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Le culot ! Edwy Plenel, sur Radio Suisse Romande, fait des journalistes les « dépositaires d’un droit de savoir des citoyens » !

Que dirait-on d’un individu qu’on entendrait répéter en battant des bras et en sautillant sur place  : « J’échappe à la pesanteur, j’échappe à la pesanteur ! » ? On n’a pu s’empêcher d’y penser en écoutant, lundi 24 novembre 2008, sur Radio Suisse Romande, Edwy Plenel, ancien directeur de la rédaction du Monde et actuel directeur du site Médiapart. Il était interviewé à propos d’un livre sur lui (1) par Martine Galland et Alain Maillard qui animent chaque matin de 9h30 à 10h une émission appelée « Médialogues », un joli jeu de mots qui mériterait de passer dans la langue (2).

I - Une profession de foi utile mais insuffisante

E. Plenel a prononcé pas moins de sept fois en quelques cinq minutes les mots « indépendance  » et « indépendant ». Dans une période où les médias traditionnels sont accusés d’être inféodés aux pouvoirs de toute nature et ne s’en cachent pas, on comprend que dans une brève interview, le journaliste insiste sur la règle première qui doit fonder son crédit : «  Je défends, a-t-il martelé , une liberté radicale, une indépendance radicale de ce métier. »

Le journaliste s’est dit en conséquence attaché aux « règles déontologiques » de la profession qui en découlent, « (ses) règles de précaution, (ses) règles de vérification ». : «  Il faut faire très attention à l’information fausse, à l’information inexacte et à ses ravages », a-t-il averti en mesurant la lourde responsabilité qu’une telle conception du métier implique. Le mot « responsabilité » est, lui, revenu par quatre fois.

Quel lecteur se plaindrait de cette profession de foi ? Elle n’est pas surprenante. C’est son contraire qui le serait. C’est bien le moins qu’un journaliste affirme son indépendance et assume la responsabilité qui lui incombe. Mais cela suffit-il à garantir la qualité de l’information du point de vue du récepteur ? Un code normatif, qu’il soit civil, pénal ou déontologique, peut bien être solennellement proclamé. Est-il pour autant toujours respecté par ceux qui s’en réclament ? L’erreur est humaine.

II- Une théorie de l’information fondée sur des erreurs

En revanche, cette promesse de liberté, d’indépendance et de responsabilité serait plus crédible si elle ne s’accompagnait pas d’une représentation erronée de "la relation d’information" : on reconnaît celle que diffuse inlassablement la vieille théorie de l’information chère aux médias, sans se soucier de l’expérimentation qui la contredit. E. Plenel ne devrait-il pas commencer par appliquer à cette théorie ses « règles de précaution et de vérification », s’il veut être pris au sérieux ? Au lieu de cela, il en épouse hardiment les erreurs.

1- La prétention à saisir « un fait » et non « la représentation d’un fait »
Il qualifie par exemple de « plus factuel, distant, indépendant » le livre qui lui est consacré, pour l’opposer à celui de Pierre Péant et de Philippe Cohen, « La face cachée du Monde », qu’il juge « à charge ». L’ennui est que l’adjectif « factuel » prête à confusion : car il prétend renvoyer, comme toujours, selon le dogme de la théorie, à une saisie directe d’ « un fait  » quand seule « une représentation de ce fait » est accessible, de même qu’on n’accède jamais au « terrain » mais seulement à une «  carte  » du terrain.

Cette représentation erronée de "la relation d’information" est confirmée par un autre engagement de M. Plenel : « Notre responsabilité est à l’égard de la vérité », décrète-t-il. Or, le mot « vérité  » est un mot trop moralement chargé pour ne pas égarer les esprits. Comme l’adjectif « factuel », c’est un mot qui entretient l’ illusion selon laquelle la réalité est saisissable dans son intégralité sans médias déformants interposés : et pourtant, si discrets soient-ils au point qu’on les oublie, c’est bien par les cinq sens, les mots et les images que les informations sont perçues et exprimées. Et elles le sont tout autant par les visages, les postures et les silences.

