Le pouvoir au peuple
Cela fait longtemps que plane au dessus de la pensée de gauche révolutionnaire qu’il serait justice, juste, que le pouvoir soit au peuple. C’est, me semble-t-il, la définition de la démocratie. Donc ça vient de loin. Or, ça n’a jamais existé.
Je me pose la question de savoir pourquoi depuis fort longtemps, de manière informelle, et je vais tenter ce soir de poser les jalons de ma réflexion, et de mes constats.
Le pouvoir est une perversion de la puissance que l’on trouve dans toutes les organisations sociales animales, je m’en tiendrai aux mammifères, n’étant pas spécialiste en la question. Cette puissance originelle semble nous indiquer que dans chaque groupe constitué, au hasard des familles, des rencontres, des regroupements, il y a besoin d’une entité coordinatrice, de protection et de cohésion. Nulle part ailleurs que chez l’homme cette fonction ne dérape vers l’exploitation de l’autre, l’arbitraire des inégalités jusqu’à la négation de certains au profit des privilèges de quelques autres.
Si l’on s’en tient à l’organisation primitive, y compris chez les humains, on voit bien qu’un équilibre est essentiel pour faire face aux assauts, que ce soit de rivaux, d’ennemis ou bien d’éléments naturels, pénurie ou surabondance, dans la quête de nourriture et du minimum vital.
La création des sociétés et civilisations humaines, toutes se sont faites sur des guerres, des pillages, des génocides, et toutes se sont éloignées du schéma primitif. Mais le constat est là : le rassemblement par la force d’une multitude de gens s’est fait grâce ou à cause d’une perversion de la puissance. Il ne faut pas réfléchir bien longtemps pour se rendre compte qu’aucun être humain n’est apte à rassembler, faire cohésion et protéger des millions d’individus. Aussi je suis bien convaincue que la création de sociétés, de civilisations, est la conséquence de pathologies,- j’aime bien parler de pathologies car rien ne nous obligeait à sortir de notre nature d’Homme ( à moins que nous ne le soyons devenus qu’à cause de ces pathologies), et l’appropriation violente de manière frauduleuse ne nous obligeait pas à l’esclavage, l’exploitation, l’humiliation et toutes les violences que l’Homme a subies.
J’ai beaucoup observé la hiérarchie dans les troupeaux, et si elle saute aux yeux, saute aux yeux aussi que le dernier de la liste, bien sûr plus précaire et plus timide que le premier, n’en vit pas moins sa vie.
J’en parle d’autant plus à l’aise que je me place tout en bas de cette échelle-là, avec néanmoins cet atout humain qui me fait voir et comprendre les choses, mais j’aurais tout à fait apprécié d’être à cette place à condition qu’on me foute la paix. Ce qui bien entendu n’est pas le cas.
Pour en revenir au Peuple, ce peuple est donc cette masse immense de gens, de personnalités, d’individus, qui ne possèdent ni les qualités ni le désir d’avoir quelle place que ce soit dans la cohésion, la protection du groupe.
On le dit, on le lit souvent, vivre sa vie pépère est le souhait, bien simple et légitime, d’une multitude de gens ; dont je fais partie, je le répète.
Il faut dire que tout s’accélère et tout s’embrouille car il semblerait qu’aujourd’hui le moindre péquin rêve d’être « quelqu’un », entendez ce que vous voulez là dessous, moi je n’y vois que narcissisme dévoyé.
Pour faire une petite synthèse sur cette première partie, il semble abscons qu’une multitude veuille le pouvoir ( même la puissance ) puisque la puissance n’est qu’une qualité reconnue à certains pour faire cohésion, donc tout roule, ou que le pouvoir, cette perversion, n’est qu’une violence imposée forcément par quelques-uns sur le grand nombre ; en effet, si la puissance n’est pas reconnue comme naturelle, il faut la force pour l’imposer. Le peuple puissant, fort de son pouvoir, sur qui l’exercerait-il ? La minorité en a besoin, on comprend pourquoi, mais la majorité ? Et quand je dis majorité, je ne parle pas de chiffre de résultats d’élections, mais bien de la multitude face à une poignée d’individus.
