarchie ?
-
Oh oui ! À force de serrer des mains ! De lever le coude dans les cocktails, de participer aux émissions télévisées, de prendre l’avion, vous ne pouvez pas savoir ce qu'endure ce pauvre homme harcelé du matin au soir par les caméras, les micros, la fonction, quoi ! Et maintenant le peuple dans la rue !
-
Je connais, je connais, nous connaissons depuis qu'on est célèbres Pipo et moi, qu'on a brûlé des pneus dans l’usine en grève, pour défendre les travailleurs, en criant à bas la Calotte !
-
Mais non, idiot, on criait à bas la Finance ! La Finance c'est mon ennemie ! comme l'autre, là !
- Ah oui ! Celui qui faisait du scooter incogenito avec des petits croissants chauds !
- Mais non ! On dit Incognito ! Oh !
Sur ces entrefaites, sort sa Majesté qui vient accueillir nos deux amis. Grand sourire et serrage de main vif et chaleureux, la lippe plutôt réjouie et l’œil pétillant de malice, la raie bien nette et le cheveux lissé, se disant qu'il va dans quelques instants, avec le savoir-faire qu'on lui connaît, les retourner comme deux crêpes ces deux syndicalistes de choc, à la tête de syndicos depuis longtemps « partenaires » de ministres en poste, et non plus flingueurs de ministres ! Diantre ! On n'est pas chez les sauvages ! Alors, discutailler des détails d'une loi, le roi Moije se dit qu'il ne lui faudra pas longtemps pour qu'une loi fut-elle inique, devienne à leurs yeux, unique, donc nécessairement indispensable au bien-être du peuple, même une loi aussi pourrie !
Les deux syndicalistes de choc, déjà éblouis par la vêture de James, devant l'éblouissant costume Prince of Walles du monarque n'ont plus qu'une idée en tête, parler costumes et lui demander l'adresse du grand faiseur. Le play boy et son baratin leur en font oublier par sa capacité de détournement des questions essentielles en question subsidiaires, ce pourquoi ils étaient venus : parler de la Loi des retraites ! Nos deux combattants de la dernière heure, ne pensent plus qu'à parler costards, chemises et pantalons, vraiment se disent-ils, pourquoi lui et pas nous ? My taylor is rich disent les Anglais. Alors ça turlupine nos deux syndicalistes, car depuis un moment, évitant pour des raisons de partenariat évidente avec le roi Moije, et pour ne pas le froisser, ils préfèrent aller froisser l'étoffe de son costume, dans un dernier geste de familiarité grivoise dont le président leur accorde la privauté, il y a des gestes nécessaires et vitaux pour la nation. Et pour sa tranquillité, et celle de ses amis, il laisse Pipo chatouiller le Prince of Walles, tout en souplesse. Et vous savez quoi ? Prince of Walles aime les papouilles !
Popu le rougeaud s'exécute, il se lance :
-
Votre Majesté monarcale ! Je ne cesse d'admirer votre costume et je me disais que cela doit être passionnant de vous habiller !
-
Oh ! Mais ma femme me dit qu'il est plus intéressant de me déshabiller !
-
Tiens ? Moi aussi, ma femme elle dit toujours : - Mon homme, je l’épluche comme un oignon ! Ha ! Ha ! Ha ! fit Pipo, rigolard.
-
Moi, je préfère le contraire, déshabiller ma femme ! fit Popu.
-
En vérité, je ne sais plus de l'envers ou de l'endroit qui je déshabille ! dit le monarque avec un naturel surprenant. Quel est donc l'objet de votre visite, déjà ? Ah ! Oui, la loi ! La loi ! Est-ce bien nécessaire d'en parler pendant des heures ? Avec moi, vous verrez ce sera vite plié ! Hop ! Quelques 49-3 et quelques manifs pour la forme, hein ?
-
Mais c'est obligatouare d’en parler, le destin de la Nation en dépend !
-
Croyez-vous ?
-
Jamais nous n'avons eu autant de boulot avec cette loi... ! fit le syndicaliste dans une poussée urticaire de son visage cramoisi. Populo est très, très mécontent.
-
Pourquoi mécontent ?
-
Ils ne la trouvent pas équitable !
-
Oh ! Bien sûr, j'y songe, j'y songe, à ce qu'elle soit équitable entre tous. Nous y travaillons également. Voyez-vous, le travail en soi n'a jamais tué personne, alors de quoi se plaint notre bon peuple de France ? Et puis le travail c'est la santé !
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Ne rien faire, c'est la conserver ! s'exclament ensemble Popu et Pipo.
-
Mais qu'est-ce qui gêne autant le bon peuple de notre pays dans cette loi ?
-
Les non-dits, les interlignes, les silences... de cette loi !
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Mais tout est écrit dedans ! Non ? Il suffit de la lire ! C'est comme le Port-Salut.
-
Port-Salut ! Dessus ! insiste le palot Popu
-
Port-Salut ! Dedans ! réplique le rougeaud Pipo.