2- Le silence gardé sur les critères de sélection des informations
Or, M. Plenel croit pouvoir rassurer son lecteur, on l’a dit plus haut, en lui promettant d’observer des « règles de précaution », des « règles de vérification » : « Il faut faire très attention, prévient-il, à l’information fausse, inexacte et à ses ravages ». Très bien ! Nul n’en disconviendra surtout quand on garde en mémoire les bobards invraisemblables répandus par les journaux pendant la guerre de 14-18. On en a traité dans un article récent (3).

Mais est-ce bien le seul problème qui se pose ? Est-ce même le premier par ordre chronologique ? En dehors de la vérification rigoureuse prescrite, qui va de soi, ne convient-il pas de décider d’abord si une information peut être diffusée ou non  ? Sur quel critère prendre cette décision, sinon l’intérêt de l’émetteur qui ne saurait livrer volontairement une information susceptible de lui nuire  ? On prête à Churchill une formulation différente du même "principe de la relation d’information" : « En temps de guerre, la vérité est si précieuse qu’elle devrait toujours être protégée par un rempart de mensonges ». On l’a bien compris : la survie d’un individu ou d’une nation fait du « mensonge  » - négatif sur le plan moral - une information positive puisqu’elle permet de protéger la vie. Or n’éprouverait-on pas le besoin de se protéger en temps de paix ?

3- La prétention à vivre en apesanteur
Sous cet angle, on comprend mal cette autre croyance de M. Plénel qui heurte de plein fouet ce "principe fondamental de la relation d’information". Se définissant comme « un journaliste indépendant plutôt de gauche », il tente de résoudre ainsi le paradoxe : « L’indépendance, explique-t-il, suppose que s’il y a des affaires qui dérangent la gauche, il faut les sortir, il faut les publier (…) Il faut penser contre soi-même, c’est notre devoir, notre responsabilité d’aller jusqu’au bout de cette indépendance. Je l’ai montré, ajoute-t-il, sous Mitterrand, Chirac, Sarkozy, sous tous nos princes, nos monarques républicains  ».

- L’expression « penser contre soi-même » a certes du panache. Mais peut-on se livrer à l’exercice qu’elle suppose, en dehors de son cabinet de lecture personnel ? N’est-ce pas prétendre se délivrer comme par enchantement de la loi de la pesanteur en battant des bras que de croire pouvoir affranchir l’information des contraintes d’airain qui pèsent sur elles, qu’il s’agisse des contraintes exercées par 1-  les motivations de l’émetteur, 2- les moyens de diffusion, en particulier financiers, et 3- les propriétés du récepteur.

- On peut très bien vouloir « penser contre soi-même », c’est-à-dire contre ses intérêts, mais ne pas avoir les moyens de passer à l’acte sauf à s’autodétruire. Comment critiquer par exemple dans un journal un annonceur publicitaire qui le fait vivre ? Quant aux exemples personnels que M. Plenel offre pour preuve, ils méritent un examen plus attentif. Choisir par exemple, comme il l’a fait, quand on est un « journaliste plutôt de gauche », de montrer que le commandant Beau dans « l’affaire des Irlandais de Vincennes » a été une victime, présentée injustement et cyniquement par les membres de la cellule antiterroriste de l’Élysée comme le responsable des faits, nuit manifestement au président Mitterrand. Mais n’est-ce pas défendre un principe de justice supérieur que viole ce gouvernement de gauche ? En quoi est-ce "penser contre soi-même", surtout quand ce gouvernement d’union de la gauche est composé de plusieurs familles politiques, dont il est légitime de préférer et d’avantager l’une plutôt que l’autre.

