Le Kosovo à un clou du scellement définitif du cercueil serbe ?!...
Le 17 février dernier le Kosovo fêta, sobrement, crise économique planétaire oblige, le premier anniversaire de sa déclaration unilatérale d’indépendance vis-à-vis de la Serbie. La couverture de l’évènement par les principaux médias occidentaux s’inscrivit dans la droite ligne de la liberté d’expression leur étant reconnue, c’est-à-dire en conformité avec la position officielle sur la question du Kosovo des états dont ils sont issus.
C’est ainsi que les fervents partisans de l’indépendance de la province serbe firent des gorges chaudes des prédictions alarmistes des opposants à cette atteinte au droit international et, profitant du fait qu’aucune ne se soit encore pleinement matérialisée, ne manquèrent pas de retourner les arguments de leurs contradicteurs pour illustrer la justesse de leur propre thèse, à savoir que l’entorse du Kosovo n’est pas un précédent mais un cas unique non susceptible de renouvellement.
Ils se vantèrent donc de l’absence de bain de sang résultant d’un conflit entre les Albanais du Kosovo et les quelques 120.000 Serbes y demeurant encore, du départ massif de ces derniers, ou encore d’une réaction en chaîne de mouvements de sécession de par la planète, les plus honnêtes faisant cependant allusion aux cas de l’Ossétie du sud et de l’Abkhazie, qu’ils ne manquèrent cependant pas de présenter comme des errements attribuables à la Russie.
Quant au fait que les Albanais se soient retenus de finir d’exterminer le peu de Serbes non encore chassés du Kosovo, ce à quoi ils se livrent depuis des décennies déjà, ce n’est certes pas faute d’intention, mais bien du fait de leurs protecteurs dont la position sur le dossier du Kosovo n’est toujours pas assez ferme sur la scène internationale pour se permettre de laisser passer une troisième vague de nettoyage ethnique après celles ayant accompagné l’entrée de l’Otan dans la province serbe en 1999 et les trois jours de pogrom du 17 au 20 mars 2004.
Pour ce qui est des Serbes osant encore fouler le sol de leurs ancêtres, les autorités de Belgrade, alors encore aux mains du premier ministre Vojislav Kostunica quand les Albanais firent sécession, firent tout en leur pouvoir pour garantir leur survie au Kosovo car parfaitement conscients qu’une fois le dernier des Mohicans parti il leur serait pratiquement impossible de continuer à revendiquer cette terre parsemée de vestiges témoignant du début de la civilisation serbe.
Passés ces gargarismes en guise d’introduction, ces mêmes médias se penchèrent sur la situation du Kosovo un an après et firent grand cas de la situation économique dans laquelle il se trouve. En ces temps où règne l’adage « dis moi quel est l’état de ton économie et je te dirai qui tu es » les chiffres mis en avant par ce territoire approximativement de la taille du Qatar sont loin d’être folichons, les plus frappants étant ceux du chômage, que l’on estime toucher environ 50% de la population active, et celui selon lequel 45% des quelque deux millions d’habitants que compterait le Kosovo vivent sous le seuil de pauvreté, situé à 1.5 € par jour.
A cela vous ajoutez les quelques 30.000 jeunes, sur une population dont plus de la moitié est âgée de moins de 25 ans, arrivant sur le marché du travail chaque année sans qualifications et pratiquement sans espoir de trouver un job, une corruption endémique et un déficit commercial astronomique, les exportations couvrant à peine 10% des importations.
Le pire indicateur, cependant, et qui s’annonce comme la principale menace à la paix sociale, voire à la paix tout court, est le tarissement progressif des envois de fonds des nombreux Albanais du Kosovo de la diaspora du fait de la crise économique frappant leurs pays d’accueil, où ils font souvent office de premières victimes. Cet argent représente un apport indispensable à nombre de leurs proches à qui il permet de garder la tête hors de l’eau.
En guise de baume au cœur, ces mêmes médias évoquent la perspective du méga projet de centrale électrique, un investissement de l’ordre de trois milliards d’euros destiné à tirer profit des énormes réserves de lignite aux abords immédiats de Pristina, la capitale du Kosovo comptant quelques 500.000 habitants, et devant approvisionner toute la région en électricité.
Au-delà des risques pour l’environnement, auquel les deux centrales déjà sur site et parmi les plus polluantes d’Europe portent déjà copieusement atteinte, il est difficile d’imaginer que cette centrale fasse du Kosovo un nouveau Koweït avec une population qui, avec le taux actuel de fécondité des Albanais, aura plus que probablement dépassé les 2 millions ½ d’habitants d’ici à ce qu’elle soit opérationnelle dans une dizaine d’années.
