Le problème de l’élite se nomme démocratie
Le problème de l’élite, qu’elle soit économique, intellectuelle, culturelle ou autre porte un nom : Démocratie. La démocratie est la loi du nombre et ils sont la minorité. Dans ces conditions, leur principale préoccupation consiste à trouver des moyens pour se maintenir au pouvoir en s’affranchissant du risque démocratique. Nul besoin d’innover, il n’existe que trois solutions : la division, la perfidie et la répression.
De la division
La division permet de fragmenter la société afin que le volume du groupe le plus menaçant reste en deçà de la masse critique nécessaire pour renverser le pouvoir réel. Si elles fonctionnent toujours, les ficelles de la division sont désormais bien identifiées : opposer ceux qui se lèvent tôt à ceux qui se lèvent tard, ceux qui vivent au crochet de la société aux autres, ceux qui roulent au diesel et fument des clopes aux citadins qui prennent les transports en commun, les gilets jaunes aux écharpes rouges, les gauchos aux fachos, les populistes aux bobos, les socialos aux libéraux, les profiteurs aux donateurs, etc... prétendre à l’exhaustivité en la matière serait présomptueux puisqu’il se crée de nouvelles divisions chaque semaine, en fonction des besoins. A peine les gilets jaunes sont-ils devenus menaçants que des écharpes rouges sont apparues. Et comme cela n’a pas suffi, toutes les divisions possibles au sein du mouvement ont été testées. Parallèlement, l’extension de la contestation a été contenue par sa diabolisation. Le mouvement a donc dû faire face à une double attaque : une attaque interne destinée à l’éclater et une attaque extérieure destinée à l’isoler.
L’absence totale de subtilité de la tentative d’isolement doit être soulignée car convoquer la bombe atomique des étiquettes, l’antisémitisme, pour discréditer un mouvement purement social ne fait que souligner à la fois la gravité de la situation mais aussi l’impasse dans laquelle se trouve l’élite. Si tous les coups sont permis à la guerre, il n’est néanmoins pas recommandé de gâcher trop tôt ses meilleures munitions, surtout sur des escarmouches. Bien entendu, l’action de diviser n’est possible qu’à la condition qu’elle reçoive toute la publicité nécessaire et, de ce point de vue, il convient de souligner l’action des médias qui remplissent parfaitement leur tâche de segmentation de la société, sous couvert de leur rôle de contrepouvoir subventionné par l’argent de ceux-là même qu’ils divisent, au profit de la minorité qui dirige. Bien ficelée, l’affaire est tellement rentable que les milliardaires, habituellement soucieux de la rentabilité de leurs investissements, se battent pour détenir des organes de presse structurellement déficitaires, du moins si on s’en tient à une approche au premier degré. D’ailleurs, cette affaire de degré de compréhension est l’un des leviers de la perfidie, nous y reviendrons.
Enfin, la segmentation permet de personnaliser le message et donc d’accroitre encore son efficacité. En incitant chaque groupe à évoluer dans une bulle culturelle, le pouvoir peut émettre un message taillé sur mesure. Ainsi, la presse d’extrême droite emploiera une rhétorique destinée à amplifier le rejet de l’altérité, la presse d’extrême gauche, à l’inverse, s’efforcera de promouvoir le vivre ensemble et de dénoncer le racisme de l’extrême droite, mais le but réel est que ces deux-là, même s’ils appartiennent à la même couche sociale, ne s’allient jamais pour constituer un groupe susceptible de dégager l’élite. En son temps, l’empire britannique ne s’est pas maintenu, face à des populations autochtones bien plus nombreuses, avec une autre méthode.
De la perfidie
La perfidie est d’une certaine façon la mère de la division, puisqu’elle orchestre son artificialité, mais elle recèle aussi bien d’autres possibilités. La première est la tromperie pure et simple qui consiste à se faire élire sur un programme et à en dérouler un autre, puisque la démocratie participative permet au peuple de se prononcer sur un individu et pas sur des idées.
L’aspect le plus visible de la perfidie, aujourd’hui, réside dans la monopolisation, il est même permis de parler de saturation, de l’espace médiatique, par l’élite, avec un discours biaisé qui maintient toute une frange de la population en état d’abêtissement. Le verrouillage des canaux de communication, qui réduit directement la liberté d’expression, est une réalité en France.
