Juste un coup de frein
Vous ne parvenez pas à vous endormir. Vous vous
retournez et retournez encore, dans ce putain de lit, rien ne se passe
et le sommeil ne vient pas. Vous pensez à tout ce qui ne va pas. Aux
problèmes qui ne font que défiler dans votre mémoire. Le mot « crise »
ponctue quelques phrases au hasard.
Vous vous énervez et pourtant
c’est le moment de vous rendre compte que le temps existe vraiment et
qu’il peut être long. Écouter s’égrener les secondes à l’horloge vous
donne enfin l’impression et la conscience qu’il existe autre chose que
la vie trépidante. Au plafond, le faisceau de l’horloge projette l’heure
et les minutes.
- Alors, c’est quand que tu vas passer à la minute
suivante ? Quelle idée d’avoir acheté ce compteur de temps qui n’a que
les heures et les minutes à bord. Avec les secondes en plus, on aurait
pu croire qu’il vit encore.
Comptez les moutons qu’ils disaient. Ils
ne savent pas que cela oblige rester éveiller pour n’en passer aucun.
Cette pensée de l’existence du temps vous permet de rêver au passé tout
proche, aux bons et mauvais moments de la journée écoulée. Rendre en
fait le temps au temps. La nuit est conseillère, espérons qu’à votre
réveil, il en restera quelque chose.
Insensiblement, insidieusement,
vous ne pensez plus à cette horloge de malheur.
Un déclic, une
inattention et Morphée reprend ses droits.
Pourtant, au matin,
la routine reprend le dessus, avec ses obligations stressantes.
Par
habitude, vous voulez dépasser la voiture qui vous précède dans la file
et qui vous semble se traîner lamentablement (il a peut-être lu cet
article avant vous).
Un conseil ? Restez bien sagement derrière lui
et regardez à gauche et à droite. La nature vous a probablement échappé
jusqu’ici, les choses ont changé sans que vous en ayez pris conscience.
Un coup de frein s’impose très vite de peur de rater la marche décisive.
Au bureau, prenez le temps de planifier votre travail.
Réservez-vous des temps de vie (non des temps morts, quelle drôle
d’idée) pour espacer vos actions journalières.
Votre patron vous
relance et vous replonge dans le stress habituel. Qu’à cela ne tienne,
restez zen. Et comme vous avez programmé votre temps, vous aurez une vue
plus claire des objectifs de la journée et de ce qui reste important à
votre vie. Refusez la fuite en avant.
Au besoin, faites lui lire cet
article. Malgré ses impératifs, peut-être réfléchira-t-il aussi à son
propre intérêt en temps qu’Homme, qui calmerait son stress et
épargnerait sa santé.
Montrez lui la fenêtre qu’il n’a plus pris le
temps d’ouvrir. Le monde extérieur qui prend encore le temps d’y jeter
plus qu’un coup d’œil distrait.
Le livre de la vie se lit et se
savoure mot à mot, phrase par phrase, chapitre après chapitre.
Ne
tournez pas une page sans en avoir compris tout le sens.
Contrôlez
le déroulement de l’histoire avant de passer au chapitre suivant.
Au
fur et à mesure que vous avancerez dans la lecture, vous éprouverez
peut-être des envies d’en connaître la suite, d’en deviner une part du
dénouement.
Surtout évitez de brusquer les choses, car ce livre-là
est à sens unique. Pas question de relire une page non assimilée et qui
vous a fait perdre le fil.
Le livre n’a pas un nombre de pages
illimité et ce serait dommage d’approcher de la fin en vous retrouvant
tout désorienté sans savoir si le temps n’est pas passé au dessus de
votre tête à votre insu.
Un autre livre est un luxe que nous ne
pouvons pas nous payer, et arrivé à la dernière page, nous pouvons
espérer que le résumé du livre soit à la hauteur de nos espérances.
Ce soir, en allant vous coucher, en repensant à tout cela, vous verrez
que les bras de Morphée vous seront grand ouverts et que la journée fut
bonne.
