Le gouvernement français fait-il la publicité des OGM ?
Les OGM (organismes génétiquement modifiés) suscitent actuellement de nombreuses polémiques : la transposition récente de la directive européenne par décret, la pétition pour un moratoire sur les OGM, l’étude indépendante du laboratoire CRIIGEN sur la toxicité d’un maïs Monsanto commercialisé en France depuis deux ans, les actions des Faucheurs volontaires et leur condamnation, les initiatives de Greenpeace, des Amis de la Terre et d’autres organisations écologistes...
Pour en savoir plus, je me suis rendue sur le site interministériel sur les OGM (appelé ci-après le SIOGM). Dotée d’un esprit critique, j’ai voulu me conforter sur les affirmations avancées par le SIOGM en faisant des recherches sur Internet. L’attitude positive et l’optimisme de nos dirigeants envers les OGM ne semblent malheureusement pas être partagés, notamment par un nombre important de scientifiques. L’information offerte sur le SIOGM est-elle objective ? A vous de juger...
Pourquoi a-t-on fabriqué des OGM ? Pour répondre à cette question, le SIOGM propose un parallèle entre les OGM et la sélection et le croisement millénaires effectués par l’homme afin d’obtenir une « meilleure productivité, (...) de créer de nouvelles variétés ou races qui n’existaient pas spontanément et constituent des améliorations : meilleurs rendements, meilleure qualité, meilleure résistance aux maladies, aux ravageurs, à la sécheresse ». Le SIOGM conclut alors que « les OGM ne constituent donc pas un changement dans la sélection des plantes pour améliorer les plantes cultivées, mais l’introduction d’une technologie particulièrement puissante et précise pour faciliter sa mise en œuvre ». Donc les OGM sont clairement considérés comme des améliorations par notre gouvernement.
Des affirmations basées sans doute sur des études scientifiques sérieuses et poussées, effectuées par des laboratoires indépendants. Vraiment ? Consultons les scientifiques.
« Les OGM ne constituent pas un changement dans la sélection des plantes »
828 scientifiques de 84 pays différents ainsi que le laboratoire indépendant français CRIIGEN affirment pourtant le contraire : « Ces construits artificiels [les OGM] sont des dérivés de matériel génétique issu de virus pathogènes ou autres parasites génétiques, ainsi que bactéries et autres organismes, et incluent le codage génétique pour une résistance aux antibiotiques. La plupart n’ont jamais existé au cours de milliards d’années d’évolution. Ils sont introduits dans les cellules par des méthodes d’invasion qui mènent à l’insertion au hasard de gènes étrangers dans les génomes (la totalité du matériel génétique d’une cellule ou d’un organisme). Cela produit des effets imprévisibles et hasardeux, notamment anomalies importantes dans les animaux et toxines et allergies inattendues dans les récoltes » (http://www.i-sis.org.uk/list.php). « Avec les OGM on transgresse la barrière génétique entre les espèces : on introduit au hasard des gènes, plutôt d’ailleurs des fragments de gènes artificiellement synthétisés, inspirés de virus et de bactéries souvent, dans des animaux ou végétaux [...] Nous ne maîtrisons pas les effets de la modification introduite, et n’avons aucun recul sur les modifications secondaires du métabolisme que cela peut impliquer. Alors que les hybridations se font entre variétés compatibles : entre variétés de maïs, ou entre des variétés de colza. Elles sont naturelles, même si ces dernières années elles ont été produites volontairement par l’homme, elles participent de l’histoire de l’agriculture telle qu’elle est pratiquée depuis 11 000 ans" (http://www.criigen.org/index.php?option=com_content&task=view&id=98&Itemid=43). Le SIOGM propose-t-il une désinformation volontaire ? Nos dirigeants politiques possèdent-ils davantage d’informations en la matière, que ces 828 scientifiques ignorent ?
SIOGM évoque les avantages que les plantes OGM sont susceptibles de présenter, tels :
« Etre résistantes à certaines maladies ou à certains insectes, ce qui permet d’éviter ou de réduire l’apport de pesticides, et donc de limiter la consommation des produits chimiques en agriculture ; être plus résistantes à des milieux moins favorables et donc pouvoir se développer dans des conditions de sécheresse ou de salinité plus forte par exemple ; être plus riches en certaines molécules, ce qui permet de les utiliser de façon préventive ("riz doré " riche en vitamine A permettant de réduire les risques de cécité notamment dans les pays en développement) ou à des fins thérapeutiques ; être tolérantes à certains herbicides, ce qui permet donc des traitements plus simples et une lutte plus efficace ». Et aussi : « Aujourd’hui, de nouveaux types d’OGM permettent de réduire, voire de se passer de tels produits. En effet, les variétés OGM créées sont en elles-mêmes résistantes à des maladies ou à des ravageurs. En réduisant l’utilisation de pesticides, elles répondent à la demande de la société pour une agriculture plus propre ». D’où provient cette information ?
