Le Prestige ou le plus grand détournement de fonds de l’histoire Fin
Le Prestige
Dans mon précédent article « Covid-19 : Petit manuel d’ingénierie de la peur », je concluais que ce nouveau virus était « la cerise sur le gâteau, le couronnement inespéré de l’édifice de la peur, le prétexte pour parachever le système de surveillance et de répression de la pensée, donner un nouveau tour de vis aux ‘’politiques d’austérités’’, justifier le plus vaste détournement de fonds de l’histoire de l’humanité au profit des grands détenteurs du capital et de leurs obligés (via les masses astronomiques de fausse monnaie en train d’être injectées dans les circuits financiers – comme dans un bon tour de magie, ‘’détourner l’attention’’ est ici le truc) ». Je voudrais revenir dans cet article sur cette dernière idée, ce gigantesque tour de passe-passe qu’est en train de réaliser l’élite financière devant un public stupéfait par la pseudo-crise du Coronavirus.
Comme l’explique Michael Caine dans Le Prestige de Christopher Nolan, chaque tour de magie comporte trois actes. Le premier s'appelle la Promesse : « le magicien vous présente quelque chose d'ordinaire, vous invitant à l'examiner afin que vous constatiez qu'il est en effet réel, intact, normal ». Le deuxième acte s'appelle le Tour : le magicien fait disparaître cette chose ordinaire devant vos yeux. « Alors vous cherchez le secret. Mais vous ne le trouvez pas parce que bien entendu vous ne regardez pas attentivement. Vous n'avez pas vraiment envie de savoir. Vous avez envie d'être dupé. Mais vous ne pouvez pas vous résoudre à applaudir parce que faire disparaitre quelque chose est insuffisant encore faut-il le faire revenir. » C'est pourquoi, dans chaque tour de magie, « il existe un troisième acte. Le plus difficile. Celui que l'on nomme le Prestige ». Celui où ce qu’on croyait disparu va réapparaître, à un autre endroit, devant l’assistance sidérée.
La Promesse, c’est notre liberté, notre patrimoine, notre dignité. Le Tour, c’est la disparition de notre liberté avec le confinement, la disparition de notre patrimoine avec la crise économique et financière, la disparition de notre dignité avec le chômage et l’assistanat généralisé qui en découleront. Le Prestige, c’est que tout cela ne s’est pas évaporé par magie mais va réapparaître ailleurs, sous nos applaudissements…
Le grand Music-Hall de l’économie capitaliste
A l’origine, le Capitalisme était une fête. La Révolution industrielle et l’éclairage féérique des villes par l’électricité, la voiture et puis l’avion, le gramophone et le cinéma. Belle Epoque, Années Folles, Roaring Twenties et Trente Glorieuses, l’humanité marchait d’un même pas enthousiaste sur le chemin du Progrès sans fin, vers un avenir radieux de consommation et de loisir. Bien sûr cette fête foraine globale avait ses coulisses, son envers du décor : les conditions de vie révoltantes de la classe ouvrière, l’exploitation coloniale, la pollution de l’environnement (du fog londonien au mercure de Minamata). Elle avait aussi ses pannes et ses emballements, les « paniques » cycliques du XIXème siècle (une tous les 6 ou 7 ans en moyenne), la Grande Dépression des années 30, et puis les deux guerres mondiales déclenchées par la rivalité inexpiable entre grandes puissances industrielles… Mais tout ceci n’était que regrettables contretemps, accidents de parcours, frayeurs passagère et bien vite oubliées sur les montagnes russes de la « destruction créatrice » schumpétérienne. Les rescapés se replongeaient bientôt avec délice dans l’euphorie des envolées boursières, de l’équipement en électroménagers (« Moulinex libère la femme »), de la libération hédoniste des mœurs (Sex, Drug and Rock-n-Roll). En haut des gratte-ciels, les grands Imprésarios de la Fête, les détenteurs du Capital, continuaient de s’enrichir exponentiellement, accumulant un patrimoine toujours plus somptueux par la magie du « taux de profit » et de l’ « accumulation ».