N’est-il pas d’ailleurs arrivé à M. Plenel, sauf erreur, en mars 2008, de choisir de passer sous silence la parution d’un livre sur son site Médiapart, comme celui du même Jean-Michel Beau qui s’interrogeait précisément sur sa conduite lors du procès des « écoutes téléphoniques de l’Élysée », le 26 janvier 2005 ? Ce faisant, M. Plenel n’a-t-il pas fort normalement obéi au "principe de la relation d’information" selon lequel nul ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire  ? (4)

Cette théorie de l’information erronée, défendue par E. Plenel, postule que les journalistes exercent un magistère alors qu’ils ne peuvent y prétendre. Il ose même soutenir, dans cette interview, qu’ils sont les « dépositaires d’un droit de savoir des citoyens » ! Par grâce divine ? Par autopromotion ? Il est vrai qu’à la faveur de déclarations solennelles des droits de l’homme, européenne ou universelle, le droit à l’information est inscrit dans le marbre. Mais comme tout droit, à l’instar de la maxime paradoxale du Canard enchaîné , selon laquelle « la liberté de la presse ne s’use que si l’on ne s’en sert pas », « la liberté de recevoir ou de communiquer des informations » (5) ne peut exister que si le citoyen en use. Mais les journalistes ne sont pas pour autant « dépositaires de ce droit de savoir ». Tout au plus peuvent-ils aider à l’exercer. Mais pour ce faire, il faudrait qu’ils commencent par cesser de répandre, comme le fait E Plenel, les sempiternelles erreurs de leur théorie promotionnelle de l’information qui désorientent leurs concitoyens. Paul Villach

(1) Laurent Huberson, « Enquête sur Edwy Plenel – de la légende noire du complot trotskyste au chevalier blanc de l’investigation » (Éditions Cherche-Midi).

(2) RADIO SUISSE ROMANDE, émission « Médialogues » , « Enquête sur l’enquêteur  : Edwy Plenel, directeur de MédiaPart et ancien rédacteur en chef du Monde, évoque l’ "Enquête sur Edwy Plenel" de Laurent Huberson. » Lien : http://www.rsr.ch/la-1ere/medialogues.

(3) Paul Villach, « Tous ces bobards dans les journaux, pendant la guerre de 14-18 : un cas d’école  », AGORAVOX, 18 novembre 2008.

(4) Jean-Michel Beau, «  L’affaire des Irlandais de Vincennes – l’honneur d’un gendarme – 1982/2008 » (Éditions Fayard).
La question était de savoir si l’ex-capitaine Barril était à l’origine de la divulgation des premières transcriptions d’écoutes téléphoniques de l’Élysée au journal Libération. J.-M. Beau raconte qu’en mars 1993, au moment du verdict du procès en diffamation que Barril a intenté à É. Plénel et au journal Le Monde, il est à ses côtés dans la salle d’audience, quand ils assistent tous deux à un échange de documents entre l’ex-capitaine Barril et un journaliste de Libération. Or, deux jours plus tard, le journal publie les premières écoutes. Il n’est donc pas impossible que l’échange dont ils ont été témoins, avait trait aux écoutes.
Or, à sa grande surprise, au cours du procès des « écoutes », Jean-Michel Beau entend, le 26 janvier 2005, É. Plénel répondre au tribunal que, s’il a bien assisté à un échange de documents entre Barril et un journaliste de Libération, il ne peut affirmer qu’il s’agissait d’écoutes téléphoniques. « Au terme de l’audience, écrit Jean-Michel Beau, je m’explique assez sévèrement avec Edwy Plenel auquel j’indique que je ne comprends pas sa volte-face. Depuis quand lit-il à travers les enveloppes ? Comment aurait-il pu voir, lui, ce que contenait ce pli (…) Il préfère partir vite… car il a un rendez-vous !  » (p. 534). Devant la cour d’appel en décembre 2006, E. Plenel viendra à nouveau au secours de l’ex-capitaine Barril en confirmant ses propos de 2005 devant le tribunal : « C’est ma conscience qui me dicte de vous délivrer ces précisions ; (…) Je ne voudrais pas qu’il arrive à M. Barril ce qui est arrivé à Jean-Michel Beau. » (p. 547) L’ex-capitaine Barril n’en sera pas moins condamné.

(5) Article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.



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17 réactions à cet article    


  • non666 non666 27 novembre 2008 12:54

    En fait les journalistes( en reste t-il vraiment ?) sont victimes de la "morale" qu’ils ont mis eux meme en place depuis 68.

    "Tout est politique !"

    "Il n’y a pas de vérité, il n’y a que des lectures de la vérité"

    Chantaient ils après les barricades.
    Du coup, cela justifiait ( a leurs yeux de propagandiste pour le moins) le "journalisme engagé", celui qui s’appelle propagande chez certains.