Pourtant...
Herbicides/insecticide : une étude des essais dans 8 200 champs de soja transgénique tolérant aux herbicides a révélé que le rendement était plus bas de 6.7% par rapport aux attentes et les plantes ont demandé deux à cinq fois plus d’herbicide que les variétés non OGM (James, C. (1998,1999), Global Status of Transgenic Crops, ISAAA Briefs, New York). Cette étude a été confirmée par une autre : Benbrook, C. (1999). Evidence of the Magnitude and Consequences of the Roundup Ready Soybean Yield Drag from University-Based Varietal Trials in 1998, Ag BioTech InfoNet Technical Paper No. 1,
« Dans le domaine agricole, les entreprises de biotechnologie mettent en avant les avantages des PGM pour les agriculteurs pour faciliter leurs pratiques culturales et diminuer par exemple la pulvérisation des pesticides grâce à des plantes générant leur propre insecticide. Cependant, la Soil Association, association de promotion de l’agriculture biologique au Royaume Uni, a rendu public un rapport sur six années de cultures OGM aux Etats-Unis et au Canada et conclut notamment à un épandage massif d’herbicides, dont l’atrazine, un herbicide toxique dont l’usage est censé être rendu inutile par les OGM mais dont l’utilisation s’est accrue pour pallier l’inefficacité du Roundup, du fait des résistances apparues ; apparition de résistances simultanées à trois molécules herbicides chez les colza ; dégâts des pyrales du maïs remplacés par ceux d’autres insectes... Autant d’effets poussant à augmenter et varier l’utilisation des insecticides/herbicides ». (http://www.infogm.org/spip.php?article955&var_recherche=insecticide )
Rappelons que ce sont les mêmes firmes qui produisent les herbicides, les pesticides et les OGM qui leur sont résistants ou les tolèrent. Croyez-vous - vraiment - qu’elles voudront abandonner l’un de leurs « businesses » les plus porteurs ?! A méditer...
Sécheresse : « Les professeurs M. Altieri (université de Berkeley) et W. Pengue (université de Buenos Aires) ont analysé les conséquences environnementales et socio-économiques de la culture du soja GM, en majorité modifié pour tolérer l’herbicide Roundup [...]. De plus, dans des conditions climatiques sèches, les rendements du soja transgénique furent moins élevés que ceux du soja conventionnel (http://www.infogm.org/spip.php?article2372 ).
« En effet, d’après le Polaris Institute4, la sécheresse au Brésil a provoqué une baisse de 72% des rendements de soja [...]. Or, selon le responsable de l’association des semenciers de l’Etat du Rio Grande do Sul, la baisse a été de 25% plus forte pour la variété GM Roundup Ready que pour les variétés conventionnelles » (http://www.infogm.org/spip.php?article2336&var_recherche=s%E8cheresse ).
Cécité : « Le riz doré, génétiquement modifié pour produire de la b-carotène, a été mis au point en 2000 afin de « régler » les problèmes de cécité dus à une malnutrition. Les critiques sont de deux ordres. D’une part, d’un point de vue nutritionnel, la b-carotène n’est convenablement assimilé, et donc transformé en vitamine A, que dans le cadre d’un régime alimentaire varié incluant des légumes verts [...]. D’autre part, les récents travaux menés sur le génome du riz en 2002 ont conduit un chercheur de Syngenta à déclarer que « tous les gènes sont présents dans le riz. N’importe qui pourrait faire un riz non OGM et riche en vitamine A simplement en étudiant ces gènes de manière plus précise. Le riz doré pourrait donc être une fausse solution aux carences en vitamine A du fait de toutes les inquiétudes concernant les produits issus des biotechnologies » (http://www.infogm.org/spip.php?article1312&var_recherche=c%E9cit%E9 )
Information et consultation du public :
Sur le SIOGM, nous lisons : « Tout consommateur est [...] informé de la présence d’OGM dans ses aliments. [...] les produits OGM sont extrêmement rares en France dans les linéaires mais font toujours l’objet d’une information complète du consommateur ». « Le lait ou la viande d’un animal nourri avec des aliments génétiquement modifiés ne sont pas étiquetés comme produits génétiquement modifiés. A cet égard, il faut rappeler que les données scientifiques actuelles indiquent que la présence d’OGM dans l’alimentation animale ne modifie en rien les caractéristiques des produits animaux ». Peut-on avoir accès à ces données ? Ces études sont-elles effectuées par des laboratoires indépendants, ou bien par les firmes de biotechnologies ? Autant de questions sans réponse sur le SIOGM qui pourtant prétend vouloir répondre « aux interrogations les plus fréquentes » des Français...