Un autre argument avancé afin de nourrir l’espoir de jours meilleurs dans ce qui s’annonce chaque jour d’avantage comme une future bande de Gaza à l’européenne, consiste à rappeler la conférence de donateurs organisée à Bruxelles l’été dernier au cours de laquelle 1.2 milliards d’euros furent promis, dont 500 millions en provenance du budget de l’Union européenne et 300 millions que les pays membres de l’UE se sont engagés à offrir directement.
Bien qu’à ce jour aucun rapport officiel n’ait tenu le public informé sur la bonne tenue des promesses faites à Bruxelles, les indications faisant part de difficultés pour les remplir se multiplient. Celles-ci évoquent tantôt le problème de la corruption au Kosovo, qui empêche la traçabilité des fonds déboursés, ou la crise économique avec, par exemple, la Slovénie, pourtant un ardent défenseur de l’indépendance de la province serbe, ayant déjà annoncé le report de son engagement, une excuse à laquelle bon nombre d’autres « généreux » donateurs ne manqueront pas d’avoir recours.
Conscients que l’euphorie ayant accompagné la proclamation de l’indépendance de la province ne suffit plus à calmer les esprits face à l’urgence d’une situation sociale de plus en plus explosive, les autorités kosovares se retournent vers leurs protecteurs et tentent, d’un côté, de les convaincre d’offrir du travail à leurs ressortissants en établissant des quotas de personnes autorisées à aller travailler dans l’UE, et de l’autre, de débloquer le fonds de quelques 300 millions d’euros tirés du processus de privatisation et destinés à rembourser les propriétaires, serbes dans leur quasi totalité, des entreprises vendues sans l’accord de ces derniers.
Dans l’immédiat, et en guise d’aparté, le premier ministre du Kosovo Hashim Thaci pourrait tenter d’endiguer les effets de la crise grâce aux nouveaux revenus tirés du trafic de cocaïne qui, selon un nouveau rapport de l’Onu, fait désormais son entrée en Europe via les routes de l’héroïne contrôlées par la mafia albanaise implantée en Albanie, au Kosovo et dans l’est de la Macédoine habitée par les Albanais.
Ce rapport s’appuie en partie sur de nombreuses mises en garde d’Interpol et des services de renseignement allemands BND, dont trois agents avaient d’ailleurs été arrêtés à Pristina le 19 novembre dernier suite à l’explosion d’une bombe dans la cour des bureaux du Représentant spécial de l’UE au Kosovo. Il s’avéra par la suite que ces derniers travaillaient à l’élaboration d’un dossier sur l’étendue des activités criminelles de Mr. Thaci et leur rapatriement en Allemagne fut permis après qu’une soit disant « Armée de la République du Kosovo » inconnue ait fait une revendication bidon de l’attentat via un email envoyé à la police.
C’est cependant à l’égard des Serbes toujours présents au Kosovo que les risques de débordement du « mécontentement populaire » sont les plus grands et les signes avant coureurs de la création d’une atmosphère favorable à une nouvelle vague de violence dont ils seraient les victimes tendent à se multiplier.
Nos médias formant l’opinion publique semblent à nouveau activés comme courroie de transmission de la « machine à mentir » dont les dépeceurs de l’ancienne Yougoslavie firent un recours systématique au cours de toutes les années de leur sordide besogne et qui manifestement servira jusqu’à ce que le peuple serbe, l’enfant terrible des Balkans car éternel insoumis, soit confiné à l’espace que certains semblent estimer lui revenir de droit, soit à la portion congrue.
C’est ainsi que Belgrade et les Serbes vivant au Kosovo, particulièrement ceux situés au nord de la province où ils jouissent d’une relative position de force car non détachés de la Serbie à proprement parler, sont pointés du doigt comme ceux empêchant de tourner la page de ce « conflit pernicieux », comme l’écrivent trois des anciens médiateurs de la crise kosovare dans un article commun publié sur le site de Project Syndicate et repris par de nombreux médias.
Le nouveau prix Nobel de la paix et ancien envoyé spécial du secrétaire général de l’Onu Martti Ahtisaari, son adjoint d’alors l’Autrichien Albert Rohan et l’Allemand Wolfgang Ischinger, qui représenta l’UE dans la troïka incluant aussi l’Américain Frank Wisner et le Russe Alexandar Botsan-Harchenko, attribuent la persistance de la question kosovare au refus de la Serbie d’accepter la « nouvelle réalité » et à ses efforts en vue d’empêcher une normalisation de la situation.
Ils accusent Belgrade d’ordonner aux Serbes du Kosovo de refuser de collaborer avec le gouvernement de Pristina et la mission européenne Eulex, ce qui, « ironiquement » disent-ils, et les amateurs mesureront le degré de cynisme dans le choix de ce terme, empêche la mise en pratique des larges droits réservés aux communautés prévus par le plan Ahtisaari.