Pourtant, petit à petit, la Fête a commencé à s’essouffler. Pour maintenir le show de la croissance perpétuelle, il fallait engloutir des quantités de plus en plus gargantuesques d’énergie, de l’huile de baleine au pétrole d’Arabie, jusqu’au jour où le litre supplémentaire de combustible est devenu trop cher pour éclairer une scène plus grande. Consommer des stocks de matières premières de plus en plus pantagruéliques, eau douce, bois précieux, métaux et terres rares. Mettre au travail des masses de plus en plus aliénées de « capital humain » - les femmes d’abord, et puis les populations du Tiers Monde, chez eux (colonialisme et « mondialisation » par les sweat-shops) comme chez nous (« délocalisation interne » par l’immigration). La grande Fête capitaliste, comme un soleil en fin de vie, s’enflait démesurément, débordait désormais du chapiteau, elle se diffusait dans les rues, à l’intérieur des foyers, dans les villages les plus reculés de Lozère et d’Afrique ; l’espace public se privatisait à force de branding et de « partenariats », la « globalisation » transformait les pays en « voie de développement » en réservoirs de consommateurs, les « réformes sociétales » marchandisaient les aspects les plus intimes de l’existence - charité envers les pauvres, soin des anciens, maternité et fin de vie. La Fête était désormais devenue obligatoire, personne ne pouvait y échapper, nulle part, jamais.
Mais le cœur n’y était plus. Le courant faiblissait, la musique menaçait de s’arrêter, de plus en plus de spectateurs se réveillaient avec la gueule de bois. Les grands Capitalistes eux-mêmes ont commencé à s’inquiéter : leur taux de profit diminuait, ils s’enrichissaient moins, de moins en moins vite ! Comment expliquer cela, se demandèrent-ils ? La « baisse tendancielle du taux de profit » prophétisée par Karl Marx ? Le ralentissement de la croissance démographique occidentale, la saturation du taux d’équipement des ménages (comment augmenter encore la production industrielle quand tout le monde a déjà une voiture, une télévision et un frigo) ? La loi malthusienne de la « limite écologique » (comment concevoir une croissance exponentielle infinie dans un monde fini) ? Le Capitalisme prospérait tant que le gâteau économique s’agrandissait. Les Capitalistes s’enrichissaient toujours davantage, mais les classes laborieuses en profitaient aussi : ce n’étaient que quelques miettes, mais c’était toujours ça de plus, et le plus humble des ouvriers s’épuisait à la chaîne avec la conviction que ses enfants auraient une meilleure vie que lui. Le jour où le gâteau a cessé de croître, qu’il a même commencé à se réduire, le bal s’est terminé.
Du Prestidigitateur au Pickpocket
« Greed is Good », prêche le broker Gordon Gekko dans Wall Street d’Oliver Stone. L’avidité sans borne est le moteur psychologique du Capitalisme, l’obsession de l’enrichissement sans limite. Cette avidité a servi d’aiguillon au formidable développement matériel de la civilisation occidentale, à partir de la Révolution industrielle du XIXe siècle, à une époque où l’on pensait encore que les « vices privés » favorisaient la « vertu publique », pour reprendre l’allégorie de Mandeville. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’avidité des détenteurs du Capital n’est plus le moteur d’une économie vertueuse, propice au bien commun, mais d’un bolide sans freins fonçant vers le précipice. Non seulement les Capitalistes ne peuvent-ils admettre de devenir moins riches, mais encore ne peuvent-ils même concevoir de s’enrichir moins vite. Ils n’ont dès lors plus le choix : pour continuer d’accroître leurs gains, d’augmenter leurs profits, il leur faut prélever sur la part de gâteau qui revenait aux Travailleurs. Il faut, littéralement, faire les poches au public - les classes moyennes et populaires. Mais il faut le faire discrètement, sans que personne ne s’en aperçoive. Les grands Imprésarios du Capital vont transformer le cabaret en cirque, la danseuse de French Cancan en prestidigitateur ; ils vont méticuleusement mettre en scène, à une échelle encore jamais vue, le plus universel des tours de magie : faire disparaître un objet (de la poche d’un Travailleur) pour le faire réapparaître ailleurs (dans celle d’un Capitaliste).