    Après "l’Etat RPR " denoncé par un certain Mitterand qui montrait du doigt le controle de la TV par les barons du RPR nous avons eu "L’etat PS" denoncé par le sieur Chirac et ses sbires.
    Chacun ayant composé un soviet de ses propres agents pour asurer "l’independance de l’information" ainsi mis sous sequestre, ils ont finis par s’entendre a la troisieme alternance.
    Meme les grandes mafias savent organiser les interets des parains ....

    Le CSA a onc été la succurssale commune de controle de l’information par le nouvel "Etat-RPR-PS"

    Seulement entre temps, le reste des medias est passé inexorablement sous le controle de moins de 10 groupes privés.

    La totalité des radios et tv privées, la totalité des journaux, des agences de presses, des agences de com, des instituts de sondages est désormais controlé par ces groupes.

    Du coup, en sabordant la succurssale commune, le groupe France television, le nouveau Parrain en chef sait très bien a qui profite le crime...

    Tout le reste est entre les mains de ses copains.

    Non seulement ils controlent les medias "de droite" qui nous montrent le "bon candidat", mais ils controlent aussi les medias "de gauche" qui arrivent très bien a monter en puissance une idiote qui ne risque pas de nuire a Sa majesté.

    Comment expliquer autrement la fulgurante ascension de "segolene" et le formidable battage mediatique orchestrée en deux ans (de 2005 à 2007) a celle qui, comme par hasard, partageait tant d’attributs communs avec Sarkozy ?

    1) Mensonge sur leur vie privée
    2) Patriotisme affichée des deux cotés pour mieux le trahir, et imposer l’immonde TCE
    3) Blairisme pour l’une et Bushisme pour l’autre...

    Aujourd’hui le piege se referme et les journalistes, comme ce pauvre couillon de plenel decouvre que ce qu’ils ont soutenu se retourne contre eux..

    Ils ont justifié aupres de leurs lecteurs "l’engagement pour sauver la democratie" de tous contre Lepen ce qui a produit la plus partiale des campagne du point de vue du traitement mediatique.

    Ils ont recidivé avec le TCE

    Maintenant, apres s’etre trompé et apres avoir decouvert (mais bien tard !) les terribles conséquences de cette propagande revendiquée ils demandent l’indépendance , le droit de penser par soi-meme....

    Que creve cette presse qui s’est si souvent trompée et qui a orchestré la mise au pouvoir de la racaille aux ordres des puissances étrangères qui y sevi actuellement.

    Plenel peut pleurnicher, il a revendiqué ce qui arrive actuellement.




    • Véronique Anger-de Friberg Véronique Anger-de Friberg 27 novembre 2008 13:39
      M. Plenel oublie un principe de base, l’approche interprétative, cad l’observation participante. Je veux parler de la relation entre le sujet observateur et l’objet observé. Et si, selon ce principe, « la perception des faits découle des conceptions qui sous-tendent l’observation » cela induit que notre manière d’observer et d’analyser les faits soit en grande partie le résultat de notre propre perception des choses. Une perception subjective et rarement indépendante, bien que nous pensions l’être de bonne foi… La vérité n’étant qu’une vue de l’esprit (donc relative) : prétendre déchiffrer les faits avec objectivité et indépendance me semble impossible. D’autant que l’interprétation variera selon les tendances politiques, la culture, le niveau d’éducation, les origines sociales… du journaliste se prétendant indépendant et objectif. M. Plenel s’affiche comme plutôt « de gauche », mais il se défend de faire preuve de parti-pris... Il paraît pourtant difficile de conserver une totale neutralité tout en annonçant un certain engagement (ceci est également valable aussi pour les journalistes se disant plutôt de droite tout en prétendant rester indépendants…). Voilà pourquoi je ne crois pas une seconde à l’indépendance intellectuelle des journalistes et cela me semble plutôt normal puisqu’ils ne sont pas des machines, mais des êtes humains, certes capables d’une grande capacité d’analyse et de déduction, mais ce sont des êtres émotifs, de chair et de sang avant tout. Répéter à qui veut l’entendre pour s’en convaincre soi-même qu’on est indépendant part sans doute d’un bon sentiment, mais cela ressemble plutôt à une prière qui ne restera de toute façon qu’un voeu pieu...