Un tour d’horizon nous amènerait à comprendre que le pouvoir ne peut s’exercer que grâce à ses coopérateurs, ses collaborateurs, ses relais, qui ne le sont que par ambition servile, et oserais-je, par un petit quelque chose qui manque à leur dignité pour s'autoriser cette trahison, nous fait entrevoir que ceux-là sont plus nuisibles, plus nombreux et difficiles à combattre que les quelques-uns qui octroient les faveurs. Du reste on dit bien aujourd’hui que ceux qui semblent avoir le pouvoir ne sont que des relais. En jetant un petit coup d’œil autour de nous, on en voit plein, de ces collabos. C’est la situation qui fait l’individu ; un prolo élu député ne sera plus prolo, mais député ; certes il pourra voter contre des lois ineptes, mais, minoritaire, ne pourra pas grand-chose, et le péquin de base qui jalouse tout pognon, à gerber sur les députés, gerbera sur lui.
Le peuple, cette entité indéfinie et qui pourtant nous exprime quelque chose, existe encore en certaines contrées, là où l’on n’a pas balayé son histoire et où on n’en a pas dévoyé sa part la plus dynamique tout en abrutissant les autres. On peut, chez nous, croire encore à son histoire, à la France belle et rebelle, à sa révolution et à ses acquis à coups de bagarres sévères, qui dépassent nettement ceux des voisins, mais le fait est qu’on ne rencontre plus grand monde qui a conscience d’en faire partie. C’est évidemment dommageable pour qu’il puisse prendre le pouvoir ; quand on ne sait pas qui on est, on a déjà grand mal à tracer un chemin personnel. Et puis, on n’en voit jamais se comporter comme un d’un peuple rebelle, il se laisse fouiller avant d’entrer au concert ou pour faire un voyage, il se laisse dépouiller par les flics sans moufter mais râle, ah, pour râler, il râle ; mais oublie vite.
Un peuple qui n’a pas de valeurs personnelles qui s’opposeraient et seraient contraintes par le pouvoir imposé, n’a aucune chance d’émerger comme puissance ; à plus fortes raisons si ses valeurs sont celles du pouvoir imposé, mais que celui-ci l’empêche d’y accéder.
Alors, il faut bien comprendre que le quidam ordinaire n’a aucune envie ni talent de pouvoir, et que du coup, il sera facilement le suiveur, le soutien d’un qui s’y croit et se trouve dans les parages, ou plus probablement un qui s’en fout, ce qui diminue d’autant la possibilité d’un pouvoir partagé. Quant au pouvoir délégué, mais grand dieu, à qui ? Pas foutu de se mettre d’accord contre, alors pour !!
Le seul pouvoir possible pour sortir de cette mélasse délétère, c’est le pouvoir sur soi-même ; je te délègue volontiers le pouvoir que tes connaissances ou que ton habileté te donnent, je n’exige aucun pouvoir sur toi en retour, mais reste dans ta sphère de compétences. Et comme tout le monde a une sphère de compétences, d’habiletés, de connaissances, cette puissance devrait pouvoir s’échanger et se partager sans dommages.
Mais le pouvoir voulu comme une vengeance ou un renversement des rôles ne peut aboutir qu’à ce qu’on a déjà.
Je le redis, je ne comprends pas comment un peuple peut vouloir ou avoir le pouvoir sur quiconque hors soi-même.
C’est curieux, mais cela s’appelle l’anarchisme et c’est pourquoi, bien qu’ayant conscience de toutes les embûches, je ne vois pas d’autres solutions !
J’accepte très difficilement et seulement parce que j’y suis contrainte, le pouvoir d’une majorité, la plupart du temps incompétente, sous influence ou bien très égocentrée, et pourtant, c’est ce qu’on nous vend comme le régime le moins mauvais ; comment dit-on ? Le pire à l’exception de tous les autres. On nous bouche là très sérieusement notre horizon.
J’accepte que tu sois meilleur que moi en des tas de domaines, mais je n’accepte pas que tu me contraignes.
J’accepte de t’obéir quand tu organises et maîtrises une action, mais pas quand ce rôle t’est dévolu par je-ne-sais quelles manigances.
