Le français râleur : cette qualité que le monde nous envie
Râleurs, permanents insatisfaits, jamais contents, … sont les qualificatifs récurrents qui définissent le caractère des français. OK, admettons. Mais, qui a dit que c’était un défaut ? Ces caractéristiques ne seraient-elles pas, au fond, un formidable moteur à l’innovation et donc la source originelle de multitudes d'inventions élaborées par des français dans le passé, le présent … et le futur ?
Chaque société agit selon des modèles comportementaux liés à ses croyances, à son histoire, à sa culture. Nous pouvons identifier 4 groupes principaux dans le monde :
Modèle du « rêve »
« I have a dream,… ». Cette phrase bien connue de Martin Luther King n’a pas été prononcée par un américain pour rien. C’est en effet le rêve d’un monde meilleur qui alimente la capacité créatrice et d’innovation des Etats-Unis. Bercés dans la culture du tout est possible (de « Just do it » à « Yes, we can »), alimentés par une confiance divine infaillible et une foi inaliénable (chaque dollar est estampillé par le fameux « In god we trust »), débridés jusqu’à une certaine mégalomanie (« Sky is the limit »), convaincus de ce qui est bien ou mal, le tout relevé par un zest d’impérialisme, chaque américain grandit dans la culture de l’American Dream. Cet état d’esprit a enfanté des visionnaires extraordinaires qui ont changé le monde et qui continuent à le faire. Le rêve d’un monde meilleur constitue les ressorts extrêmement puissants de la forte créatrice et innovatrice des Etats Unis, encore sacrée première puissance économique mondiale.
Modèle de la « Mission »
En opposition frontale au modèle du rêve, vient le modèle de la mission. Ici l’individu se transcende parce qu’il en a la capacité, parce qu’on lui demande, parce que ça fait avancer sa communauté ou son pays. Dans ce modèle, la volonté de l’individu s’efface au profit de la volonté de la collectivité. La Russie, et de façon générale les pays qui ont connu le régime communiste dans leur histoire récente, illustrent bien ce modèle. Nous sommes ici dans un monde de défis, de performances à tout prix pour la grandeur du pays. La motivation n’est pas liée à une croyance, à une volonté individuelle, mais plutôt à un esprit de compétition et de représentation. Youri Gagarine, premier homme à avoir été dans l’espace et véritable héro national en Russie, ne s’est jamais mis en avant après son exploit. Il a fait son job, ce pour quoi il avait été choisi et n’a pas porté de regard philosophique sur les choses. L’une de ses rares déclarations à son retour sur terre « Dieu n’existe pas, j’étais dans le ciel et je ne l’ai pas vu » illustre bien le cadre rationnelle et « terre à terre » qui nourrit ce modèle.
Modèle du diagnostic
Rationalisme et humanisme sont fondamentalement ancrés dans les mentalités asiatiques. Ces grands principes confucéens dotent ces peuples de grandes capacités d’analyse et de diagnostic qui leurs permettent d’identifier des manques, des opportunités et des solutions. Mettre les choses en ordre de marche, en harmonie, est au cœur de la mentalité asiatique. Cela permet certes une vie plus paisible, mais surtout provoque une forte puissance novatrice. L’innovation asiatique ne provient pas d’une créativité naturelle, ni éducationnelle, ni du rêve, bien au contraire car ces peuples ont tendance à accepter les choses comme elles sont avec une pointe de soumission. Alors qu’en chinois, apprendre et copier se disent avec le même mot, en 2012 l’office des brevets chinois est devenu le plus grand du monde. Pourquoi ? Principalement grâce aux nouvelles technologies, la téléphonie notamment. Dans ce secteur, la capacité à diagnostiquer ce qui n’est pas en harmonie (fonctionnalités et interfaces inappropriées) et à développer des solutions via la recherche appliquée, domaine dans lequel excellent les asiatiques, boostent l’innovation.
Modèle du rejet
Dans ce cas, l’ingéniosité et l’innovation trouvent leur source dans le rejet de l’inacceptable, le refus d’admettre les choses telles qu’elles sont, surtout si elles présentent une certaine dose d’injustice. Cette révolte du cœur et des tripes fournit une énergie étonnante aux cerveaux qui vont alors briller en trouvant des solutions remarquables. Cette attitude, qui illustre parfaitement les français, se séquence en fait en 3 phases : D’abord, rejeter l’état de fait et s’offusquer de la situation, ensuite râler, se plaindre, voire se moquer … et enfin élaborer des solutions pertinentes ayant pour but d’éliminer la cause de la raillerie.
Donc oui, c’est ce caractère d’éternels insatisfaits et de râleurs qui fournit les ressorts très puissants de l’innovation et de la force créatrice française.
- Blaise Pascal aurait-il inventé la machine à calculer s’il n’en avait pas marre de voir son père, Surintendant de Richelieu, passer ses nuits à calculer la répartition de l’impôt ?
- Louis Pasteur aurait-il inventé le processus de pasteurisation s’il n’en avait pas marre de manger du fromage couvert de moisissure ?
- Les français aurait-ils inventés le Concorde ou le TGV s’’ils n’en n’avait pas raz le bol de passer autant de temps dans les transports ?
- Les français seraient-ils pionniers en transplantations cardiaques et autres avancées médicales majeures s’ils n’étaient pas offusqués de l’injustice face à la maladie ?
- Les français auraient-ils inventés le parfum s’ils n’en avaient pas marre d’être insultés de gros cochons par les anglais ?
Alors bien sur, une culture n’est pas constituée exclusivement de l’un de ces 4 modèles. Toutes ont un peu de chacun. Un asiatique sait aussi rêver, a aussi le sens du devoir et il lui arrive même de râler !! Mais chaque culture possède une dominante. Et parmi ces dominantes, le modèle du rejet présente des qualités assez enviables. Cette force viscérale de refuser les choses représente en effet une ressource non copiable et surtout indestructible. L’histoire de France regorge de réactions étonnantes et innovantes du peuple français alors qu’il vivait les pires situations. Alors que l’on peut imaginer qu’a force de fausses promesses, la source créatrice engendrée par le rêve puisse se tarir. Alors que l’on peut imaginer que le sens du devoir et de la mission vis à vis de son pays puisse s’estomper. Alors que l’on peut imaginer qu’apprendre à affiner des diagnostics ne soit pas une exclusivité asiatique et que la méthode soit copiable et duplicable. S’offusquer des injustices de la vie, râler sur les constats, rejeter les désagréments avec cette colère latine est une richesse unique ! A une condition. C’est que le français apprenne à canaliser sa colère pour la transformer en idées, propositions, actions et améliorations utiles. Râler produit une énergie remarquable. Mais si cette énergie n’est pas utilisée intelligemment, c’est de la perte pure, voire même de l’autodestruction. Pour progresser, j’invite le peuple français non pas à arrêter de râler, bien au contraire, mais à s’obliger à accompagner toute colère de propositions et, mieux encore, d’actions.
Axelle Lemaire, la secrétaire d’état chargée du numérique, convaincue par l’excellence française dans les nouvelles technologies, déclarait aux Rencontres Internationales de la French Tech (RIFT) qui se sont déroulées fin octobre à Paris : « La French Tech dominera bientôt le monde ». C’est bien ça, belle ambition. Mais pour y arriver, faut pas oublier de râler, hein !!
Jérôme Lanthiez
18/11/2014
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