Le Moi dévoyé à l’ère des autocrates
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Ce billet fait suite à une précédente réflexion dont le thème fut le fascisme du Moi. Observons les comportements sociaux, les attitudes de quelques chefs et autres directeurs, des médiarques et des politiciens. Peut-on parler d’un Moi dévoyé dans un environnement miné par les dérives autocratiques flirtant avec le fascisme social, notion bien évidemment vague et promise à un développement s’il y a lieu. Pour l’instant, j’expérimente une idée avec cette notion qui semble prêter à confusion.
Le fascisme politique prend ses racines dans le mouvement populaire instrumentalisé par le pouvoir comme populisme. C’est un dévoiement du peuple, utilisé par les Etats-Nations après les élans nationalistes et tempérés d’un Renan ou d’un Michelet. Le fascisme du Moi, c’est un dévoiement du pouvoir incarné. Une tendance née dans le courant du 20ème siècle et accomplie à des degrés divers En France, aux Etats-Unis, en Italie ou ailleurs.
Le fascisme hait le libéralisme. Le fascisme montre sa faiblesse. Il n’aime pas la concurrence. Il a peur de la concurrence. Le fascisme déteste la liberté d’expression car il en a peur. Le fascisme n’est pas mort. Il est prêt à renaître sous des formes anodines. Qu’il soit politique ou anthropologique, le fascisme n’aime pas la concurrence et la liberté de pensée. Le fascisme du Moi n’aime pas ceux qui ne veulent pas entrer dans son dessein et encore moins ceux qui contrarient son dessein.
Cette idée du fascisme du Moi paraît d’actualité tant les événements tracent le portait d’une société pénétrée par un théâtre d’ego, d’ambitions personnelles et de réussites artificielles pas forcément en rapport avec des compétences et des talents. C’est même le contraire qui se passe. Nombreux sont ceux qui disposent de talents et de passion, mais qui sont écartés du monde professionnels par des individus soucieux de préserver les intérêts du Moi. Le talentueux devient vite un concurrent. La France semble bien placée sur ce terrain de l’ascension des ego et de l’hypertrophie du Moi. On le constate en politique, dans le milieu des stars et dans de nombreuses institutions. Que de haines intestines, de jalousies, d’envies.
Quand ce fut l’ère du fascisme politique, l’Etat écrasait l’individu ou l’asservissait. Mais l’Etat n’est rien sans les hommes qui agissent en son nom. Autrement dit, c’est une caste d’individu qui fait régner l’ordre fasciste en imposant ses règles sans délibérations publiques. Comme je l’ai souligné, le fascisme politique est consécutif à l’âge des Etats-Nations modernes. Le fascisme du Moi arrive naturellement à l’ère individualiste. La démocratie s’est imposée. L’Etat de droit est bien installé, avec ses institutions, ses pratiques rodées, mais il n’est pas incompatible avec ces dérives qu’on observe de plus en plus et qui méritent d’être rangé sous le dénominatif de tyrannie du Moi ou mieux encore, fascisme du Moi. Notons une chose importante, le fascisme du Moi n’est pas tout puissant car il est contrarié par les règles de droit si bien que l’individu ne peut pas dominer autant que sa personnalité le voudrait. De plus, la conjoncture est somme toute assez classique, carrément hobbesienne. Une guerre de tous contre tous et le Léviathan imaginé comme garde-fou, ainsi pensait Hobbes au 17ème siècle. C’était l’époque où il fallait limiter l’appétit de domination des princes. A notre époque vidéosphérique et pacifiée, les Moi ne s’entretuent pas mais usent de différents moyens pour se combattre. Les attaques personnelles sont courantes, autant que les petites brimades sur les lieux de travail. Les premiers à donner l’exemple sont les politiciens. Suivis par les membres distingués de ce milieu qu’on appelle les élites ou à défaut, la France d’en haut pour reprendre un bon mot de Jean-Pierre Raffarin.
Le fascisme politique utilise les armes à feu autant que les méthodes de persuasion décrites comme propagande et comme règne de la peur orchestrée par l’Etat totalitaire. Le fascisme du Moi use d’autres armes, qui ne sont pas violentes au sens physique mais qui peuvent faire mal en atteignant le psychisme. D’autant plus mal que la personne présente quelques traits narcissiques et donc, se trouve sensibilisée à ce qui peut porter atteinte à son image. Un étrange jeu de massacre iconique se déroule sur le théâtre des images médiatisées. Les cas les plus graves se terminent devant les juges habilités à octroyer quelques indemnisations aux victimes si nécessaire.
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