Le presse-ail
En ces temps riches en événements ( brexit, fouteballe, décès de Saint Michel Rocard), j'ai l'audace de proposer un article pusillanime.
Je vais vous parler d'un accessoire ménager bien utile pour ceux que ne rebute pas la consommation de l'allium sativum sous sa forme crue.
Mais qu'on se rassure je vais essayer d'élever le débat et de transformer l'ustensile en question en une sorte de symbole.
Mais commençons par le début. L'ail (sous son nom latin allium sativum) est une plante potagère monocotylédone, dont les vertus médicinales ne sont plus à démontrer. Je laisse au lecteur le soin de googler pour rechercher ses propriétés lesquelles diffèrent selon que l'on consomme la plante crue ou cuite.
L'ail a également des vertus gustatives, mais qui ne font pas l'unanimité. J'appartiens au groupe des gens qui se délectent de ses gousses cuites ou crues. Mon épouse, à l'odorat particulièrement fin, me déconseille la consommation d'ail cru quand nous fréquentons la société, ce qui, avec l'âge devient de plus en plus rare.
Je ne dirai que quelques mots de l'ail cuit. Insérez quelques gousses dans la viande à rôtir (poulet, porc, etc.), mais n'oubliez pas de mettre quelques gousses entières, avec la peau, dans le jus de cuisson. L'intérieur devient fondant et c'est un vrai régal, il vous suffit de mastiquer le tout et de recracher la peau, généralement laissée intacte par la cuisson.
Nous allons maintenant nous consacrer à la préparation de l'ail cru. Vous pouvez ajouter les gousses entières pelées dans toutes sortes de marinades et de conserves comme les concombres et les cornichons, à la mode russe, avec des feuilles de raifort, des racines de persil des feuilles de cassis, et que sais-je encore. Vous pouvez également préparer les olives avec de l'ail en gousses entières.
Spécialisons encore notre propos. Je vais maintenant me concentrer sur le cas où, voulant utiliser l'ail cru en condiment, vous souhaitez disperser sa saveur sur l''ensemble d'un plat comme une vulgaire salade verte ou bien un plat de haricots verts, ou bien encore réaliser une sauce persillée pour manger des choses n'ayant naturellement ni goût ni saveur comme les escargots ou les grenouilles. Il vous faut alors fragmenter vos gousses. Le puriste travaille à la lame avec un couteau d'office aiguisé. Il faut un peu d'apprentissage et d'habileté pour découper une gousse en minuscules cubes en tranchant en 3D. Je sais comment faire, mais je n'ai pas l'intention de vous apprendre ici. Il existe pour les néophytes un ustensile ad hoc le plus souvent désigné sous le nom de 'presse-ail' ce qui indique clairement sa fonction : « transformer l'ail cru en une sorte de purée » que l'on peut étaler ou répandre dune façon ou d'une autre dans une préparation.
Cet instrument se trouve au rayon 'ménage' de toutes les grandes surfaces et en diverses variations. Il y a le style 'classique', le style 'design' pour les 'fashion victims'. Il y a du 'made in France' pour les nationalistes, et du 'made in China' pour les radins et les sans-dents. Tous les matériaux sont utilisés pour la fabrication, le plastique, l'acier inox ou nom, l'aluminium, etc. On trouve un peu tous les prix de 5 à 35 euros. Voir par exemple cette page.
J'en viens maintenant au but ultime de cet article : 90 % de ces accessoires ne fonctionnent pas ou du moins pas correctement avec des défauts rédhibitoires qui vous les feront jeter à la poubelle après quelques tentatives d'utilisation. Comment cela est-il possible ?
Voyons d'abord le principe de fonctionnement. La gousse d'ail est enfermée dans une cage, une sorte de cylindre, dont le fond est une grille perforée. Un piston vient par dessus exercer une pression sur la gousse et la forcer à passer à travers la grille, le principe est donc ultra-simple, la plupart des hachoirs à viande ne fonctionnent pas autrement.
Voyons maintenant tout ce qui peut clocher dans un dispositif aussi simple. A la différence d'un hachoir classique la presse est réalisée par un simple levier, ce qui fait que l'outil ressemble grosso-modo à une pince ou à un casse noix. Ainsi il est difficile pour le piston de pousser dans l'axe. Le piston se présente donc de travers (avec un angle) ce qui rend un usinage précis difficile. Ainsi le défaut d'étanchéité entre la cage et le piston fera qu'une bonne partie de la gousse va refuser de se laisser pousser vers le bas et va au contraire remonter le long des parois de la cage. C'est le défaut majeur de tous les modèles pour lesquels (par souci d'économie) le piston n'est pas articulé et ne peut donc ajuster sa course avec l'axe du cylindre dans lequel il évolue.
Cela dit, tous ceux qui s'y sont essayés savent que pour écraser une gousse d'ail une forte pression est requise. C'est spécialement vrai pour les sujets âgés qui commencent à sécher, à germer et à devenir élastiques contrairement au sujets jeunes qui sont tendres et juteux.
Il faut donc bannir tous les modèles dont les manches sont en pastique. Sous la pression le manche se plie, voire se casse et notre gousse reste intacte.
Rarement la taille du cylindre est adéquate. Ce qui vous oblige à découper au couteau préalablement les gousses de taille honorable.
Nous en venons maintenant à la grille elle-même. Si elle n'est pas assez coupante, la gousse ne passera pas facilement au travers, nous aurons donc plutôt un extracteur de jus qu'un hachoir. C'est le cas des modèles en plastique et en fonte d'alu qui sont généralement coulés (moulés) et pour lesquels un usinage précis de la grille n'est pas possible. Seule une grille en acier sera suffisamment tranchante pour venir à bout des sujets les plus âgés.
Signalons qu'une gousse d'ail, même épluchée correctement conserve une peau assez dure (et quelquefois un germe) et c'est justement cela qui obstrue les trous de la grille et interrompt le fonctionnement normal de l'opération par encrassement prématuré.
Quand l'opération est terminée vous avez à faire un bilan. Quel pourcentage de la gousse a réellement été pressé, et quel pourcentage reste coincé soit contre les parois soit dans la grille ? Ce qui n'est pas passé est perdu, mais doit en plus être nettoyé. Certains appareils se distinguent par un nettoyage facile en désolidarisant le cylindre du reste de l'appareil. D'autres prévoient un poussoir passant à travers les trous de la grille et éjectant, du moins en théorie, les restes. Rares sont les systèmes qui dans ce domaine encore, tiennent leurs promesses.
Bref un presse-ail de qualité c'est une chose rare, extrêmement rare. Si vous êtes l'heureux possesseur d'une telle merveille, n'en dites rien à personne. Pressez dans le plus grand secret. Faute de quoi, tôt ou tard on vous empruntera votre merveille et vous ne la reverrez plus.
Comme je le dis plus haut, ce presse-ail est un symbole. J'aurais pu écrire un article sur les tire-bouchons, les casse-noix, les dénoyauteurs, les hachoirs de toutes sortes, les râpes, les presse-agrumes, etc.
Bon, je sais que pour ce genre d'articles il y a des magazines spécialisés, des associations compétentes (60 millions de consommateurs, Que choisir ?, etc.) Mais en fait tout cela existe depuis bien longtemps et le pourcentage d'articles méritant directement la poubelle ne diminue guère.
Ne faudrait-il pas dans le cadre d'une vraie politique verte, qu'un Institut de la Consommation délivre une autorisation de mise sur le marché, avant d'autoriser l'importation de toute cette camelote ?
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