J’accepte de me plier voire me sacrifier pour quelque chose de plus grand que moi, mais pas pour tes petitesses.
J’accepte de te laisser les honneurs et les lumières des projecteurs, mais pas pour tes bassesses.
J’accepte que tu me laisses dans l’ombre, que tu m’ignores et fasses qu’on m’ignore, mais seulement si le travail, si le combat mené pour quelque chose de plus grand que nous a été gagné.
Et je souhaite qu’un jour ou l’autre tu n’aies plus besoin de ces pitoyables artifices pour être comblé.
Le pouvoir sur soi-même, il passe aussi par là, accepter nos différences, nos petits attachements à des futilités.
Donc, pour finir abrupt, je ne suis pas partante pour que l’exploité d’hier devienne l’exploiteur de demain, que l’humilié d’hier devienne l’humiliant de demain, que le violenté d’hier devienne le violent de demain.
Et je n’ai pas envie que le pouvoir change de mains car le pouvoir ne changera pas de nature. Il faut l’éradiquer, c’est tout.
Le pouvoir sur soi-même, c’est un contrôle, pas une violence qui nous mutile, pas un sacrifice inutile, c’est juste la position juste dans une situation juste.
Et en ce qui concerne la vengeance, je pense que ça se saurait si ça avait un effet ! Parce qu’elle n’est là que pour faire basculer le désir inhibé d’être… à la place de l’autre !
Pour moi, toi ou lui, c’est pareil !!
Qui que ce soit détienne le pouvoir, c’est le pouvoir ; pour se libérer de ses chaînes, il suffit juste de les rompre et accepter l’inconnu qui s’ensuit. Point n’est besoin de meurtre qui entache forcément la liberté, mais savoir que la liberté n’est pas la sécurité sans les chaînes. La liberté, c’est l’insécurité. Mais elle est aussi créativité. ...et nous revenons au point de départ… la masse n’est pas créative, elle a juste envie de vivre tranquille sans qu’on l’emmerde. Tout le contraire.
Cependant la tranquillité n’est pas une qualité donnée à tout le monde, il y a bien trop de gens qu’arguigner, dénoncer, médire, colporter mensonges et calomnies, nuire, comme des nuisibles ou des nuiseux, amuse ou nourrit. Beaucoup d’entre eux se contentent de bassesses et n’accepteraient aucune responsabilité, mais quelques-uns plus atteints adorent manipuler, s’accorder les faveurs d’autrui pour briller, croient-ils, même s’ils se contentent la plupart du temps d’un champ restreint.
Il existe des régimes politiques, des cultures où ces défauts-là ne sont pas encouragés, mais le nôtre nous y pousse parce que ce sont ceux-là qui ont été placés à la tête du pouvoir, modèles de réussite.
Il est tout à fait remarquable que la plupart de ceux qui s’engagent en politique occultent ces faits qui, à mes yeux en tout cas, sont de sacrés handicaps. Peut-être n’en ont-ils jamais été victimes et pensent-ils que c’est une simple vue de l’esprit, pourtant, cela pourrit la vie de ceux que la tranquillité, ou le désir de tranquillité habite.
Aussi, voir les choses telles qu’elles sont, la marge d’actions ou de manœuvres telle qu’elle est, me semble une qualité à acquérir, si l’on a véritablement désir d’améliorer notre sort.
Nous en sommes loin, convenez-en. Quand je vois la haine qui dégueule littéralement de chaque conviction, je m’apprends à poser ma tranquillité-survie dans le recul, l’éloignement. Cet éloignement que je boudais comme une indifférence, j’en ferai mon espace vital.
Notre sort ne tient qu’en les décisions de la FED de monter ou pas ses taux d’intérêts ! Voyez, nous sommes bien peu de chose et je serais peut-être encline à me rassurer sur notre avenir si je voyais ça et là cette conscience prendre le cœur de mes concitoyens !
Pour finir sur du beau, j’ai pris l’exemple d’un prédateur, j’aurais pu donner l’image d’un troupeau !
http://hommelibre.blog.tdg.ch/archive/2010/12/28/la-societe-des-loups-le-loup-alpha.html
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