La première version de ce tour était encore assez rudimentaire, du travail d’amateur : d’un côté baisser l’impôt des plus riches (directement ou indirectement, via les « niches fiscales » et les paradis offshores du Delaware et du Luxembourg), de l’autre côté supprimer tout ce qui les empêchaient encore de maximiser leurs profits, au prétexte de « libérer les freins de la croissance ». Le tour de magie s’appelait « Contre-révolution libérale », il s’appelait « Dérégulation », et il nous était présenté dans les années 80 par des Monsieur Loyal aux noms de Reagan, de Thatcher ou de Laurent Fabius. Bien entendu ce tour était coûteux, il déséquilibrait les finances publiques, il creusait les déficits budgétaires ; il fallait rogner sur le confort de l’assistance, les conditions d’accueil, on demandait même aux spectateurs d’apporter eux-mêmes leur fauteuil et leurs confiseries, mais un Monsieur Loyal appelait cela « Réformes structurelles » (bradage des industries nationales et des services publics au secteur privé), il l’appelait « Flexibilisation du travail » (baisse des salaires, précarisation, überisation de l’économie), il l’appelait « Politiques de rigueur » ou « Mesures d’austérité » (réduction de la protection sociale des Travailleurs, baisse de la qualité de l’hôpital public ou de l’éducation nationale) - et le tour était joué, le public applaudissait, persuadé que c’était pour son propre bien qu’il faisait tous ces sacrifices.
Pour parvenir à ce résultat, les Imprésarios du grand cirque capitaliste ont commencé à soudoyer les édiles politiques, ils les ont corrompus pour pouvoir continuer à jouer leur tour sur la place publique au lieu d’aller en prison. L’ère du Néolibéralisme est aussi celle du « capitalisme de connivence » (crony capitalism), dans lequel les milieux financiers dictent leurs réformes aux représentants du peuple, réduits au rôle de vulgaires ventriloques (lobbying américain a priori pendant les campagnes électorales, lobbying européens a posteriori à la Commission de Bruxelles) - ou bien s’emparent carrément des manettes du pouvoir, comme en France avec le banquier Macron ou aux Etats-Unis avec le milliardaire Trump. Les inégalités, un temps réduites par la Grande dépression des années 30 et la reconstruction post-WWII, repartirent à la hausse en même temps que les taux de profits, retrouvant bientôt leurs niveaux de l’époque où Karl Marx écrivait Le Capital…
La Grande Illusion de la création monétaire
Ce premier tour de magie néolibéral était toutefois encore assez rudimentaire, les ficelles trop apparentes ; le public se rendait compte trop facilement du truc, ne voulait pas payer plus, demandait même à être remboursé. Il fallait passer à la vitesse supérieure, tout faire en plus grand, démultiplier l’effet de manche, passer d’Houdini à David Copperfield – le tout en opérant plus subtilement, en coulisse, derrière le rideau rouge. Les grands Imprésarios du Capital eurent alors une idée de génie : s’ils faisaient déjà payer tout ce qu’ils pouvaient aux Travailleurs, il leur restait encore à faire payer d’avance leurs enfants et leurs petits-enfants. « Achète ton billet à crédit, camarade ! Tu me paieras plus tard ! », voilà ce que proposèrent les guichetiers du grand cirque capitaliste, sous les hourras de la foule trop heureuse que la Fête continue quand même. Et la Fête repris, plus folle, plus exubérante, plus dispendieuse que jamais – la Fête permanente et sans limite de la croissance par l’endettement, qui permet aux Occidentaux de consommer encore plus alors mêmes qu’ils sont ruinés - une deuxième voiture, un troisième poste de télévision, un nouveau smartphone chaque année, une boulimie consumériste alimentant comme un feu de joie les bénéfices de plus en plus extravagants versés aux actionnaires…
