Le lit présidentiel, Mme Bruni-Sarkozy et Mme Dati
Divers médias ont publié quelques citations d’une biographie autorisée par le couple présidentiel français (1). L’expression « biographie autorisée » implique un contrôle exercé sur le biographe par son sujet qui veille au minimum à ce que « l’information donnée » volontairement ne soit pas susceptible de nuire à ses intérêts.
Un curieux échange révélé
On est donc d’autant plus surpris de voir relaté par Mme Bruni-Sarkozy un échange privé avec Mme Rachida Dati, qui n’a pu avoir d’autre témoin, un jour que la première faisait à la seconde l’honneur d’une visite des appartements privés présidentiels à l’Élysée. Passant devant un lit, Mme Bruni Sarkozy aurait lancé à son amie : « Tu aurais bien aimé l’occuper, n’est-ce pas ? » On ignore qu’elle a été la réaction de Mme Dati à une aussi délicate saillie. Qu’importe ! Ce qui intrigue, c’est l’intérêt qu’on peut trouver à révéler pareils propos. Cette divulgation n’est-elle pas susceptible de nuire à l’image de celle qui les a tenus ?
La métonymie du lit royal
La métonymie du lit présidentiel renvoie, on s’en doute, à l’histoire monarchique universelle et française en particulier. Elle en fait le centre autour duquel gravitaient tous les pouvoirs du pays. Un système politique héréditaire a l’obsession d’assurer sa descendance et en même temps de sceller des alliances avec d’autres familles princières. Le lit est l’autel où le monarque officie à cette fin. Mais à quoi bon le pouvoir sur les choses et les êtres si c’est pour vivre l’ennui de la fidélité conjugale à laquelle sont condamnés sauf exception ses sujets ! Le lit est heureusement le théâtre des jouissances royales où défilent les favorites pour un soir ou plus durablement au gré des appétits du monarque.
Deux favorites rivales ?
La pique de Mme Bruni-Sarkozy envers Mme Dati insère donc les mœurs de la République dans la tradition sexuelle la plus sordide de la monarchie. Elle souligne que les deux femmes, tout comme les favorites d’autrefois, auraient toutes deux brigué les honneurs du lit présidentiel et auraient mis en œuvre le protocole de séduction courtisane correspondant dont elles espéraient qu’il les y conduirait.
On en déduit qu’elles étaient rivales avec ce que ce statut comporte d’armes délicates en tout genre pour réussir à évincer l’autre de la course au lit. Cette autre métonymie du « désir du lit » dit aussi que l’une et l’autre guignaient moins une relation affective que l’occupation du cœur du pouvoir dont la copulation présidentielle était le sacrement.
Un leurre de diversion ?
Vue de la province et de ses médiocres préjugés, une telle information jetterait plus l’opprobre sur son auteur qu’elle ne rehausserait son crédit. Avoir été la favorite gagnante n’efface pas pour autant l’état de favorite avec sa trousse de séductions plus ou moins humiliantes. Quel besoin donc de jeter en pâture au voyeurisme populaire une image aussi peu flatteuse ? Sans doute est-ce une façon de faire diversion quand les pêcheurs manifestent violemment à Bruxelles pour leur survie, que flambent le prix du pétrole, des matières premières et des denrées agricoles. Un lit présidentiel, qui n’a pas rêvé de s’y vautrer ? À défaut d’y parvenir, il est offert de le faire par procuration.
Une psychologie de favorite
Mais c’est payer cher le leurre de diversion au prix d’une réputation ruinée. Il faut donc trouver une autre raison à ce nouvel exhibitionnisme. Sans doute faut-il incriminer la psychologie des favorites pour qui le cœur du pouvoir, le lit présidentiel, est le seul bien qui vaille d’être convoité. Leur sens moral est donc orienté différemment du sens commun. Tout ce qui conduit au lit est donc bien et ce qui en éloigne est mal. En conséquence, la favorite victorieuse a toutes les raisons de crier victoire sur tous les toits, et surtout en désignant la finaliste contre laquelle elle l’a emporté.
On ne voit pas les autres épouses présidentielles, qui ont précédé, faire de pareilles révélations, même s’il leur est arrivé de jouer les reines mères tandis que leur époux courait notoirement les aventures. C’est manifestement une clientèle bien différente qui est aujourd’hui au pouvoir en France : l’exhibitionnisme de la richesse ne lui suffit pas pour être ! Encore lui faut-il montrer qu’elle lui sacrifie tout ce qui fait la dignité humaine pour s’y livrer. Du lit à la lie, dans ce cas, il n’y a qu’un pas. Mais on est rassuré : on apprend aussi dans cette biographie autorisée que Mme Bruni-Sarkozy a « deux priorités », en tant que première dame, dans la bonne tradition humanitaire et "maternaliste" des reines : « agir globalement sur la pauvreté dans le monde et lutter contre l’ignorance ». Un lit présidentiel, on le voit, n’est pas de tout repos. Paul Villach
(1) Cité par Libération du 4 juin 2008, par exemple, rendant compte de la biographie autorisée : La Véritable Histoire de Carla et Nicolas (Editions du Moment).
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