Le pouvoir d’achat, cheval de Troie de la droite
Après le sentiment d’insécurité et la peur du chômage, le pouvoir d’achat est le nouveau thème porteur du gouvernement.
Le sentiment d’insécurité avait permis d’instaurer loi sécuritaire sur loi sécuritaire : Perben I et II, loi sur la sécurité intérieure, modifications de la législation sur l’immigration, mesures antiterroristes. Toutes ces mesures ont conduit à limiter les libertés publiques.
La peur du chômage a été utilisée paradoxalement pour stigmatiser les chômeurs, accusés de ne pas faire d’efforts pour retrouver du travail, de se complaire dans un assistanat insupportable pour « la France qui se lève tôt » et pour revenir sur les 35 heures en clamant le « travailler plus pour gagner plus ».
La lutte pour le pouvoir d’achat est maintenant mise en avant par la droite.
D’un côté : travailler plus
C’est-à-dire en pratique, donner la possibilité aux employeurs de faire travailler plus.
C’est le premier levier. Si on travaille plus, on gagne plus, donc on a plus de pouvoir d’achat.
Nouvelle marotte de la droite, face à l’inflation réelle des prix des denrées alimentaires et du logement, mal compensée par quelques gains dans les nouvelles technologies, les mesures en faveur du pouvoir d’achat consistent essentiellement à déréglementer.
La remise en cause des 35 heures est presque complète après la loi TEPA de cet été complétée ces jours-ci par un nouveau projet de loi détricotant ce qui en restait encore, alors que la mesure du TEPA concernant les heures sups n’est toujours pas déployée faute de clarté du système, notamment pour les PME.
L’ouverture le dimanche est maintenant proposée, tandis que le contenu du contrat de travail est sur la sellette.
Les mesures votées ou en passe de l’être donnent plus de liberté aux employeurs pour allonger les journées et les semaines de travail, sans que les salariés puissent le refuser.
On entend parler de volontariat pour travailler le dimanche. Cette hypocrisie cache mal le fait qu’en pratique les salariés peuvent assez peu refuser les pressions des employeurs.
On entend parler d’heures supplémentaires. On a oublié que ce ne sont pas les salariés qui choisissent de faire des heures sups ou pas. C’est l’employeur qui décide et le salarié obéit.
Ainsi, ces mesures en faveur du « travailler plus » sont avant tout des mesures destinées à donner plus de latitude aux employeurs, qui pourront faire faire plus d’heures sups quand ils en auront besoin, pour un coût plus faible. Les exonérations de « charges » venant diminuer les recettes de l’Etat.
On oublie également de préciser que les éventuelles augmentations de salaire net se font au détriment des cotisations sociales et des impôts, ce qui creuse un peu plus les déficits. Mais comme les salariés ne tomberont pas moins malades et que les retraités veulent continuer à toucher des retraites tout comme les chômeurs leurs indemnités et les pauvres leurs aides sociales, il faudra certainement aux salariés redonner d’une main ce qu’ils auront reçu de l’autre.
D’un autre côté : les baisses des prix
C’est le second levier. A salaire net égal, il suffit d’acheter moins cher pour avoir plus de pouvoir d’achat. C’est pourquoi on entend parler de baisse des prix dans la distribution et de « low costs » (bas coût).
La baisse des prix dans la grande distribution est une arnaque : le passage à l’euro et les politiques tarifaires ont conduit à des augmentations sans commune mesure avec l’inflation moyenne des produits de première nécessité.
Aujourd’hui, on voudrait que ces prix stagnent ou baissent ? C’est se moquer du monde quand on est aux manettes depuis six ans.
Autre aspect de la grande distribution : les hard discount (gros rabais). Ces chaînes se sont fait une spécialité de fournir à pas cher des produits bas de gamme. Pas de marques, pas de choix. Du basique, mais pas cher.
On entend également parler de low cost. Un récent rapport du directeur de Poweo indique que
Certes. Si on a plus de choses achetées à bas coût, on a plus de pouvoir d’achat. Mais il faut comprendre avant d’où viennent ces bas coût.
Qui dit coût plus bas dit forcément compression des coûts : salaires, équipement, etc.
Dans les transports, le service est souvent plus spartiate et de nombreuses possibilités sont supprimées : pas de guichets, pas de bagages, pas de repas, une seule classe, etc. Les aéroports desservis sont également souvent les plus éloignés des centres.
Les salariés de ces compagnies sont moins payés et ne bénéficient pas des conditions des salariés des grandes compagnies. Ainsi, Transavia, compagnie bas coût d’Air France, emploie des salariés qui n’ont pas les avantages de ceux d’Air France.
De même, les salariés d’IdTGV pour
De même partout. Les salaires sont le premier poste sur lequel on peut gagner.
Concernant
La réussite des produits à bas coûts est un symptôme de la baisse du pouvoir d’achat, pas un remède.
Car travailler plus, c’est avant tout remettre en question la législation du travail.
Car acheter moins cher, c’est avant tout mettre la pression sur les fournisseurs et leurs salariés.
De plus en plus de salariés ont des conditions de travail qui ne leur permettent pas de tirer un revenu suffisant de leur activité. Un revenu suffisant pour se loger et manger. Pas pour acheter le dernier cri ou la dernière mode. Pas pour acheter un écran plat plus grand. Pas pour changer de voiture tous les ans. Pas pour aller écouter le dernier académicien étoile de l’année.
Plutôt que de déréguler encore le salariat, il est urgent au contraire de mettre le holà au précariat et à la flexibilité sans contrepartie. Il est urgent de mieux redistribuer la richesse produite. La part des salaires dans le PIB ne cesse de diminuer. Il serait intéressant de savoir pourquoi et d’y remédier. Réaffecter une plus grande part de la richesse produite vers les salaires serait plus utile que stigmatiser encore ceux qui travaillent.
Il faut aussi modifier les mentalités. Non, posséder plus que son voisin n’est pas un but dans la vie. Changer de téléphone portable tous les trois mois, de voiture tous les deux ans, de vêtement tous les mois n’a pas de sens. C’est seulement céder aux sirènes des publicitaires et de la pression sociale qu’ils exercent. Non, on n’est pas moins heureux dans des vêtements de l’an dernier, assis dans une voiture vieille de cinq ans à parler dans un téléphone portable vieux de dix-huit mois... Non, on ne vaut pas plus qu’un autre parce qu’on possède le dernier accessoire vu à la télé. La consommation n’est pas un but en soi.
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