La méthode employée par le pouvoir manque cruellement d’imagination : elle consiste à ramener les problèmes multidimensionnels à une dimension qui va dans le sens de leurs intérêts, en abusant des corrélations, le plus souvent sans le moindre égard pour les causalités. Ainsi, face à un même problème, celui de la baisse du prix des logements dans une cité, l’extrême droite dira que c’est la faute des immigrés dans le quartier, la droite dira que c’est la faute de la réduction par la gauche des effectifs policiers, la gauche dira que c’est la faute du refus de la droite d’investir dans les quartiers, les écologistes diront que c’est la faute du remplacement des espaces verts par des immeubles, etc., comme s’il ne devait exister qu’une seule cause à un problème complexe. De la même façon, l’élite a tenté de discréditer les gilets jaunes parce qu’ils se dispersaient dans leurs revendications, comme s’il existait une réponse unique à un problème complexe.
Le président lui-même n’hésite pas à se complaire dans cet exercice, lorsqu’il déclare que le rétablissement de l’ISF n’apportera pas un euro supplémentaire à un seul « gilet jaune ». Le message est tellement biaisé, tellement manipulateur, qu’il en devient intéressant non pas tant par son contenu, totalement insignifiant, que par ce qu’il révèle de l’élite et des extrémités auxquelles elle est aujourd’hui acculée pour se maintenir.
Aujourd’hui, si le clivage politique principal se situe entre souverainistes et libéraux, l’équation n’est jamais présentée de la sorte par des médias dont le rôle devrait pourtant être de capter les évolutions de la société et d’en informer le public de façon aussi objective que possible, plutôt que de relayer les vaines tentatives d’un pouvoir aux abois de freiner toute évolution contraire à ses intérêts. Notons l’action constante de ces médias pour discréditer toute réelle opposition sur cette ligne de fracture. La palme en la matière revient incontestablement au Petit Journal qui fait tout son possible pour ridiculiser les vrais souverainistes, comme Dupont Aignan, systématiquement présenté sous un angle ridicule, ce qui lui fait perdre très certainement l’appui d’une jeunesse qui évolue souvent dans une bulle médiatique trop étroite pour bien distinguer tous les enjeux du contexte politique français. A ce titre, il convient de se souvenir d’une citation attribuée à Goebbels « Nous ne voulons pas convaincre les gens de nos idées, nous voulons réduire le vocabulaire de telle façon qu’ils ne puissent plus exprimer que nos idées ». La restriction du champ des idées accessibles à certains segments de la population poursuit, à un autre niveau, le même objectif.
De la répression
Le dernier levier de l’élite est la répression, qui contribue, avec les deux précédents, à l’asservissement des 99% par le 1%. La répression s’exerce via des relais et des fusibles. Les fusibles permettent de lâcher du leste lorsque la pression devient trop forte, pour tout changer afin que rien ne change et les relais sont au contact des asservis, pour instaurer un climat susceptible de dissuader les moins téméraires.
A l’extrémité du spectre de la violence, Daech crucifiait quelques villageois à l’entrée des villages afin de marquer les esprits, pour dissuader toute tentative de rébellion, ce qui lui permettait ensuite, avec des effectifs très limités, de lever impôts et de vivre sur un grand pied, au crochet de la société. En France, quelques crans en dessous sur le spectre de la terreur, les gardes à vue, fichages, gazages, éborgnages cherchent également à déclencher ce mécanisme de stupeur de nature à dissuader la contestation. Par ailleurs, les scènes que l’on a pu voir sur les réseaux sociaux français durant les manifestations des gilets jaunes présentent une analogie flagrante avec celles que l’on peut voir en Arabie saoudite où la police politique des Moutawah donne du bâton à ceux et surtout celles qui ne partagent pas leur conception de la liberté. Terrible échec au pays des Lumières que de voir des policiers, parfois grisés par leur pouvoir, battre des gens à coup de bâton.
Relais et fusibles ont en commun d’être d’extraction populaire et de bénéficier de conditions économiques très supérieures à ce qu’ils pourraient prétendre du fait de leur seul talent, ce qui assure leur infaillible fidélité à ceux qui peuvent décider de les déchoir, fidélité d’autant plus forte que la répression qu’ils auront orchestrée leur aura fait perdre tout appui populaire, toute légitimité, voire toute légalité. Les fusibles, qui servent de courroies de transmission entre les tenant réels du pouvoir et les relais des mécanismes d’asservissement, n’ont d’autre choix que d’aller jusqu’au bout car, en cas d’échec, ils savent qu’ils seront les victimes sacrificielles destinées à apaiser l’ire populaire, pour préparer la voie à leurs remplaçants qui reprendront la défense des intérêts de l’élite, toujours en place quant à elle, mais un cran en dessous.
Conclusion
En conclusion, il convient de ne pas se tromper d’ennemi, ni de confondre le pouvoir avec ses marionnettes. Celles-là sont sur une voie à sens unique, sans retour possible, et il est donc parfaitement vain de vouloir traiter avec elles. Il est également vain d’imaginer impressionner l’élite en menaçant ses représentants, qui ne sont jamais que des fusibles.
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