      • Paul Villach Paul Villach 27 novembre 2008 14:11

        @ Véronique Anger-de Friberg

        Merci d’apporter avec justesse votre point de vue qui, bien sûr, rejoint le mien.
        Ce qui étonne, c’est que cette "théorie promotionnelle de l’information" que le monde journalistique s’est constituée sur le tas au fil du temps, résiste encore à ce point malgré tous les démentis de l’expérimentation.
        Le monde journalistique ne peut donner meilleure preuve de sa soumission à une représentation mythologique de "la relation d’information", au moment même où il prétend décrire la réalité en toute indépendance. Paul Villach


      • Paul Villach Paul Villach 27 novembre 2008 15:06

        @ Véronique Anger-de-Friberg

        Je reviens de votre site et vois avec plaisir pourquoi nous sommes sur la même longueur d’ondes. Nous partageons plusieurs références communes (Milgram, Palo-Alto, et, je suppose, Asch, même si vous ne le citez pas.) Paul Villach


      • Parpaillot Parpaillot 27 novembre 2008 14:12

        @ Paul Villach :

        Article qui pose une question importante autant qu’intéressante ...

        Il va de soi que les journalistes ne sont investis d’aucune légitimité relative au "droit de savoir des citoyens", même si la presse est communément appelée le "quatrième pouvoir". Cette prétention à se réclamer dépositaire de ce droit est choquante car elle ne repose sur aucune légitimité démocratique inscrite dans le cadre institutionnel de nos démocraties. C’est une appropriation illégitime ...

        Quant à l’interview d’Edwy Plenel sur "RSR 1" ce lundi, je l’ai écoutée d’une oreille distraite et dans ce contexte, les propos de l’ancien rédacteur en chef du "Monde" ne m’ont pas particulièrement interpellé. J’ai eu plutôt l’impression qu’Edwy Plenel utilisait l’émission pour faire la promotion de son site "Mediapart", mais n’est-ce pas de bonne guerre ?
        S’agissant de l’émission "Médialog" sur "RSR 1", je la trouve très intéressante et l’écoute fréquemment mais malheureusement pas toujours attentivement ... Elle traite de questions sur un domaine qui vous est très cher je le sais. C’est ainsi que j’ai eu le plaisir de vous y entendre, interviewé par Alain Maillard, il y a quelques temps déjà. D’autres ténors d’AgoraVox, dont Bernard Dugué, ont également eu l’honneur d’y être interviewé ...

        Pour en revenir à Edwy Plenel, ma connaissance du personnage est trop superficielle pour que j’exprime un avis. Je n’ai aucun a priori à son égard et n’ai lu qu’un seul de ses ouvrages : "Un temps de chien".
        Quant à "Enquête sur Edwy Plenel" de Laurent Huberson, je ne l’ai pas lu non plus, ou pas encore lu ?...

        Cordialement !



        • Paul Villach Paul Villach 27 novembre 2008 15:03

          @ Parpaillot

          La personnalité de M. Plenel n’est évidemment pas en cause. Je me contente de critiquer sa conception de l’information qui est celle que répandent depuis des lustres les médias, croyant y gagner en crédit.
          Quand vont-ils comprendre qu’il vaut mieux prendre en compte les enseignements de l’expérimentation pour se rendre crédibles ?

          On est en présence d’un cas intéressant où une mythologie rend aveugles ceux qui ont grandi en elle. Éducation nationale et, je le suppose, les multiples écoles de formation journalistique ne cessent de diffuser les mêmes dogmes chaque jour démentis par l’expérimentation. Cet entêtement dans l’erreur vaut qu’on l’étudie.

          Qu’ a donc pourtant à perdre une profession à se conformer à ce qui est possible , au lieu de prétendre à l’impossible ? C’est toute la puissance dangereuse d’une mythologie que de soulever les êtres qui y croient, jusqu’à les amener à s’autoconférer une mission d’ordre sinon messianique du moins prophétique. Il fallait l’inventer cette représentation du journaliste comme "dépositaire du droit de savoir des citoyens" ! La relation de l’information qui livre à autrui une représentation du monde, expose évidemment à cette dangereuse tentation.

