Le faux prophète de l’Apocalypse
Si, dans l’Ancien ou le Nouveau Testament, il est question à plusieurs reprises de faux prophètes, il y s’agit toujours d’un pluriel, désignant cette catégorie d’individus qui rapportent des paroles de style prophétique qu’ils prétendent avoir reçu directement de Dieu, Père ou Fils, ou d’un de ses anges : ces faux prophètes sont innombrables et de toutes les époques, et l’on peut même les trouver aujourd’hui sur Internet, où leurs adeptes subjugués rapportent les dernières « paroles de Jésus-Christ adressées à Cindy Lambert le 24 septembre 2021 ».
La naïveté étant, hélas, aussi répandue chez les hommes que le cynisme, on trouve autant d’âmes se laissant abuser par le premier gourou qui passe, que d’âmes traitant par le mépris le saint qu’on leur présente, quand bien même tout indique, dans sa vie comme dans sa personne, que le surnaturel existe. C’est bien dommage, mais ainsi va la nature humaine, que la lucidité des esprits naïfs s’avère aussi défaillante que celle des esprits cyniques, les deux se trouvant réunis dans une même incapacité à percevoir les vrais signes de l’au-delà.
Ce qui caractérise les faux prophètes, c’est la marque éphémère de leur succès. Les prêtres du Sanhédrin des temps apostoliques étaient, à ce sujet, parfaitement avisés, comme on peut le voir dans leur jugement sur les Apôtres.
Les Apôtres, en effet, qui s’étaient d’abord terrés comme des rats apeurés dans le cénacle où ils tremblaient de peur à l’idée qu’on viendrait bientôt les chercher pour leur faire subir le même sort que leur Maître, perdirent toute forme de peur lorsqu’ils virent Jésus ressuscité : Ils se mirent alors à sillonner Jérusalem en annonçant le Messie revenu d'entre les morts. Saint Pierre, ayant été désigné par Jésus lui-même comme le prince des Apôtres, reçut le don de faire à son tour les mêmes miracles qu’avait faits Jésus, guérissant notamment un boiteux de naissance à la porte du Temple, si bien qu’il se trouva lui aussi amené devant le Sanhédrin, car il n’omettait pas de dire qu’il faisait ces miracles au nom de Jésus-Christ, lequel Jésus de Nazareth n’était, pour la majorité des prêtres (hormis Nicodème et Joseph d’Arimathie), qu’un trublion qui n’avait eu que ce qu’il méritait…
Les prêtres firent donc arrêter Pierre et quelques apôtres pour avoir osé parlé au nom de Jésus de Nazareth, ce fauteur de troubles avec lequel ils pensaient en avoir fini depuis sa crucifixion. Lorsqu’ils entrèrent en délibération pour statuer sur le sort de Pierre, l’un d’eux fit valoir cette position rapportée aux Actes des Apôtres :
« … Furieux de ces paroles, ils voulaient les faire mourir. Mais un pharisien, nommé Gamaliel, docteur de la loi, estimé de tout le peuple, se leva dans le sanhédrin, et ordonna de faire sortir un instant les apôtres. Puis il leur dit : Hommes Israélites, prenez garde à ce que vous allez faire à l'égard de ces gens. Car, il n'y a pas longtemps que parut Theudas, qui se donnait pour quelque chose, et auquel se rallièrent environ quatre cents hommes : il fut tué, et tous ceux qui l'avaient suivi furent mis en déroute et réduits à rien. Après lui, parut Judas le Galiléen, à l'époque du recensement, et il attira du monde à son parti : il périt aussi, et tous ceux qui l'avaient suivi furent dispersés. Et maintenant, je vous le dis, ne vous occupez plus de ces hommes, et laissez-les aller. Si cette entreprise ou cette œuvre vient des hommes, elle se détruira ; mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez la détruire. Ne courez pas le risque d'avoir combattu contre Dieu. » (Bible, Actes des Apôtres, 5.33-39)
Cette position très sage résume parfaitement le sort des faux prophètes : Si grand que soit le succès qu’ils parviennent à se tailler, il sera toujours éphémère : et c’est là que se distingue LE faux prophète.
Si Jésus Lui-même, dans son discous eschatologique, avertit qu’il viendra en son nom de faux prophètes qui abuseront les gens, Il parle d’un pluriel. Le faux prophète, comme personnage singulier, n’est mentionné que dans l’Apocalypse. Il fait partie de la « ménagerie » de Satan, composée d’un dragon, d’une bête à sept têtes et dix cornes surgie de la mer, d’une bête à deux cornes d’agneau surgie de la terre, d’une seconde bête à sept têtes et dix cornes et couverte de titres blasphématoires, siégeant au milieu du désert, et que chevauche la Grande Prostituée… et le faux prophète.
Si les faux prophètes sont rapidement balayés par l’Histoire, comme le souligne justement Gamaliel, le faux prophète, lui, subsiste jusqu’au dernier combat, à l’issue duquel il est précipité, en même temps que la Bête, dans l’étang de feu (Apocalypse, 19.20) où il sera ensuite rejoint par Satan lui-même, auquel sera accordé un mystérieux répit.