Considérant le Kosovo comme partie intégrante de la Serbie, les Serbes refusent de se faire enfermer dans ce concept de minorité au sein de leur propre pays, une question sur laquelle nos trois « défenseurs de la paix » enfoncèrent d’ailleurs le clou en affirmant que ces derniers ne représentent que 5% de la population, ce qui laisse à penser qu’ils considèrent le nettoyage ethnique des quelques 250.000 autres s’étant réfugiés en Serbie comme un acquis de cette nouvelle réalité qu’ils veulent imposer.
Au delà de cette dénonciation du pouvoir de nuisance démesuré, du haut de ses 5%, attribué à cette minorité, les médias tant kosovars qu’européens ont entrepris de systématiquement dépeindre l’enclave serbe au nord du Kosovo comme une terre de non droit où quelques caïds locaux exerceraient une tyrannie sans nom.
(Voir, à ce titre, le texte suivant, digne de ce que l’on pouvait lire quand il était question de justifier la campagne de l’Otan)
Afin de ne pas être taxés de discours discriminatoire à caractère ethnique, ils s’efforcent de mettre l’accent sur les conséquences économiques résultant du non contrôle de Pristina sur le nord du Kosovo et épinglent l’hémorragie de « millions » d’euros non perçus par les caisses du nouvel état après que les Serbes aient brûlé les postes de douane placés aux points de passage les séparant de la Serbie. A cela s’ajoutent les reproches formulés envers la Serbie qui refuse l’entrée de produits en provenance du Kosovo depuis que Pristina a décidé de les marquer du label « République du Kosovo ».
Dans ce contexte, une série d’incidents ayant eu lieu dans la partie nord de la ville de Mitrovica, où vit une majorité de Serbes mais comptant toujours des Albanais, à la différence de la partie sud où les derniers Serbes qui vivaient dans l’enceinte « protégée » de l’église orthodoxe furent chassés lors du pogrom de 2004, furent attribués d’office aux soi-disant bandes criminelles serbes, et ce non seulement par les Albanais, ce qui va de soi, mais également par les forces de l’Otan (Kfor) et le Représentant spécial de l’UE au Kosovo Pieter Feith, faisant ainsi l’impasse sur la dimension ethnique de nombre d’entre eux.
Ces dernières semaines c’est l’enclave serbe de Strpce (prononcez chteurpsé) la plus au sud du Kosovo qui, après une période de calme ayant duré depuis l’automne 2005, fut le théâtre de divers incidents, le dernier impliquant un jeune Albanais qui entra dans un café fréquenté par les Serbes avec une mine antipersonnelle fixée au torse et en possession d’une grenade et d’une Kalachnikov.
Un exode de Strpce, qui compte près de 10.000 Serbes et dont le principal attrait est la station de ski de Brezovica sur laquelle les Albanais rêvent de mettre la main, donnerait à coup sûr le signal de départ de la plupart des petites enclaves serbes disséminées au sud de la rivière Ibar divisant les Serbes et Albanais à Mitrovica.
La situation actuelle de semi vide de pouvoir résultant du retrait de la mission onusienne, la Minuk, et son remplacement par Eulex dont le rôle dans les zones serbes reste confus du fait d’interprétations contradictoires, couplée à la précarité croissante d’une majeur partie de la population albanaise confrontée à une pressante question de survie et un pointage du doigt systématique du rôle soi-disant malfaisant de la minorité serbe, crée une atmosphère propice à de nouveaux débordements de mécontentement populaire « spontanés » tels ceux de mars 2004 qui permirent de rayer bon nombre de petites enclaves de la carte du Kosovo.
Dans ce contexte, l’invitation envoyée au président du Kosovo Fatmir Sejdiu et son premier ministre Hashim Thaci par la nouvelle secrétaire d’état américaine Hillary Clinton à venir lui rendre visite à Washington le 24 février prochain pourrait sonner comme une note d’espoir que la situation restera sous contrôle.
Quand on sait, cependant, que les bombardements de la République fédérale de Yougoslavie par l’Otan en 1999, au mépris du droit international car non avalisés par l’Onu, furent décidés sous l’administration de Bill Clinton et qu’Hillary se vanta, lors de sa campagne à la présidence l’année dernière, d’avoir fortement poussé son mari à prendre cette décision. Quand on sait aussi que le vice président américain Joe Biden fut l’un des principaux avocats de l’indépendance du Kosovo aux Etats-Unis, et que le message envoyé par le président Barack Obama à l’occasion du premier anniversaire de la « proclamation d’indépendance historique par le Kosovo » promet d’aider un Kosovo « indépendant… dans ses efforts pour prendre une place méritoire de membre à part entière de la communauté des états », les Serbes restent en droit de se demander s’ils comptent de nombreux amis dans la nouvelle administration américaine.
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