Le tour, désormais bien rodé, atteignit des summums de raffinement et de cynisme lorsqu’on fit directement s’endetter les Etats auprès des banques privées - après leur avoir opportunément interdit de se financer sans coût auprès de leur banque centrale, et avoir autorisé tout aussi opportunément les banquiers à prêter de l’argent qu’ils n’avaient pas. Une vraie prouesse de cartomage : première carte, faire réduire l’impôt des plus riches par des politiciens corrompus, déséquilibrant leurs budgets publics ; deuxième carte, en tirer prétexte pour brader le patrimoine national, réduire les prestations sociales et emprunter pour financer les déficits publics ; troisième carte, payer des loyers, « péages » et autres intérêts de plus en plus usuraires aux détenteurs du Capital, aggravant encore les déficits publics, justifiant encore davantage de « rigueur » au détriment des Travailleurs, encore plus d’endettement auprès des Capitalistes, encore et toujours plus d’intérêts. La jonglerie capitaliste entraîne la Fête dans une folle sarabande, un cercle vicieux, un effet boule de neige au travers duquel une part de plus en plus importante des recettes fiscales, présentes et futures, sont détournées au profit du système financier, désormais investi du privilège exorbitant de prélever du vrai argent en prêtant de la fausse monnaie – de la « monnaie magique », disent justement les Européens, quand les Américains, peut-être moins dupes, parlent de « funny money »…
Le plus grand tour de passe-passe de l’Histoire
Mais les Imprésarios capitalistes vont encore perfectionner leur scénographie, mettant soigneusement au point ce qui restera à tout jamais leur chef-d’œuvre, le plus grand tour de passe-passe de l’histoire de l’humanité. Injecter leur fausse monnaie dans l’économie réelle, via l’endettement, n’était pas encore tout à fait efficace. Cette monnaie de singe venait certes encore accroître leur patrimoine, via la rémunération des fonds propres et les intérêts de la dette, mais une autre partie, même réduite à peau de chagrin, profitait quand même encore aux Travailleurs, leur permettant de maintenir un niveau de vie minimum en continuant à profiter de la Fête. Et puis la monnaie créée par la dette restait provisoire, chimérique, elle était vouée à disparaître au moment de son remboursement – et il ne restait de ce beau rêve chrématistique que le gain limité des intérêts prélevés sur la classe laborieuse. Mais pourquoi se compliquer ainsi la vie, se demandèrent les Capitalistes ? Pourquoi se brider de la sorte ? Pourquoi ne pas se mettre directement toute cette fausse monnaie dans la poche, de façon définitive, et sans passer par l’étape inefficace de l’ « économie réelle », avec ces « pertes en ligne » que constitue la rémunération des Travailleurs ? Désormais libérées des contraintes de la production réelle de biens ou de services, et une fois supprimée, comme on brûle ses vaisseaux, la convertibilité de la monnaie en or, la création monétaire ne connaîtra plus aucune limite : il suffit, littéralement, aux Capitalistes de taper sur une simple touche de clavier pour faire monter le prix de leurs actifs et voir leur richesse décupler en temps réel. On mesurait jadis la fortune de l’homme le plus riche du monde en milliards de dollars (le bon vieux temps des Rockefeller, Carnegie et Henry Ford), puis en dizaines de milliards de dollars (les tycoons japonais des années 80, ceux de la Silicone Valley des années 90 et 2000) : on en est maintenant à la centaine de milliards de dollars (Jeff Bezos, Bill Gates et quelques autres), et la comète continue de monter, pointée vers l’espace abstrait des trillions, des quadrillons, des décillions, et pourquoi pas, un jour, du premier gogollion (un 1 suivi de 100 zéros)…