          Ce qui est étonnant, c’est qu’ un journaliste qui se décrit "plutôt de gauche" comme Plenel, communie avec ses collègues de tous bords dans la même mythologie. Il suffit de prendre les définitions de l’information que donnent depuis près vingt ans des médias comme "L’Expansion" (1991), "Le Monde" (1993 - 2002) ; "France Inter" (2001) ou "Europe 1" (2001).

          Dans le même ordre d’idée, c’est sous la gauche au pouvoir en 1982 qu’a été créé dans l’Éducation nationale un organisme paritaire entre enseignants et médias, le CLÉMI, le Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (1) pour promouvoir une éducation aux médias. Or, qu’a-t-on vu enseigner dans l’Éducation nationale pendant la vingtaine d’années qui a suivi ? Les mêmes erreurs de cette mythologie consensuelle que la droite et la gauche partagent avec la même ardeur. 
          (1) "Médias d’information" ??? Existent-ils des "médias" par où ne transiteraient pas d’information ? Paul Villach


        • Parpaillot Parpaillot 28 novembre 2008 00:38

          @ Paul Villach :

          Merci de votre réponse !

          Encore une remarque :

          Depuis l’avènement de l’Internet et surtout du Web 2.0, certains journalistes semblent être un peu désemparés et se sentent dépossédés de leur domaine d’activités sur lequel ils règnaient souverainement naguère encore.
          Or ces nouvelles technologies ont bouleversé la manière d’exercer le journalisme et celui qui l’exerce ne détient plus l’exclusivité de l’information, il ne peut non plus revendiquer la priorité d’en avoir connaissance. Son rôle social tend à se banaliser et certains peuvent être tentés à rechercher des compensations telles que de s’auto-proclamer "dépositaires d’un droit de savoir des citoyens" ...  smiley

          Cordialement !


        • finael finael 27 novembre 2008 14:20

          Je ne vois pas comment un personnage aussi imbu de lui-même pourrait prétendre à "l’indépendance".

          Quant à l’expression "dépositaire d’un droit de savoir", parfaitement outrecuidante et méprisante pour l’ensemble des citoyens (qui n’auraient donc plus le "droit de savoir"), elle devrait plutôt s’énoncer comme un devoir de fournir des informations les plus fiables et utiles possibles au citoyen.


          • sisyphe sisyphe 27 novembre 2008 16:00

            D’accord avec l’analyse de Villach, et avec finael : au lieu de nommer le journaliste comme un "dépositaire" ; il vaudrait mieux lui attribuer une fonction de relais, d’intermédiaire ; quant au "droit de savoir" ; il est celui du citoyen ; le journaliste, lui, est plutôt dans le rôle du devoir d’informer ; et de le faire, effectivement, dans les conditions les plus satisfaisantes quant à l’information. 

            Maintenant, si la plupart des journalistes sont probablement des individus honnêtes, il apparait étonnant que très peu soulèvent les problèmes déontologiques liés à la concentration des médias dans les mains de quelques individus et groupes financiers dont les intérêts directs ne favorisent pas (c’est un euphémisme) une totale liberté d’expression ou de divulgation de faits, de causes, d’évènements, de contextes globaux pour une réelle appréhension ; non pas de la "vérité" (terme abstrait s’il en est), mais de la réalité des choses.
            Il semble pourtant que leur liberté soit, de ce point de vue, singulièrement limitée. 


          • Senatus populusque (Courouve) Courouve 1er décembre 2008 14:30

            "quant au "droit de savoir" ; il est celui du citoyen ; le journaliste, lui, est plutôt dans le rôle du devoir d’informer"

            Plenel, comme la plupart des journalistes, confond l’information et le savoir.

            L’information est au savoir ce que le réflexe est à la réflexion. Encore faut-il nuancer cette opposition en prenant en considération la progression information -> documentation -> savoir.