-
Eh bien, puisque nous sommes d'accords, reste plus qu'à organiser quelques manifestations pour marquer le coup, ensuite, peut-être vu le succès remporté par cette loi, je pourrai me présenter de nouveau sur les grands boulevards, le 14 Juillet ! Je serai applaudi par le bon peuple reconnaissant ! Tellement applaudi ! Si vous saviez comme j’attends ce moment avec impatience...
-
Oh ! Mais... Mon sire monarcal, fit Pipo, je n’en doute pas un instant, vous serez très présentable, vous avez l'élégance du verbe et un très bon tailleur. T'en penses quoi, toi , mon Popu ?
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Que votre majesté est habillée pour l'hiver, que nous n'aurons donc pas besoin de lui tailler des croupières. Ho ! Ho ! Ho !
-
Très juste ! Reste plus qu'à en référer à mon Supérieur !
-
Votre supérieur ? s'exclament de concert les deux syndicalistes ébahis.
-
Mais rassurez-vous, il est toujours d'accord sur tout, à un petit détail près, il faut que je téléphone à frau Von der Layena de Berlin ! Frau Von der Layena à Washington, et lorsque Washington sera informé par Von der Leyena de Berlin, il lui donnera le feu vert pour la loi, Von der Layena me téléphonera à son tour et Washington me téléphonera pour savoir si frau von der Leyena de Berlin a retransmis correctement les ordres de Washington, moi je dirai : OK boss ! Et je vous téléphonerai à vous pour vous en informer. Vous voyez ce n'est pas si simple de faire voter une loi en France. Cela vous donnera le temps d'organiser encore quelques bonnes manifestations bien saignantes. Ah ! Ah ! Ah ! Et je vous dirai à quel moment siffler la fin de la partie !
-
Vous savez votre majesté monarcale, ce sera difficile d'arrêter les manifestants, les CRS, les canons à eau, les coquetelles mototoves et les ambulances, les gyrophares, les caillasses qui volent partout. Pass’ que ça, vous savez, une fois qu’ c'est lancé ! C'est lancé !
-
Mais Je ne veux rien savoir ! Revenez me voir dans quelques temps pour le salon de l’Agriculture, j'aurai besoin de vos conseils vestimentaires. Cette fois-ci, je voudrais faire « peuple », vous savez, péquenaud pour aller faire du serrage de mains dans les foires à bestiaux, comme Chirac ! Ah ! Tout d'même, Il était fort ce Chirac pour renifler la bouse et marcher dans le fumier ! Qu'est-ce que vous me conseillez ? La canadienne ?
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Oh ! Le Jine ! C'est le mieux.
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Ah ! Le Jean ? Peut-être bien ! Et je leur parlerai de la France au milieu des vaches, des chèvres et des moutons, des poules et des canards, des prés, des petits chemins qui sentent bon la noisette ! Ah ! Le beau métier de roi que voilà ! Vous croyez que je ferai suffisamment peuple ?
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Sais pas ! Nous on a Poutou ! Ca nous suffit ! On le sort de temps en temps ! Et puis on avait il y a quelques années eu la même demande du temps de Grand Chichi,figurez-vous par un ancien ministre vous savez un grand chauve avec l’air d’avoir toujours un balai dans l’fion ! Comme qui s’appelle déjà ? On lui avait conseillé de prendre au moins l'air joyeux. C'est vrai, quoi, il était sinistre. C’est quoi son nom déjà ?! dit Popu,
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Me rappelle plus ! Sont tous pareils, fous comme des lapins ! Ca commence à me gaver ! Gauche, droite, centre, on a eu aussi une sorte de torero, très agité ! Il est parti comme il est venu, Pfuiiittt ! comme une fusée, on entend plus parler de lui !
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Mais de quoi tu te plains, Pipo ? On est reçu partout. A la télé, chez les ministres, nous sommes paraît-il les rouages de la nation ! C'est fou le travail qu'on a depuis qu'on a brûlé des pneus, si j'avais su ça, j'aurais commencé plus tôt ! Mais j'avais pas de stocks disponibles sous la main !
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Alors, vous avez bien compris, les blaireaux, je résume, je dois me rendre au salon de l’Agriculture, n’oubliez pas !
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Et la loi retraite ? Où qu’on la met ?
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Nulle part… Nous avons des projets… Vous savez un projet de loi, ça va, ça vient, ça-se-pro-jète !
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C’est de la prestidigitation, quoi ! fait Pipo !
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Alors à plus, hein ? Mes joyeux kamarades ! J’aurai encore besoin de vous ! Pour une autre loi, celle là elle va faire du bruit, une loi sur la fin du cash !
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Oui, on pourra ressortir le matériel roulant, la zizique et tout le bastring ? Et c’est quand, tout ça ? Vous avez une idée de la chose ? claironne Popu.
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Ah ! J’en sais rien ! Pour la boule de cristal, c’est pas Moua, le spécialiste !
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