Le droit international existe : je l’ai rencontré
Et nous voilà reparti pour un tour de Grand Huit dans le tourbillon du je sais tout je vois tout mais personne ne veut jamais m’écouter c’est pas juste. Le droit international n’existerait pas ? Faux, il existe bel et bien. C’est la communauté internationale qui n’existe pas. Même constat pour l’Europe qui croûle sous les règlementations les plus diverses, sans parvenir à créer de réelle communauté d’intérêts et moins encore de véritable identité européenne.
Bon, une fois qu’on a fait le constat, qu’est-ce qu’on fait ? A quoi sert cette naïveté contestatrice qui empêche une vraie conscience politique de fonctionner efficacement. Au lieu de toujours taper sur les institutions, apprenons à les respecter et à les fortifier. Faisons les vivre. Les Romains dénigraient leur empire : ils ont eu la visite prolongée des Barbares qui, eux, en avaient rudement envie. Le débat politique n’a rien à gagner à faire régner un terrorisme de l’indignation tout azimut. La communauté internationale n’a pas eu plus de poids pour faire arrêter la guerre qui vient d’ensanglanter une fois encore le Proche Orient qu’elle n’en a eu, depuis trois ans, pour assurer le désarmement du Hezbollah qui l’aurait très certainement prévenue. Prenons-en acte et cherchons l’erreur.
Ce n’est donc pas un problème de droit. C’est la convergence d’intérêts à l’appliquer qui n’existe pas et qui n’est pas près d’exister. Et là aussi, il faudrait arrêter de rêver. La Chine fait-elle du droit international en ce moment ? Non. Elle avance en écrasant tout ce qu’elle trouve sur son passage. Tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de sa prison productiviste. A l’extérieur, elle envoie des millions de gens au chômage, et pas seulement en Europe, utilisant la croissance comme arme de destruction massive, sous les applaudissements de tous les ultra-libéraux de la planète. Et à l’intérieur, le constat n’est pas plus réjouissant : aucune liberté de la presse, Internet contrôlé avec l’aval des grands portails américains, aucune liberté syndicale, un développement humain à deux vitesses, aucun respect pour l’environnement, pillages, piratages, contrefaçons, contrats truqués, tout y passe... Sans parler du soutient appuyé à l’Iran et à nombre de dictatures parmi les plus sanglantes, histoire de saper un peu plus les bases de la puissance occidentale. Où est le droit international là-dedans, sans parler du droit national puisqu’il paraît qu’il ne faut pas s’ingérer dans la politique intérieure d’un pays, sauf pour y faire de l’humanitaire (tous frais payés). De toutes façons, que peut-on faire ? Rien... Ou si peu... On attend de voir ce qui va nous tomber un jour, sur la g... D’ailleurs, les Africains commencent déjà à sentir le vent du boulet. Nous, on s’en fout. C’est en Afrique... On leur fera un peu plus de commerce "équitable", si ça peut leur faire plaisir.
Souvenous-nous de ce qui s’est passé au moment de la Première Guerre du Golfe et de la volonté sincère (je laisse aux soupçonneux ataviques le soin de déchirer à pleines dents cette sincérité) de Mitterrand qui voulait voir le droit international appliqué par tous et pour tous, au Koweït. Membre reconnu des Nations Unies, cet Etat venait d’être phagocyté en deux jours par un de ses voisins ; le restaurer dans sa souveraineté devant servir de levier au règlement global du conflit israélo-palestinien. Souvenons-nous de ce qu’il disait, depuis la tribune des Nations Unies, en septembre 1990, en s’adressant à chacun des membres présents, à l’heure d’annoncer à la nation une décision des plus tragiques qu’il eut à prendre dans sa carrière d’homme d’Etat : "Oui, l’heure est venue du règne de la loi internationale, il suffit que vous le décidiez et agissiez en conséquence". Mais qu’en a-t-il été dans la réalité ? Une fois les armes rangées, les Américains n’ont plus songé qu’à se faire rembourser leurs frais de guerre, encaissant au passage un large bonnus (et ils n’ont pas été les seuls). Puis la politique individuelle de chaque état a repris tous ses droits. Jusqu’au prochain conflit.
