Le mythe gaullo-mitterrandien d’une France pesant encore sur le monde
Délitement et friture diplomatique.
"Acteur sans moyen d’une France en déclin, la politique étrangère de M. Chirac reste marquée par une absence de constance et quelques intuitions", titre le quotidien Libération du mercredi 20 septembre 2006, montrant de quelle façon le mythe gaullo-mitterrandien d’une France pesant encore sur la marche du monde ne représente plus rien.
Chacun ne peut en effet que constater que le mythe a bien volé en éclats, à tel point que le fameux "domaine réservé" de la politique étrangère, jusqu’alors intouchable, vient d’être investi par deux rivaux politiques soucieux d’acquérir une visibilité et un brevet de reconnaissance sur la scène internationale.
Pourquoi pas, pourrait-on penser, à ceci près qu’il est particulièrement anormal qu’un membre du gouvernement, actuellement encore en fonction et avec le rang de ministre d’Etat, puisse s’autoriser à interférer de manière aussi grave avec les orientations politiques et diplomatiques de la France, surtout en s’affichant avec le dirigeant d’une grande puissance et en revendiquant son alignement sur celle-ci au point de tenir des propos dont le caractère officiel est inadmissible.
La France, rappelons-le, est une république indivisible, laïque,
démocratique et sociale (Article premier, Préambule de la Constitution
du 4 octobre 1958.) Elle s’est donnée une constitution dont l’article 3
du Titre premier intitulé "De la souveraineté" dispose de manière
expresse que : "La souveraineté nationale appartient au peuple qui
l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum", l’alinéa
2 de ce même article ajoutant : "Aucune section du peuple ni aucun
individu ne peut s’en attribuer l’exercice."
Si l’on ajoute qu’il incombe au président de la République (Titre II, article 5, alinéa 1) de veiller au respect de la Constitution et (alinéa 3) d’être le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire (loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995) "et du respect des traités", les choses devraient être claires.
Or, elles ne le sont pas, de telle sorte que l’anormalité est patente
puisque la France, qui a du mal à se faire entendre sur la scène
internationale, ainsi qu’on vient de le voir à la tribune de l’ONU, ne
parle même plus d’une seule voix.
S’il est exact que sous la Cinquième République le titre de ministre
d’État marque de manière significative la prééminence de celui qui le
porte au sein du gouvernement - son titulaire est en effet placé
protocolairement aussitôt après le Premier ministre et avant les autres
ministres - il n’en demeure pas moins que la seule prérogative d’un
ministre d’État est de pouvoir organiser des réunions
interministérielles, normalement apanage du Premier ministre, et rien
d’autre.
S’il est exact que le titre de ministre d’État peut être attribué à une
personnalité politique exceptionnelle, à un leader de parti politique,
ou pour signifier que l’action de son ministère est considérée comme
une priorité gouvernementale, et qu’il peut y avoir plusieurs ministres
d’État au sein d’un même gouvernement ; s’il arrive aussi que les
ministres d’Etat soient comparés à des vice-Premiers ministres, ils ne
sauraient pour autant excéder leurs fonctions au point d’échapper
complètement, comme c’est actuellement le cas en France avec l’actuel
ministre de l’Intérieur, à l’autorité du Premier ministre à qui il
incombe de diriger l’action du gouvernement, lequel, faut-il le
rappeler aussi, "détermine et conduit la politique de la nation".
Les mots, le vocabulaire et la syntaxe que les rédacteurs du texte
constitutionnel ont choisis afin de les mettre en oeuvre sont précis.
Une telle confusion des genres ne peut donc que laisser augurer de sérieuses inquiétudes quant à la confusion des pouvoirs.
Sous Louis XIV, l’invitation royale au "Conseil d’en Haut" n’était
valable que pour une séance et devait être renouvelée tant que la
personne désignée gardait la confiance du souverain.
"Une république n’est point fondée sur la vertu ; elle l’est sur
l’ambition de chaque citoyen, qui contient l’ambition des autres."
Voltaire Politique et législation
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