Le régime Sarkozy : de l’illégitimité à l’illégalité
Le régime Sarkozy a progressivement dérivé de la légalité et de la légitimité vers l’illégitimité. Depuis quelques mois, celui-ci donne maintenant dans l’illégalité. Or un régime politique qui associe illégitimité et illégalité n’est plus un régime de droit. Il serait donc temps d’y mettre un terme.
Dans un article passé (1), je rappelais les différences qui existent entre légalité et légitimité. Si la légalité est d’abord le caractère d’un acte ou d’un fait conforme à la loi, elle est aussi l’ensemble des règles juridiques applicables dans un pays donné à un moment donné. La légitimité, elle, est la qualité de ce qui est fondé en droit, en justice, ou en équité. La légitimité se fonde donc sur un consensus, sur une vision quasi universelle de valeurs morales et éthiques. Ne peut donc être considéré comme légitime ce qui est injuste. Or, écrivais-je, si certaines lois sont injustes, elles deviennent donc illégitimes. De nombreuses lois ou décisions injustes, votées par le régime Sarkozy, sont en conséquence illégitimes. Parmi celles-ci, on peut citer pêle-mêle la ratification du traité européen en dépit de l’avis référendaire du Peuple Français, les lois concernant l’aide aux « sans papiers » dans le besoin, la mise en place et le maintien du « bouclier fiscal », et plus récemment le traitement des « Roms » qui a valu à la France - pour la première fois de son histoire - des condamnations unanimes, fermes et sans équivoque de la commission européenne par le biais de son président et de sa vice présidente, peu suspect de gauchiste débridé, une mise en garde sévère de l’ONU, le tout combinée à une réprobation généralisée en provenance de nombreux pays d’Europe et des Etats-Unis. Cette liste n’est malheureusement pas limitative.
Dérive vers l’inconstitutionnalité chronique, et en conséquence vers l’illégalité
L’illégitimité des décisions évoquée, bien qu’insupportable aux plans humain et politique, était restée jusqu’à présent dans une certaine forme de légalité. On avait cependant assisté au cours de ces 3 années de régime Sarkozy à une dérive vers l’illégalité, que j’évoquais déjà dans un article vieux de bientôt deux ans (2). Deux éléments marquants doivent ainsi être rappelés. Tout d’abord, dans le cadre de la loi sur la rétention de sûreté, Mr. Sarkozy et Mme R. Dati ont tenté de faire appliquer de façon rétroactive des peines plus sévères aux criminels déjà condamnés, ce qui est, de par la constitution, tout simplement impossible. Cela a en conséquence motivé l’avis du conseil constitutionnel qui a censuré en grande partie ce projet (3). Cette décision est en accord avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui énonce dans son article 8 que « la Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. » Rappelons par ailleurs, que le président de la République a cherché à remettre en cause cette décision en saisissant le président de la cour de cassation de cette question. Depuis le régime de Vichy, seuls Mr. Sarkozy et son gouvernement ont tenté de rendre rétroactive une loi dont les conséquences risquaient d’aggraver des peines encourues.
Rappelons aussi que dès 2008, la question de la conformité à la constitution de la loi Hadopi avait été soulevée, et que celle-ci avait été censurée par le conseil constitutionnel en juin 2009. Le Conseil a en effet considéré qu’Internet était un « droit fondamental », ce qui par voie de conséquence rend toute coupure de l’accès au réseau mondial impossible sans l’intervention d’une autorité judiciaire. Le conseil a par ailleurs stipulé que les pouvoirs conférés à la Haute Autorité instituée par le projet de loi « pouvaient donc conduire à restreindre l’exercice, par toute personne, de son droit de s’exprimer et de communiquer librement », et que « dans ces conditions, le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les titulaires du droit d’auteur. Ces pouvoirs ne peuvent incomber qu’au juge ». On ne peut être plus clair en termes d’inconstitutionnalité !
L’ensemble des lois inconstitutionnelles du régime Sarkozy est détaillé dans deux intéressants articles de l’Expansion (3) et du Monde (4) que je ne saurais trop conseiller à nos lecteurs de lire ou de relire.
Pour terminer, car ce n’est toujours pas fini, le législatif, piloté en droite ligne par l’Elysée, a proposé une loi qui vise à déchoir les citoyens de leur nationalité, mais avec une géométrie variable, appliquant des peines différente aux Français selon lors origines. Selon le constitutionnaliste Guy Carcassonne, cette loi est tout simplement anticonstitutionnelle (5). Ce point de vue est également défendu par Maître Badinter (6), bon constitutionnaliste par ailleurs.
Enfin, l’atteinte suprême à la constitution réside dans le fait que Mr. Sarkozy, bien que garant de cette colonne vertébrale de nos institutions, ne la respecte pas en contradiction avec son article 5 qui indique précisément que « Le Président de la République veille au respect de la Constitution… ».
Le régime en pleine illégalité
Toute loi anticonstitutionnelle étant illégale, on voit bien que le régime Sarkozy s’est trouvé et se trouve toujours dans l’illégalité. Cette illégalité s’est révélée en pleine lumière très récemment à deux occasions au moins.
La première est la condamnation sans appel des propos racistes tenus par le ministre de l’intérieur, Mr. Hortefeux, par le tribunal correctionnel de Paris, sous les termes d’« injure envers un groupe de personnes en raison de leur origine » (7). Il est tout à fait étonnant de constater que ce ministre soit resté à son poste, et qu’il ne l’ait pas quitté de lui-même, ajoutant ainsi la honte à l’indignité de ses propos.
La seconde, toute récente et non moins grave, est l’annulation en référé de l’arrêté de réquisition des personnels grévistes de la raffinerie de Grandpuits, signé du préfet de la Seine et Marne, la justice estimant qu’il s’agissait là « d’une atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève » . Dans le régime Sarkozy, où l’on démissionne les préfets de leurs fonctions pour une manifestation un peu trop bruyante (Manche), ou l’intrusion de quelques nationalistes chez un ami du Président (Corse), il est étonnant de constater qu’un préfet qui se complet dans l’illégalité soit maintenu en place. A moins que ce régime tienne aussi peu compte de la loi que de la légitimité, auquel cas il serait ne serait plus un régime de droit. Il serait temps, dans ce cas, que nous y mettions un terme.
Notes
1. http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legalite-versus-legitimite-63650
2. http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/lente-derive-vers-une-dictature-48193
3. http://www.lexpansion.com/economie/quand-le-conseil-constitutionnel-censure-sarkozy_220484.html
7. http://www.liberation.fr/politiques/0101639680-racisme-hortefeux-condamne
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