Comment se passe le tour en coulisse ? Un palais des glaces vertigineux, une machinerie hallucinante et cabalistique, un enchevêtrement d’engrenages, de tuyauteries, de câblages électriques aux noms mystérieux de « finance dérivée », de swaps, de futures, aux acronymes cryptiques d’ABS, de CDS, d’OTC et de LMBO – un gigantesque organisme cybernétique irrigué par le trading haute fréquence, opéré aux quatre coins du monde par un petit cercle d’initiés aux noms tout droit sortis du bal masqué d’Eyes Wide Shut – les Ours et les Taureaux (bearish / bullish), les Colombes et les Faucons (dovish / hawkish)… Une machine parfaite, disposant de ses propres mécanismes de régulation pour contrôler les surcharges et les emballements – lorsqu’une « bulle » se forme et éclate, comme en 2001 (« Dot.com bubble »), en 2008 (« Bulle du crédit immobilier ») ou en 2020 (« Everything bubble »), l’armée servile des banquiers centraux vient immédiatement éteindre l’incendie, remettre de l’huile dans le moteur, rebrancher les disjoncteurs, permettant aux Capitalistes, de QE en bailout, de taux d’intérêt négatifs en « politiques non-conventionnelle », de continuer à s’enrichir toujours davantage dans le grand casino de la finance, sans jamais prendre le moindre risque - cet « aléa moral » (« profit privé, pertes publiques ») constituant désormais la meilleure définition du système néolibéral…
Mais quel est le véritable truc, au final, si l’on ne croit pas que la magie existe vraiment ? D’où vient toute cette richesse, apparue comme un lapin au fond du chapeau bancaire ? En apparence, la création ex-nihilo d’une monnaie permanente, si elle enrichit les Capitalistes, n’appauvrit pas les Travailleurs comme le font la taxation et l’endettement. Serait-ce le tour parfait, la découverte du mouvement perpétuel, la réaction alchimique changeant le plomb en or ? C’est là pourtant, au cœur de l’incrédulité, que se dissimule l’entourloupe, le plus grand tour de passe-passe de l’histoire. « Rien ne se perd, rien ne se crée », énoncent les thermodynamiciens. Un objet ne disparaît pas quelque part sans réapparaître ailleurs, disent les magiciens, ce qui revient à dire : un objet n’apparaît pas quelque part sans avoir disparu préalablement ailleurs. « C’est un jeu à somme nulle », explique Gordon Gekko : « Quelqu’un gagne, quelqu’un perd. L’argent ne se détruit pas plus qu’il ne se crée, il se transfère - comme par magie ».
La magie de la création monétaire, le « Prestige » de ce gigantesque tour de prestidigitation, c’est l’inflation - non pas la hausse des prix, mystérieuse dérive de l’économie dont personne n’est capable d’expliquer la logique, mais la perte de valeur de la monnaie, l’érosion de son pouvoir d’achat. Chaque nouvelle émission des faux-monnayeurs capitalistes dilue d’autant la valeur de la monnaie existante, jusqu’à ce que celle-ci ne vaille plus rien (comme cela est arrivé à toutes les monnaies de papier de l’Histoire, de la Chine des Song au papiermark allemand en passant par les billets de John Law, et comme cela arrivera bientôt au Dollar américain – qui a perdu 99% de son pouvoir d’achat depuis 1913 – et à l’Euro – dont la valeur en or a déjà baissé de 80% en à peine 20 