Le Parti socialiste face à la règle des 80 / 20 !
1981 est la première et la dernière élection stratégique que le Parti socialiste (PS) a véritablement gagnée. Celle de 1988 ayant d’abord été celle d’un homme avant d’être celle d’un bloc. Depuis, les derniers scrutins semblent avoir montré une forte droitisation du corps électoral - 1995, 2002 et 2007 - ou bien le rejet conjoncturel d’un projet de gouvernement comme en 1997. Si avant 1981 le corps électoral pensait à gauche et votait à droite, il semble qu’après la parenthèse Mitterrand l’on soit venu à un nouveau modèle beaucoup plus simple : penser nulle part et voter à droite pour y trouver son intérêt personnel. Pourquoi en est-on arrivé là ?
D’abord un constat. En 1981 le PS n’aurait jamais gagné sans l’apport massif des voix du Parti communiste français (PCF). Voix issues de celles contestataires de la fabuleuse période des Trente Glorieuses. Période durant laquelle l’ouvrier des usines pensait que le modèle d’une économie collectiviste aurait sûrement mieux réparti les richesses accumulées par le modèle d’économie de marché - dit capitaliste par les antilibéraux - qui sévissait alors. Comme si pour cet ouvrier, le modèle conçu à l’est de l’Europe par Lénine et Staline avait aussi connu ses propres Trente Glorieuses et avait su, lui, en faire mieux profiter les masses laborieuses des pays sous sa tutelle !
Ensuite, sous l’impulsion de la tertiarisation de l’économie et de l’individualisation des comportements, le poids des ouvriers s’est fait de plus en plus faible. Les cols blancs, costumes cravates, ont remplacé les cols bleus, des bleus de chauffe. Même jusque dans les urnes ! Autant de voix qui ont échappé au PCF - en précipitant son inéluctable déclin définitif - et donc, ont aussi échappé à sa droite : la gauche socialiste et démocratique. Sans compter le phénomène d’accélération provoqué par les vases communicants qui ont créé, de toute pièce, dès les années 80, l’extrême droite. Cette dernière a commencé à exister en pompant les déçus des premières années Mitterrand. Ceux qui n’ont pas vu l’installation du modèle dont ils rêvaient avec une gauche communisante, celui d’une économie collectiviste au service quasi unique du travailleur. Nier, cela serait faire une grave erreur d’analyse dans l’étude de l’histoire sociologique des années 80 !
Enfin, parce que, arrivé au pouvoir, non pas par acceptation de son projet, d’ailleurs absent en 1997, mais plutôt par rejet du Premier ministre en place Alain Juppé, le PS a voulu d’abord répondre à ses propres attentes idéologiques avant d’apporter une réponse aux attentes du peuple.
La preuve fut donnée par le projet des 35 heures. Un véritable symbole. Oui, diminuer le temps de travail est inéluctable. Mais qui l’avait demandé ? Qui se souvient des manifestations et des grèves pour imposer les 35 heures dans notre pays ? Quelles routes, quels trains ou métros ont été bloqués pour qu’aboutisse un tel projet ? Rien, ni personne, car ce projet n’était demandé par... personne. Sauf quelques dogmatiques, dans leurs ministères, qui se sont d’ailleurs empressés de ne pas se l’appliquer d’abord à eux-mêmes, ni à leurs personnels. Mieux, alors que les croissances mondiale, européenne et française ont battu des records entre 1997 et 2001, près de 23% en cinq ans, des milliards - 100 milliards de francs par an, excusez du peu - ont été engloutis sur des projets que personne n’avait jamais demandés, jamais souhaités ! Un million d’emplois ont quand même été créés en France durant cette période. Oui, mais comme dans tous les autres pays européens, proportionnellement à leur taille.
En procédant de la sorte, le Parti socialiste a ignoré une règle de base, celle des 80 / 20. Règle largement utilisée dans le milieu du consulting. Cette règle énonce que :
- - Tout projet doit répondre aux attentes de son mandant. En l’espèce, le mandant, le peuple, n’avait jamais donné au PS la mission de réaliser le projet des 35 heures, dont il n’avait d’ailleurs pas exprimé le besoin. Le PS a simplement oublié dans cette affaire qu’aujourd’hui le peuple pense, peut s’exprimer tout seul et que les médias sont éventuellement là pour porter les revendications jugées importantes par lui.
- - Tout projet doit satisfaire 80 % de sa cible stratégique et dans une moindre mesure les 20 % restants, si et seulement si, la satisfaction de ceux-ci ne dégrade pas celle des 80 %. En l’espèce, le PS a toujours fait le contraire. Ne jamais choquer les 20 % de l’électorat allant d’Arlette Laguiller à Henri Emmanuelli et ensuite seulement, répondre aux 80 % restants par l’utilisation d’un discours aseptisé et surtout non contrariant.
Dans le privé, de telles erreurs de stratégie auraient été qualifiées de fautes professionnelles et sanctionnées de licenciements. Dans le monde politique : rien ! On prend les mêmes depuis vingt ans et on recommence.
En fait, les politiques doivent comprendre - et certains l’ont rapidement intégré - qu’un projet de gouvernement n’est pas très différent d’un projet d’entreprise. Tout consultant de base, de n’importe quel cabinet, sait cela. Il doit impérativement répondre à la règle des 80 / 20.
La droite vient de le comprendre sous la jeune impulsion américano-sarkozienne et, de fait, elle a largement gagné. La gauche socialiste et démocratique, PS compris, doit rapidement s’approprier cette règle des 80 / 20 sous peine de ne pas revoir avant longtemps le chemin du pouvoir.
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