Le détournement de 50 millions de dollars sape à la base l’émule du Bitcoin
Selon le New-York Times, un pirate a siphonné vendredi dernier (le 17/06/16) plus de 50 millions de dollars d'argent numérique sur un site expérimental de monnaie virtuelle qui avait été présenté comme le plus abouti en matière de sécurité. Avec cette opération, le voleur fait non seulement main basse sur le tiers des capitaux de l'entreprise, mais en plus, il fait voler en éclats les espoirs et les rêves de milliers des participants qui étaient convaincus de la sécurité de la monnaie numérique.
Ce hold-up télématique met probablement fin au projet connu sous le nom de l'Organisation Autonome Décentralisée (D.A.O), qui avait converti 160 millions de dollars des contributeurs en « Ethers », une nouvelle monnaie numérique alternative au « Bitcoin ». Les informaticiens impliqués dans le projet voudraient modifier le code qui sous-tend l'éther de manière à récupérer l'argent, mais cet acte de piraterie a déclenché un débat virulent sur le principe-même et sur la fiabilité de ces monnaies virtuelles.
M. Emin Gün Sirer, professeur d'informatique à l'Université Cornell à New-York, qui a co-écrit un document mettant en garde contre les risques que comportait le projet, a déclaré vendredi.
"Voilà l'un des scénarios de cauchemar que tout le monde craignait de voir arriver : quelqu'un a exploité une faiblesse dans le code de la D.A.O. pour s’emparer d’une grosse somme. "
Les banques centrales et les sociétés financières explorent actuellement les modalités d’utilisation de technologies spécifiques aux monnaies virtuelles connues sous le nom de « blockchain » pour améliorer leurs propres systèmes internes. Cette technologie semble présenter des avantages en matière de transparence et de sécurité. La semaine dernière, lors d'une conférence de l'industrie du commerce, Mme Janet L. Yellen, la présidente de la Réserve Fédérale (F.E.D.), avait incité les banquiers centraux à accélérer leurs efforts pour explorer le système « blockchain ». Mais la mésaventure de vendredi a eu l'effet d'une douche froide en rappelant que le numérique était tout aussi exposé que la monnaise papier aux erreurs et à la cupidité humaines.
La D.A.O. était considérée comme le porte-drapeau des entreprises de monnaie en ligne. Elle a été financée par des investisseurs du monde entier en utilisant l' « Ether », qui s’est fait connaitre du grand public ces derniers mois. Juste avant que le projet mette fin à la collecte de fonds fin mai, des informaticiens avaient attiré l’attention sur plusieurs failles dans le cryptage et ils avaient prédit ce qui vient d'arriver au consortium expérimental.
Il semblerait que l'argent « déplacé » par le pirate ait été être « gelé » vendredi à la suite d'une sauvegarde préalablement intégrée dans le code. Le voleur a été piégé dans ce qui pourrait être considéré comme une version numérique des doubles portes étanches qui protègent parfois les sites sécurisés (connus dans les milieux de sécurité sous le nom de « pièges à hommes »).
Les programmeurs travaillant sur le réseau « Ethereum », qui accueille la monnaie « Ether », étudiaient vendredi la mise au point d’un nouveau code pour récupérer l'argent gelé. Cette initiative s’est heurtée immédiatement à l’opposition de nombreux puristes de la religion de la monnaie virtuelle pour qui cette technologie doit échapper à toute ingérence humaine.
Si les dirigeants du projet Ethereum décident de modifier le code, ils auront besoin d’obtenir l’accord des personnes impliquées dans la mise en œuvre du projet, qui ont ce qui équivaut à un droit de vote sur toutes les modifications apportées au logiciel Ethereum.
Le piratage a révélé vendredi la structure de gouvernance utilisée par les monnaies virtuelles cryptées : elles ne sont pas gérées par une entreprise ou un individu, mais par les ordinateurs de toutes les personnes qui ont choisi de contribuer au soutien du réseau. La D.A.O. était censée être une nouvelle application de ce concept de prise de décision collective. Des milliers de personnes dans le monde entier ont financé le projet en souscrivant des fonds « Ether ». La D.A.O. était censée agir comme une sorte de fonds de capital-risque, en investissant dans des projets qui ont été choisis par les contributeurs eux-mêmes. L'attaque de vendredi s’est produite avant que les projets aient été financés.
L'attaque a déclenché la tempête sur les forums en ligne fréquentés par les investisseurs et les utilisateurs d’ « Ether » : « Comment pouvons-nous protéger nos fonds ? ». Les programmeurs qui ont conçu le programme de la D.A.O. ont tout de suite suggéré que les investisseurs transfèrent leur argent sur un autre projet indépendant connu sous le nom de « Congo Split ».
A la fin de son « raid », le pirate avait réussi à prendre le contrôle de 3,6 millions d’ « Ethers » - plus d'un tiers des 11,5 millions présents en début de journée.
C’est ainsi que semble s’achever l’aventure de la D.A.O.
L'épisode de vendredi est une suite du feuilleton des dizaines de piratages, d’attaques et de vols subis par le Bitcoin depuis qu'il a été créé début 2009. En 2014, Mt. Gox, qui était auparavant la plus grande plate-forme d’échange de Bitcoin, avait annoncé qu'elle avait perdu près d'un demi-milliard de dollars de Bitcoin.
Les attaques sur le Bitcoin ont généralement conduit à une accalmie temporaire dans l'intérêt que le public porte aux monnaies virtuelles. Mais le Bitcoin a rebondi à chaque fois. Au cours de la semaine dernière, la valeur du Bitcoin a augmenté rapidement pour atteindre son plus haut niveau depuis la faillite de Mt. Gox ; cette valeur se situait à 770 $ jeudi soir.
Une partie de la récente demande de Bitcoin a pour origine l'anticipation d'un événement à venir consistant à réduire de moitié les disponibilités. Actuellement, le logiciel Bitcoin publie 25 nouvelles pièces - un « bloc » - toutes les 10 minutes pour les ordinateurs qui contribuent à soutenir le réseau. Mi Juillet, les « blocs » se réduiront à 12,5 pièces de monnaie. La théorie est que la diminution de l’offre devrait augmenter la valeur du bitcoin.
Le prix de l'éther comme celui du Bitcoin étaient en hausse le mois dernier, en partie à cause de l'intérêt suscité par la D.A.O. Jeudi, les deux monnaies virtuelles avaient progressé de 60 % par rapport au mois précédent. Mais l'attaque de vendredi matin a englouti l'éther dans une spirale descendante. Vendredi après-midi, le prix de l'éther était tombé de 33 % par rapport à la veille.
Le fondateur et programmeur principal du le projet Ethereum, M. Vitalik Buterin, a écrit vendredi qu'il était favorable à une modification du code pour récupérer l'argent détourné par le pirate. Mais il a reconnu qu'il n’était pas sûr de convaincre le réseau : « Il y a des arguments très forts des deux côtés ».
M. Sirer, le professeur de l’Université Cornell, a écrit de son côté : « Dans cette affaire, Il n'y a pas de bonne solution. »
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