ans). Mais parce que cette nouvelle monnaie leur bénéficie exclusivement, les faux-monnayeurs se retrouvent malgré tout plus riches qu’initialement. Le truc, tout simplement, c’est l’ « Effet Cantillon » : chaque billet virtuel que les Maîtres de la monnaie se mettent dans la poche diminue d’autant ce que nous pouvons nous payer avec nos propres billets, augmentant encore davantage les inégalités (supposons un pays où 10% de Capitalistes possèdent 50% de la richesse. Supposons que les Capitalistes doublent la masse monétaire et empochent ces nouveaux billets de Monopoly : les prix seront multipliés par 2, réduisant de moitié le pouvoir d’achat des Travailleurs ; mais les Capitalistes auront, eux, 3 fois plus de monnaie, de telle sorte que leur pouvoir d’achat aura augmenté de 50%. Alors qu’ils étaient 9 fois plus riches que les Travailleurs, ils le seront désormais 27 fois plus…). La création monétaire n’est qu’une vulgaire escroquerie, un vol de pouvoir d’achat, un transfert de richesse invisible des classes moyennes et modestes vers les plus riches, des Travailleurs vers les Capitalistes, de l’économie réelle vers la finance, de Main Street vers Wall Street…
Mais le public, trop heureux d’être ainsi bluffé, applaudit à tout rompre. Il s’émerveille de cette richesse nouvelle et sans précédente des détenteurs du Capital, leurs résidences de plus en plus luxueuses, leurs yachts de plus en plus extravagants, les hamburgers en or qu’ils se font ostensiblement servir dans les restaurants hype de Manhattan. Pendant que le Magicien opère son tour de passe-passe, l’assistance regarde ailleurs : elle s’ébahit des prouesses des autres artistes, les acrobates et funambules du sport, les clowns et les mimes d’Hollywood, les lanceurs de couteaux du Pentagone projetant la Démocratie à l’autre bout du monde ; elle lorgne les courbes voluptueuses des assistantes sur le devant de la scène, toutes ces starlettes éphémères, ces instagrammeuses, ces « influenceuses » virtuelles placées sous les feux de la rampe pour détourner l’attention d’un public qui ne se rend même plus compte qu’on lui fait les poches… Là-haut, dans leurs gratte-ciels, les Imprésarios du capitalisme peuvent se congratuler, sabrer le champagne : leur revue est un triomphe, le braquage une réussite totale, ils viennent de réaliser le plus grand détournement de fond de l’histoire criminelle et personne n’a rien vu, et tout le monde en redemande…
Du tour de passe-passe à la prise d’otage
Ce tour de magie pouvait-il durer éternellement ? Les Capitalistes pouvaient-ils continuer de prélever ainsi en douce leur pouvoir d’achat dans la poche des Travailleurs ? Car lorsque le public ressort du chapiteau et veut rentrer chez lui, les yeux brillants de rêve, il s’aperçoit qu’il n’a plus rien dans son portefeuille, qu’il ne lui reste même plus de quoi vivre décemment. Moins de bonne viande, moins de vacances, moins de cadeaux de Noël pour ses enfants, tandis que les Capitalistes continuent d’étaler leur train de vie indécent ? La magie n’opère plus, le quiproquo se dissipe, les Travailleurs ne veulent plus revenir à cette mauvaise séance d’hypnotisme collectif dont ils ressortent chaque fois plumés. Alors on crie à l’escroc, au charlatan, à être remboursé de son ticket. Mais pour les Imprésarios du capitalisme, the Show must go on, et à n’importe quel prix. Ce prix, c’est la violence. Ce prix, c’est la prise de contrôle totale, l’encerclement du chapiteau par les forces armées. Ce prix, c’est l’interdiction faite au public de quitter la salle – c’est la prise d’otage pure et simple.
