Le Dalaï-lama, les relations internationales et la démocratie

Fin août, le Dalaï-lama s’est rendu à Taiwan, malgré les protestations de la République populaire de Chine. Il est actuellement en Amérique du Nord. Pourra-t-il rencontrer le président Barack Obama qui doit se rendre en Chine en novembre ? En Inde, le Karmapa rappelle la situation préoccupante du peuple tibétain et de sa culture menacée. « Yes we can », le slogan de campagne d’Obama peut-il inciter le président américain au courage d’une rencontre devant l’urgence requise pour le Tibet ?
Le Dalaï-lama s’est rendu fin août à Taiwan. Si sa visite avait un caractère religieux, il a eu l’occasion de soutenir la démocratie en affirmant : « Vous appréciez la démocratie, vous devez la préserver. Je dis à mes amis, peu importe le parti (auquel vous appartenez). Je me consacre moi-même totalement à la promotion de la démocratie ». L’année 2009 est celle d’anniversaires sensibles pour la Chine, comme la commémoration du 20ème anniversaire du mouvement étudiant pour la démocratie de la place Tian’anmen. Le Dalaï-lama avait exprimé son soutien et son émotion en 1989, et le 4 juin 2009, il déclarait dans un message de soutien aux démocrates chinois : « Les étudiants impliqués dans le mouvement de la place Tian’anmen n’étaient ni anti-communistes, ni anti-socialistes. Leur prise de parole pour défendre les droits constitutionnels populaires chinois, en faveur de la démocratie et leur prise de position contre la corruption se conformaient tout à fait aux idéaux implicites du gouvernement communiste chinois. Ceci a été exprimé en confidence par le chef du Parti d’alors, Zhao Ziyang. Par conséquent, l’imminent 60ème anniversaire de la République populaire de Chine constitue l’occasion de revenir sur les événements du 4 juin 1989. »
Il semble que ce nouvel anniversaire sensible va coïncider avec la visite du Dalaï-lama aux USA et peut-être dans l’éventualité d’une rencontre avec Barack Obama, des conseillers du président américain se sont rendus à Dharamsala, en Inde, où se trouve le siège du gouvernement tibétain en exil. Certains s’inquiètent qu’une telle rencontre suscite la colère de Pékin, et ne rende impossible les espoirs du président américain, qui doit effectuer son premier voyage à Pékin en novembre, dans le but de raffermir les liens entre les Etats-Unis et la Chine. A Dharamsala, le premier ministre tibétain Samdhong Rinpoché a déclaré : « De nombreuses nations adoptent une politique de conciliation. Même le gouvernement des Etats-Unis pratique cette politique d’apaisement. Aujourd’hui, les préoccupations économiques sont bien plus grandes que d’autres préoccupations ».
Dans le même temps, on apprend que des incursions de l’armée chinoise se seraient produites à la frontière indienne, et que 50 000 soldats chinois se trouveraient au Tibet. Le responsable de la Sécurité Nationale Indienne demande une réunion à ce sujet. La Chine s’oppose aussi à une prochaine visite du Dalaï-lama en Arunachal Pradesh, territoire à frontière sino-indienne qu’elle revendique. Le Dalaï-lama doit en effet visiter début novembre l’État d’Arunachal Pradesh, une zone du nord-est de l’Inde revendiquée par la Chine qui avait été l’un des enjeux de la guerre sino-indienne de 1962. Un journaliste a récemment interviewé le Karmapa qui s’est enfuit du Tibet il y a près de 10 ans. Il lui demandait notamment si les échanges entre l’Inde et la Chine étaient suffisamment diplomatiques. Le Karmapa répondit avec un trésor de diplomatie : « Bien sûr, je ne peux parler dans la perspective d’un politicien qui serait actif dans ces communications. Bien sûr, le gouvernement de chaque pays a ses propres intérêts dans les discussions en cours. Ils font ce qu’ils peuvent pour faire avancer leurs propres intérêts. Je ne peux commenter ce que pourraient être ces intérêts. Mais si je devais faire quelques observations et suppositions de mon propre angle de vue, il me semble que le gouvernement chinois agit un peu délibérément par des tentatives visant à irriter légèrement le gouvernement de l’Inde. A cause de ceci, la relation de voisinage a un peu souffert. L’Inde a toujours été un pays relativement pacifique, un pays qui a toujours eu un dossier raisonnablement bon de valorisation de la paix, l’Inde ne semble pas intéressée à poursuivre aucun type de conflit, cependant, l’Inde est un pays émergeant du monde et peut-être le gouvernement chinois sent quelque type d’impulsion visant à émousser cette émergence d’une manière ou d’une autre. Peut-être est-ce cela qui cause certaines des choses que nous voyons aujourd’hui. »
Dans cette même interview, le Karmapa affirme aussi soutenir la voie médiane du Dalaï-lama visant à une solution mutuellement bénéfique pour le gouvernement chinois et le peuple tibétain. Il affirme aussi que la préservation à long terme de la culture tibétaine ne pourra se faire qu’à l’intérieur du Tibet, et pour cette raison, la situation est terriblement préoccupante, cette culture risquant de disparaître de façon irrémédiable. Il ajoute que le monde devrait y prêter plus d’attention, et agir rapidement.
Dans ce contexte de tension et d’urgence, le président Obama serait sans doute bien conseillé de rencontrer dès à présent le Dalaï-lama alors que ce dernier vient d’arriver en Amérique du nord pour une visite qui le mènera successivement à Memphis dans le Tennessee, au Canada, puis à New York et à Washington.
En France, Ségolène Royal avait rencontré le Dalaï-lama lors de son passage en France en août 2008, une visite qui coïncidait avec les Jeux olympiques de Pékin. Quelques mois plus tard, en décembre 2008, le président Nicolas Sarkozy, le rencontrait lui aussi, à l’occasion du 60e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme. D’autres dirigeants européens comme Angela Merkel avaient aussi rencontré le Dalaï-lama. Certes, la Chine a toujours protesté, rendant plus explicite le courage des dirigeants qui osent rencontrer le Dalaï-lama.
Aussi, maintenant plus que jamais, pensons à l’urgence de la situation du peuple tibétain avec, pour le Tibet, ce slogan en tête : « Yes we can ».
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