Le mariage de la carpe et du lapin permettra-t-il de domestiquer le loup, le renard et la belette
Le titre de cet article reprend volontairement la forme à laquelle les grands fabulistes nous ont habitués pour nous délivrer des messages qui, pour être édifiants, n’en restent pas moins des « fables ».
Le dernier conte pour enfants se racontant à Washington concerne le rapprochement inattendu de deux milliardaires américains qui se seraient découvert soudain des vocations pacifistes et auraient décidé d’unir leurs efforts pour que cessent les interventions dispendieuses interminables de l’armée américaine, ruineuses surtout, car la mansuétude et la compassion ne sont pas les principales des deux acteurs qui sont :
- à ma droite, l’inoxydable George Soros, portant haut les couleurs du libéralisme du mondialisme et des "nouvelles" valeurs sociétales,
- à ma gauche, le conservateur Charles Koch, héraut du protectionnisme, du nationalisme et des "anciennes" valeurs sociétales.
Ces deux poids lourds se sont associés pour créer le « Quincy Institute for Responsible Statecraft » dont le but est de mettre un terme à la guerre éternelle que les États-Unis mènent un peu partout dans le monde mais jamais chez eux depuis 11 septembre 1941, date à laquelle Roosevelt a ordonné d'attaquer les navires de l'Axe croisant dans les eaux territoriales américaines.
Un texte publié sur le site Web de l'institut affirme dès les premières lignes : "La politique étrangère des États-Unis s'est déconnectée de toute conception défendable des intérêts américains et d'un respect décent des droits et de la dignité de l'humanité."
Pourtant, à part le niveau de leurs fortunes respectives, Koch et Soros ont peu de choses en commun sur le plan politique. Soros est très mal vu à droite pour son soutien à la libéralisation de l'immigration et il est souvent la cible des mouvements alternatifs antimondialistes et Koch a été critiqué pour son implication au sein du parti républicain et pour son opposition à ce qu’on appelle maintenant les « politiques climatiques ».
Koch et Soros ont versé chacun un demi-million de dollars à la fondation qui a recueilli 800 000 autres dollars provenant de donateurs privés. L’institut, qui ouvrira ses portes en septembre avant une inauguration officielle plus tard à l’automne, porte le nom de l’ancien président américain John Quincy Adams, qui a déclaré dans un discours de 1821 que l’Amérique « n’[était] pas en quête de monstres à détruire ”. Le but est de militer pour la retenue et la diplomatie plutôt que pour des interventions militaires, ce qui constitue un renversement inédit par rapports aux positions de tous les autres fameux « think tanks » qui, eux, soutiennent soit une des variantes du militarisme néoconservateur soit l’interventionnisme libéral », ce qui ne fait pas grande différence pour les victimes des uns ou des autres.
Les convictions politiques opposées de Soros et Koch sont supposées apporter de la crédibilité à leur nouveau projet. Il faut reconnaitre qu’il ne s’agit pas d’un réveil brutal dans les deux cas. L’un comme l’autre ont déjà exprimé leurs objections à une intervention de leur pays à l’étranger dans le passé.
Dans une interview accordée à MSNBC en 2015 , Charles Koch avait déclaré : « Pour moi, la politique étrangère est une forme de folie. … Nous n’arrêtons pas de nous débarrasser des dictateurs pour ensuite ne rien améliorer, et nous gâchons la vie de nombreuses personnes dans ce processus. Nous dépensons des fortunes et nous faisons tuer et mutiler des Américains. » La mort et la mutilation de ceux qui sont en face ne sont pas son truc, à Koch, mais c’est déjà un début.
Soros a également fait plusieurs déclarations contre la guerre, notamment dans HuffPost, où il a écrit en 2006 à propos de la guerre contre le terrorisme : « Une guerre sans fin menée contre un ennemi invisible fait beaucoup de tort à notre puissance, à notre prestige à l'étranger et à notre modèle de société parmi nos propres compatriotes. Cela a conduit à une extension dangereuse des pouvoirs exécutifs ; cela a terni notre adhésion aux droits de l'homme universels ; cela a étouffé le sens critique qui est au cœur d'une société libre ; et cela a coûté beaucoup d'argent. » Bon, d’accord, l’argent, y pas que ça dans la vie, mais quand même !
Koch et Soros prévoient de publier des informations et de participer à diverses campagnes anti-guerre, puis de mettre en place des « alliés » (comprendre émissaires) dans l'état-major du Congrès et dans l’administration de l’exécutif américain.
Il serait intéressant de savoir ce qu’en pensent le Pentagone, la NRA, Cambridge Analytica et la famille Mercer, John Bolton et Madeleine Albright. Avec un peu d’EPO dans le bourbon, on devrait pouvoir bientôt assister à quelques spectacles pyrotechniques. Mais justement, est-ce que tout ne fait pas justement partie du spectacle ? Ou alors, pour revenir au titre de l’article, les fabulistes n’ont-ils pas oublié deux choses :
- certains mariages sont tabous
- certaines espèces sont impossibles à domestiquer.
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