Le faux prophète apparaît au chapitre 16 de l’Apocalypse, dans les versets suivants :
« Puis, de la bouche du Dragon, et de la bouche de la Bête, et de la bouche du faux prophète, je vis surgir trois esprits impurs, comme des grenouilles.
Et, de fait, ce sont des esprits démoniaques, des faiseurs de prodiges qui s’en vont rassembler les rois du monde entier pour la guerre, pour le grand jour du Dieu tout-puissant » (Apocalypse, 16.13-14)
Si le faux prophète a droit à l’article défini singulier, c’est que, contrairement à la cohorte des éphémères faux prophètes, sa figure subsiste dans l’Histoire jusqu’à la fin des temps. Pourquoi maintenir ce serviteur du mensonge ? La Bible nous montre à maintes reprise que si Dieu utilise les prophètes et les saints pour édifier le monde, il peut également utiliser les impies comme un bélier destiné à frapper les nations qui s’égarent : Ce n’est pas parce que ces malfaisants remportent une victoire sur le peuple de Dieu qu’ils sont élus à sa place. Bien au contraire, le mal qu’ils font en cette occasion ne fait que révéler leur nature maudite en aggravant leur propre péché car, lorsque la force est mise de leur côté, ils montrent toute la cruauté et la dureté de cœur d’où vient leur malédiction. C’est pourquoi l’Apocalypse nous explique :
« Car Dieu leur a inspiré la résolution de réaliser son propre dessein, de se mettre d’accord pour remettre leur pouvoir royal à la Bête jusqu’à l’accomplissement des paroles de Dieu » (Apocalypse, 17.17)
Ce verset, qui qualifie les dix rois mis au service de la Bête, montre que puisqu’ils veulent faire le mal, ils feront le mal selon ce que Dieu leur inspire à leur insu au service de son plan victorieux, et ceci explique en même temps le destin du faux prophète, dont le sort relève de la même stratégie divine.
Comment donc reconnaître le faux prophète, en ces temps si proches de la parousie ? Eh bien, il ne peut s’agir que d’un homme qui jouit, hormis parmi les vrais croyants, d’une réputation de prophète sur l’ensemble de la terre.
Le sort du faux prophète est scellé dans les versets de clôture de la Bible. Ce qui ajoute à la solennité de l’avertissement qui suit, c’est qu’il s’agit non d’une parole narrative de saint Jean ni d’une citation de l’ange messager qui lui a transmis ses visions, mais d’une prise de parole expresse du Christ lui-même, qui affirme :
« Moi, Jésus, j’ai envoyé mon Ange publier chez vous ces révélations concernant les Eglises » (Ap. 22.16)
Puis, au verset 18, il lance un premier avertissement au faux prophète en indiquant que l’Apocalypse clôture définitivement la Bible (car « ce livre » est ici une expression à double sens qui désigne aussi bien l’Apocalypse que la Bible elle-même, l’Apocalypse étant le dernier volume de la Bible). Tout livre ultérieur qui prétend venir de Dieu ne peut donc être qu’un faux :
« Je déclare, moi, à quiconque écoute les paroles prophétiques de ce livre : Qui oserait y faire des surcharges, Dieu le chargera de tous les fléaux décrits dans ce livre ! » (Ap. 22.18)
Puis, s’il interdit d’ajouter quoi que ce soit au Livre sacré, il interdit également d’en retirer quoi que ce soit :
« Et qui oserait retrancher aux paroles de ce livre prophétique, Dieu retranchera son lot de l’arbre de Vie et de la Cité sainte décrits dans ce livre ! » (Ap. 22.19)
Donc, tout prophète autoproclamé qui prétendrait, au nom de Dieu, contester l’autorité de la Bible, ne peut être qu’un imposteur, un faux prophète.
Ainsi, le faux prophète prétend servir Dieu mais, en réalité, il s’en moque en crachant sur la Bible, qu’il fait semblant d’honorer tout en niant son autorité. Il prétend haïr Satan, mais en réalité il met ses hordes d’adeptes au service du péché sous toutes ses formes, en exaltant chez eux la haine la plus féroce : viol, meurtre, vol, mensonge, adultère, corruption, trafics en tout genre, ils se croient tout permis du moment qu’ils agissent, telle une mafia, contre les ennemis de leur maître. Le faux prophète prétend honorer Jésus-Christ, mais il interdit de le suivre et ordonne d’exterminer ses fidèles, et, tout en se prétendant successeur de Jésus, il professe une doctrine fondée sur la haine de l’autre, aux antipodes des préceptes que Jésus enseignait à ses disciples : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous persécutent » (Matthieu, 5.44).
En ces temps si proches de la parousie, bien des prophéties qui ont jusque là paru obscures et incompréhensibles sont aujourd’hui à portée d’explication : Ainsi, on peut voir comme un soleil se lever doucement sur l’Apocalypse de saint Jean, et qui en éclaire peu à peu les mystères jusqu’ici insondables : Dans cette perspective de l’aurore eschatologique, le visage du faux prophète n’a jamais été aussi clairement visible qu’aujourd’hui. Nous plaignons de tout cœur celui qui ne sait pas encore le reconnaître.
Pierre Mellifont.
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