            Enfin, je ne suis pas sûr que le savoir relève d’un droit ; il résulte plutôt de la conjonction travail-intelligence.


          • darthbob darthbob 27 novembre 2008 14:43

            cette interview et la thèse du "droit de savoir des citoyens" dont seraient dépositaires les journalistes fait partie des manoeuvres en cours pour renforcer la presse actuelle.

            Et les Etats généraux de la presse ? qui en parle ?

            J’ai toujours en mémoire la promesse de R. Donnedieu de Vabres, à l’Assemblée, promettant de clarifier la diffusion d’informations par Internet ! Ce projet est loin d’être enterré puisque M. Lefebvre s’est chargé hier d’en esquisser les contours.

            Qui mieux que les journalistes encartés, accrédités, connus et reconnus par les politiques et les industriels seraient à même de diffuser l’information sur Internet ?

            M. Plenel a répondu : personne ! Et surtout pas les citoyens eux mêmes ou des amateurs ! Comment pourraient ils prétendre être dépositaires de quoi que ce soit ?

            Merci pour cet article !

             


            • JJ il muratore JJ il muratore 27 novembre 2008 16:00

              Plenel : discours typique d’un clerc qui voudrait bien être plus qu’un clerc !


              • Peretz Peretz 27 novembre 2008 17:41

                La presse n’arrête pas de mentir...par ommission. Bien entendu c’est dans les choix de ce qui est dit, autant que dans la manière de le dire que réside la tendance à influencer le lecteur, volontairement parfois, mais aussi inconsciemment. Reste l’esprit critique qui normalement existe chez chacun (le bons sens) à condition que les enseignants depuis quelques générations aient pu ou voulu le développer.


                • finael finael 27 novembre 2008 19:13

                  Oh pas seulement par omission, mais aussi par la manière de présenter les (rares) évènements importants qu’elle daigne présenter, on sait d’avance qui est le "méchant" et qui est le "bon".

                   Les scénariis sont prévisibles, les acteurs aussi d’ailleurs.

                  Il y a bien longtemps que l’information, au sens propre du mot, a quasiment disparu de nos médias au profit de la "communication", mot employé depuis que le terme de propagande a pris une connotation négative.


                • Même si en définitive tant le tribunal correctionnel, que la Cour d’appel de PARIS ont fini par condamner Paul BARRIL pour le "recel" de ces écoutes (Pourvoi en cassation rejeté le 30 septembre dernier), j’ai effectivement conservé un très mauvais souvenir, et je pèse mes mots, de" l’inexplicable" comportement d’Edwy PLENEL.
                  J’ai effectivement donné dans mon livre les preuves implacables que la justice a retenues.

                  Depuis notre brève rencontre avec PLENEL dans la salle d’audience d’ Appel...où il était aussi "témoin" cité à la fois par moi-même ...et par Paul BARRIL, nous sommes effectivement passés au régime du silence radio total...et définitif, qui s’est même traduit par la répression puisque ....NO papier chez MEDIAPART sur mon livre sorti en Mars dernier.
                  Depuis je cherche désespérément une explication (rationnelle et cartésienne) à ce comportement d’un journaliste qui pendant plus de 23 ans a traqué, sans relâche, la vérité : d’abord dans l’affaire dite des Irlandais de VINCENNES puis dans celle dite des écoutes téléphoniques de l’Elysée...qui pour beaucoup de victimes (dont PLENEL et MARION) n’en était que le prolongement.. Il me manque décidément un ou plusieurs morceaux de puzzle.




                  • TSS 29 novembre 2008 16:00

                    ah edwy Plenel !!

                    il suffit de se rappeller quand ce gentil garçon etait au "Monde" et demolissait le travail de Denis Robert sur

                    Clearstream !! ça c’etait du journalisme d’investigation...


                    • Senatus populusque (Courouve) Courouve 1er décembre 2008 14:23

                      Ce monsieur Plenel oublie que la liberté de la presse est une liberté qui dérive de la liberté fondamentale d’information des citoyens ; ce faisant, il commet la faute de placer un corporatisme au dessus des droits de l’homme.

                      « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, art. 11, proposé par le duc de La Rochefoucauld d’Enville.

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