Rappelons les difficultés qu’a connues Greenpeace pour obtenir (par voie juridique en Allemagne car impossible en France) l’étude de toxicité d’un maïs transgénique Monsanto, classée confidentielle pour des raisons de... compétitivité de la firme. Ainsi, « Alors qu’une contre-expertise réalisée par le CRII-GEN que préside Corinne Lepage vient de révéler la toxicité du maïs OGM Mon 863 sur le foie et les reins d’animaux testés en laboratoire, le gouvernement organise le secret sur les effets sanitaires des OGM en publiant des décrets censés encadrer les cultures OGM en transposition de la directive européenne 2001/18. Ces décrets, outre le fait qu’ils échappent au débat du Parlement, ont pour effet d’accroître la confidentialité en ne permettant pas la communication des études sur les effets sanitaires des OGM ou l’organisation de la contre-expertise, en violation de l’article 25 de la directive. Ils méconnaissent les principes de consultation et participation du public posés par la convention d’Aarhus (http://www.cap21.net/voircp.php?numnews=305).
Quant à la consultation du public, elle a bien été organisée par le gouvernement sur les nouvelles demandes d’autorisation d’essais en plein champ formulées par les multinationales de biotechnologies (http://www.ogm.gouv.fr/experimentations/consultation_public/consultation_public.htm) : « En réponse à la consultation, de 1 441 à 2 584 formulaires complétés ont été reçus pour chaque projet d’expérimentation, soit 26 306 formulaires au total. Une partie des réponses (15 157), largement issues de la circulation de pétitions, prennent une position de principe, opposée aux OGM. Elles ne correspondent pas à l’objet de la consultation qui s’adresse à toute personne qui souhaite faire des commentaires techniques sur ces projets, présentés sur le site www.ogm.gouv.fr. Ces réponses ont donc été comptabilisées et analysées à part ». Pourquoi nous demande-t-on de faire des commentaires techniques ? Une consultation des citoyens ne devrait-elle pas être une démarche démocratique, afin de connaître et respecter l’opinion publique ? N’a-t-on pas droit à influencer les décisions qui concernent la santé publique et l’environnement ? Faut-il avoir un diplôme d’ingénieur pour se prononcer contre les OGM ? Où sont les résultats des analyses des réponses évaluées « à part » ?
Malgré l’élimination de 15 157 réponses, la grande majorité des réponses restantes ont révélé le rejet des OGM par les citoyens. Alors, comment, qu’est-ce qui a permis au gouvernement de déclarer qu’ « Aucun message reçu durant cette consultation n’a apporté d’éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause l’évaluation conduite sur chaque dossier par la Commission du génie biomoléculaire (CGB) ? Les avis rendus par cette instance concluent à l’absence de risque dans les conditions prévues par les dossiers examinés ». A méditer...
Le SIOGM reconnaît aussi certains risques que sont susceptibles de présenter les OGM : « des risques pour la santé humaine par toxicité ou allergénicité et des risques pour l’environnement comme la déstabilisation de certains écosystèmes. Aussi, pour chaque OGM nouveau, convient-il de vérifier qu’il ne présente ni risque pour la santé, ni impact négatif sur l’environnement. En particulier, il faut être certain que la dissémination dans l’environnement des nouveaux gènes introduits n’est pas susceptible de provoquer de nuisance ». Il convient de revenir sur cette question dans l’analyse des arguments du gouvernement pour les essais en plein champ.
Essais en plein champ
Sur le SIOGM, nous lisons : « Les essais au champ permettent de mesurer l’efficacité de la modification génétique opérée sur la plante, la stabilité de l’OGM dans l’environnement et d’améliorer les connaissances notamment en terme de risque ». Commentaire d’un internaute, François B. (http://www.monde-solidaire.org/moratoireogm/spip.php?article1) : « Outre l’humour noir (involontaire ?), c’est reconnaître explicitement que l’on ne contrôle rien : ni la stabilité ni le risque non seulement pour l’environnement mais aussi en matière de santé publique. Au nom du même raisonnement, on ne voit pas bien ce que l’on pourrait objecter à la dissémination volontaire de la bactérie du typhus, du bacille de la peste ou du virus Ebola à des fins de recherche et d’amélioration des connaissances notamment en terme de risque »...