Alors que va-t-il se passer maintenant au Proche Orient ? Le droit international trouvera-t-il sa place ? Une fois encore rien n’est moins sûr. Même si certaines chancelleries souhaiteraient sincèrement qu’il y soit appliqué, en acceptant même d’en faire payer le prix à leur propre peuple (tant d’un point de vue humain que pécuniaire). Croit-on que tous les acteurs de la région vont vouloir subitement dérouler un tapis rouge à ce droit international qu’ils boycottent depuis des lustres ? La Syrie pourrait être intéressée, sans le dire ouvertement. La Turquie, à son habitude, essaiera de profiter de la situation pour obtenir des compensations du côté de l’Europe et de l’OTAN. L’Iran ? Il faudrait être sot pour le croire.
Que peut-on espérer de mieux ? Qu’Israël se retire au plus tôt d’un Liban où il n’a rien à faire qu’à prendre plus de coups, laissant une FINUL relookée, mais toujours coincée aux entournures, occuper le terrain avec quelques lambeaux de la pseudo armée libanaise. La composition de cette nouvelle "force de la paix" va, elle seule, nous permettre de mesurer une fois encore ce qu’est réellement la communauté internationale. Nasrallah continuera de pratiquer le double langage utilisé abondamment par l’Iran et le Hamas. Désarmera ? Désarmera pas ? On appelle ça la taqiyya et c’est loin de ressembler au "droit international". Tsahal rentrera au pays sous les provocations et les crachats du "parti de Dieu et des Katioucha" et toute la région essaiera de profiter quelque temps du lourd silence qui va retomber sur une région trop meurtrie. Chacun criera victoire. Le Hezbollah continuera sa guerre dans la rue arabe, avec l’appui d’Al Jazeera et d’autres télés satellitaires de la Haine-Info. Israêl continuera la sienne à la Knesset, en vue de préparer de nouvelles élections qui accoucheront une nouvelle fois d’une majorité discordante où se mêleront des forces de centre-droite et de centre-gauche avec des partis religieux intégristes. Le Liban va devoir se reconstruire pour la seconde fois en moins de trente ans. Et, une fois de plus, la reconstruction sera spéctaculaire car le pays est une pépinière de communautés douées d’une extraordinaire vitalité, aiguisée par le goût d’entreprendre depuis des millénaires. L’Europe paiera une bonne partie de l’addition. Les Américains en profiteront pour envoyer leurs ONG évangelico-intégristes. Les dirigeants arabes diront qu’ils sont trop occupés à construire leurs palais et leurs palaces de 5 à 10 étoiles avec terrain de golf à chaque étage et qu’ils n’ont plus d’argent. Cette reconstruction ne plaira pas forcément aux Emirs empétrolés qui se battent depuis longtemps pour empêcher Beyrouth de redevenir la place financière qu’elle a longtemps été pour toute la région, alors, par le biais de certaines institutions financières qu’ils contrôlent, ils tenteront de détourner des fonds...
Alors nous allons regarder les champs de ruines, à la télé. Mais pas longtemps. Les gravats, ça finit toujours par lasser. Les experts des expertises en tous genres feront des comptabilités aussi savantes que macabres. Alexandre Adler sortira du tiroir dans lequel il s’était planqué tout l’été en le prenant pour un bunker. Encore tout poussiéreux, il nous dessinera pour la énième fois la carte du Proche et du Moyen Orient. Puis, dans quelques temps, Israël va sans doute devoir se remettre à compter les coups et les convois d’armements qui ne manqueront pas de passer la frontière syrienne. Et à nouveau, on jugera sur pièces la réaction de la communauté internationale. A parier que tout le monde tournera la tête en disant mektoub...
Nous, nous n’aurons plus que Sarko, Sego, le facho de service, l’inépuisable Arlette et tous les prétendants à la couronne. Moi, pendant ce temps, j’écouterai en boucle la sublime Fairuz continuer de nous chanter Beyrut.
Patrick Adam
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