Là encore, les Capitalistes s’efforcent de masquer leur jeu, de maintenir l’illusion. Dehors c’est devenu dangereux, nous annoncent-ils entre deux tours, il faut rester sous la tente, bien à l’abri, protégés par leurs malabars et leurs briseurs de chaîne. Le climat se réchauffe catastrophiquement, les terroristes rodent depuis le 11 Septembre, un dictateur russe complote pour nous « subvertir », des pandémies mortelles couvent en Extrême-Orient. La grande Fête libertaire du Capitalisme se transforme en train-fantôme sécuritaire : tremblez, cher public, le monde est anxiogène, mais nous sommes là pour vous protéger, restez sagement assis à votre place pendant que le spectacle continue. Le mystère n’est plus là pour émerveiller, il est là pour inquiéter, pour faire peur, pour angoisser ; ce n’est plus de l’enchantement mais du Vaudou, de la basse magie noire. Mais cela fonctionne, et c’est tout ce qui compte pour les Imprésarios du capitalisme. Monsieur Loyal passe dans la salle faire la quête, c’est désormais de son plein gré que le public se dépouille du peu qui lui reste, de ses quelques deniers, de ses dernières libertés, de son fond de dignité : la sécurité est à ce prix pour que la représentation continue. Le Magicien est devenu Big Brother : ce n’est plus P.T. Barnum qui ouvre la revue mais le Général Pinochet, aussi brutal que business-friendly. Et lorsque quelques spectateurs, ayant ouvert les yeux, veulent se lever et quitter quand même la salle, on les oblige à rester assis, un pistolet sur la tempe, au nom de l’ « Union républicaine » et de la « Lutte contre la Haine »…
Pourtant la Machine s’enraye. A force de prophétiser l’Apocalypse nous arrive un véritable fléau, au nom cyborg de « Covid-19 ». Ce nouveau virus-Terminator n’est pourtant pas si dangereux que ça pour l’Homme ; mais il est terrible pour le Capitalisme. C’est comme une belle pluie d’été qui ne nous mouille que désagréablement, mais fait partout sauter les plombs. La musique s’arrête, les lumières s’éteignent ; nous sommes, quelques instants, plongés dans le noir, redécouvrant le silence et la beauté de la voute céleste. En coulisse les ingénieurs du Capitalisme s’activent déjà, s’affairent autour de la Machine, tentent de colmater les brèches, de réparer les fuites, de remettre le courant – mais plus personne ne comprend rien, plus personne ne maîtrise le système, plus personne ne sait comment ça marche, comment regonfler la bulle, comment rouvrir les « trappes à liquidité » dans lesquelles disparaissent désormais les tombereaux de fausse monnaie qu’ils continuent pourtant d’y déverser.
De l’autre côté du rideau le public gronde, le public rit, jette des tomates à Monsieur Loyal, soulagé d’avoir enfin compris l’astuce ; il refuse de payer d’avance le prochain spectacle alors que le Grand chapiteau commence déjà à s’écrouler ; il se lève et commence à quitter la salle, submergeant sous le nombre les derniers ouvreurs du Capitalisme qui tentent encore de garder les sorties. Le fluide magique de la « monnaie fiduciaire », qui n’existait que parce que tout le monde y croyait, se dissipe dans l’atmosphère. Le Roi est nu, le maquillage coule sous la pluie, les Magiciens du capitalisme apparaissent pour ce qu’ils sont, de vulgaires pickpockets. Déjà le rideau tombe sur ce spectacle frauduleux, le grand-huit s’écroule, les palais de carton-pâte s’effondrent. Là-haut dans les gratte-ciels, les Imprésarios du capitalisme sentent les fondation trembler ; mais plus personne ne répond à leurs appels furieux, les domestiques ont rendu leur tablier et rejoint le plancher des vaches.
Dehors se lève un nouveau jour, le soleil brille d’un éclat doré…
Sortir de l’Illusion…
Quelques sources très recommandables pour se tenir au courant de l’actualité économiques et financière, accéder aux données-sources et comprendre ce qui se passe vraiment en coulisse, de l’autre côté du rideau rouge :
- Mike Maloney (en particulier pour sa passionnante websérie sur l’histoire de la monnaie, Hidden Secrets of Money)
- Zero Hedge (un site animé par une poignée d’insiders de Wall Street signant tous du pseudonyme de Tyler Durden, une mine d’informations introuvables ailleurs, ou alors bien plus tard et payantes…)
- L’économiste Peter Schiff, sans doute le plus féroce commentateur de la politique monétaire de la Fed
- Nos frenchies des Econoclastes parmi lesquels Olivier Delamarche, Philippe Béchade et Jacques Sapir – Olivier Berruyer étant depuis quelques temps davantage occupé à nous protéger de Didier Raoult que du Grand Capital
- « Grand Angle » de Richard Détente (qui y invite régulièrement Charles Gave)
Je précise que certaines de ces personnes proposent aussi des services de conseil financier ou de négoces de métaux précieux – je n’ai aucun lien d’intérêt avec eux, directement
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