Impact sur la santé : allergies
« La présence d’une nouvelle protéine, codée par le transgène ou liée à une perturbation du métabolisme qu’il induit, pourrait être responsable d’allergies alimentaires du même type que celles existant avec les aliments conventionnels. A côté de la surveillance de l’impact sur la santé publique des nouveaux aliments commercialisés, organisée par l’AFSSA, des recherches d’amont sont en cours pour développer la capacité de prédire le potentiel allergisant d’une protéine particulière en se fondant sur sa séquence ou sur les motifs structuraux qu’elle comporte ». Qui veut devenir allergique à vie pour l’évaluation de l’impact des OGM sur la santé publique ? Ne vous bousculez pas, il y en aura pour tout le monde... Le SIOGM conseille d’éviter les produits déclenchant des allergies. Mais si les OGM deviennent inévitables à cause de contamination génétique, et de plus en plus présents dans notre alimentation, que ferons-nous pour les éviter ? Arrêter de manger ? Et aussi, « faute de suivi, comment savoir si l’augmentation de 50% des allergies au soja en GB est due ou non au soja GM ? »
(voir : http://www.infogm.org/spip.php?article2623&var_recherche=riz%20dor%E9).
La France peut-elle abandonner la recherche sur les OGM ?
« Si la recherche s’interrompait sur un domaine en évolution aussi rapide, il est à craindre que la France prendrait un retard impossible à rattraper et qu’elle devienne alors totalement dépendante des autres pays et notamment des Etats-Unis qui disposeraient alors de technologies et de variétés performantes et adaptées à leurs conditions naturelles et aux objectifs de leur agriculture ». Vraiment ? De plus en plus d’études contestent le mythe des « variété performantes » (suicides de petits agriculteurs en Inde, mauvaise performance d’une patate douce au Kenya, rendements inférieurs de colza, du soja en Amérique du sud http://www.organicconsumers.org/ge/soya090805.cfm, aux Etats-Unis, du coton en Inde, du maïs Bt176 en Espagne, prix très élevés des OGM et difficultés de rentabilisation, royalties pour les multinationales, apparitions nombreuses de résistances nouvelles des mauvaises herbes et des insectes visés, etc. www.infogm.org). En trente ans d’existence, quel bilan pour les OGM ?
Les agricultures biologique et conventionnelle peuvent-elles coexister avec les cultures OGM ?
SIOGM : « La coexistence est une problématique purement économique, qui concerne des OGM autorisés à la mise sur le marché après une évaluation des risques pour la santé et l’environnement. Cette question est étroitement liée à l’introduction de seuils légaux de présence fortuite au-dessus desquels l’étiquetage des produits est obligatoire. Il est, en effet, nécessaire de définir précisément les conditions dans lesquelles un agriculteur risque de voir sa récolte déclassée et donc vendue à un prix inférieur. Le seuil d’exemption d’étiquetage en cas de présence fortuite d’OGM dans les produits à partir du stade de la récolte (graines à l’exception des semences, produits destinés à la transformation industrielle ou alimentaire) est fixé à 0,9%. La Commission a indiqué qu’en l’absence de seuils spécifiques pour l’agriculture biologique, le même seuil de présence accidentelle s’applique aux filières conventionnelle et biologique ». Or l’actuelle réglementation de l’agriculture biologique interdit aux producteurs certifiés d’utiliser des PGM. Les agriculteurs biologiques contaminés subissent donc un préjudice économique (http://www.infogm.org/spip.php?article2553). La proposition d’imposer un seuil de présence d’OGM ne signifie-t-elle une reconnaissance d’une impossible coexistence ?
Et pour conclure
Dans une lettre ouverte adressée à tous les gouvernements, plusieurs centaines de scientifiques du monde entier demandent « la suspension immédiate de toute propagation de cultures et produits GM, par voie commerciale et dans des essais de plein champ, pour au moins cinq ans ; à l’annulation et l’interdiction des brevets sur le vivant, sur les organismes, les semences, les lignées de cellules et les gènes ; à une investigation publique exhaustive sur l’avenir de l’agriculture et la sécurité alimentaire pour tous (résumé en français http://www.infogm.org/spip.php?article2156&var_recherche=scientifiques, version originale en anglais http://www.i-sis.org.uk/list.php ). Une présentation exhaustive de tous les arguments scientifiques, chiffres et études à l’appui...
Le site interministériel sur les OGM http://www.ogm.gouv.fr/ informe-t-il vraiment les citoyens français de manière objective ?
Maria
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