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Accueil du site > Tribune Libre > Le revenu universel non, mais le salaire à vie ?

Le revenu universel non, mais le salaire à vie ?

Il y a seulement quelques années j’aurais rêvé que soit discutée publiquement l’hypothèse du revenu de base. Et puis c’est arrivé… malheureusement ?

C’est que cette idée, qui a pu un temps apparaître comme autenthiquement « de gauche », a vite été dénoncée par tous ceux qui se sont quelque peu penchés sur le sujet ; à tel point qu’aujourd’hui on l’appelle revenu universel pour « gommer » le terme « de base » qui signifiait trop bien ce qu’il était : la roue de secours du capitalisme. J’utilise ici les termes de Bernard Friot car en définitive pendant qu’on parle du revenu universel, on ne parle pas du salaire à vie.

Désormais -et que l’on soit de droite ou de gauche- on veut ou on ne veut pas le revenu universel pour de mauvaises raisons : ceux qui le désirent croient pouvoir économiser sur le RSA et les diverses allocations, licencier un paquet de gars dans l’administration, et faire baisser les salaires après avoir expliqué que le salaire minimum est devenu obsolète avec le revenu de base : Le smic sera de fait abaissé au niveau du revenu de base.

Tandis que ceux qui le craignent croient que le fait de recevoir de l’argent tous les mois sans contrepartie va inciter les gens à ne rien faire, tout en faisant augmenter l’immigration.

Il y a cependant un point positif à tout ce débat, et non négligeable : il semble que soient de plus en plus nombreux ceux qui ont compris que notre civilisation se dirigeait inévitablement vers la fin du travail, et qu’il fallait réfléchir sérieusement à des alternatives pour continuer de faire fonctionner la société.

Le plus grand problème réside dans l’amalgame qui est fait entre le revenu universel et le salaire à vie. Car une fois qu’on aura abandonné ou accepté le revenu universel (pour de mauvaises raisons dans un sens comme dans l’autre), on oubliera le salaire à vie, de la même manière qu’on a oublié le communisme véritable alors qu’il n’a jamais été mis en place nulle part. Au lieu de prendre le temps de se coltiner avec une théorie complète mais plus difficile d’accès comme l’est celle proposée par Bernard Friot, on jette aux « révolutionnaires » pressés un erzatz de socialisme dont les plus grands bénéficiaires ne seront pas ceux que l’on croit. Ce manque de lucidité et de courage pousse les pisse-froid à se contenter d’une mesure qui, volontairement incomplète dans les propositions des réformateurs, sera contre productive.

Or il n’est pas possible de rejeter les thèses de Friot d’un revers de la main en disant « ce n’est pas possible » ou c’est « le retour des soviétiques ». Nous ne pouvons pas nous contenter de reculer le moment où nous y réfléchirons, car en attendant le monde poursuit sa course vers le chaos. On aura beau taxer les robots pour reculer l’échéance, les robots finiront bien par l’emporter. Soit on veut que les choses changent et il nous faut réfléchir, prévoir et anticiper ce changement, soit on décide de ne pas changer mais il faut alors se résigner à accepter nos politiques et leurs débats stériles avec des déplacements du curseur idéologique (avec d’un côté un peu plus de social et de l’autre un peu plus d’économique), en espérant que les choses ne tournent pas trop mal en attendant des lendemains qui chantent.

D’ailleurs, l’échec de toutes les révolutions ne provient-il pas du manque de préparation de celles-ci ? Lorsque la colère ou la faim pousse les hommes à se révolter contre un gouvernement en place, ce n’est pas parce qu’ils croient en un monde meilleur auquel ils auraient adhéré mais parce qu’ils ne peuvent pas en supporter de pire. Si les révolutionnaires savaient ce qu’ils veulent instaurer ils ne se laisseraient pas chaque fois voler leurs révolutions par tous les dictateurs en embuscade ; la loi du plus fort est toujours celle qui occupe le vide laissé par un système effondré.

C’est bien pour cette raison qu’il faut prendre le temps d’étudier les thèses de Friot. Je ne défends pas Friot contre les autres, et je ne suis pas l’adepte d’un gourou. Je ne sais pas si sa théorie est la meilleure ni si elle fonctionne, mais seulement que sa pensée est proprement révolutionnaire. Elle est juste tellement loin de ce qu’on a l’habitude de voir qu’il faut du temps et de la connaissance pour y accéder. Souvent on se dit qu’en attendant le salaire à vie on fera déjà pas trop mal avec le revenu de base. En passant à côté du salaire à vie.

Je voudrais qu’on ne se pose pas la question du lendemain mais celle du surlendemain ; après Trump et tous les autres tarés qui arrivent. Je voudrais que des gens compétents et honnêtes s’emparent du sujet pour nous dire comment ça se passerait dans un tel monde… C’est qu’il y a quelques points de sa démonstration qui restent à préciser, et pas des moindres : nous n’avons pas actuellement de réponse sur la manière dont se comporteraient les prix à l’intérieur du pays qui mettrait en place un tel système, ni comment les relations commerciales et financières seraient gérées suite à une telle transformation.

Il y a aussi la question épineuse des métiers pénibles et de l’oisiveté, ainsi que celle concernant la mise en place effective d’un tel système (à savoir quelles institutions pour faire la transition entre le mode de production capitaliste actuel et le nouveau système Friot). Et que faisons nous du patrimoine détenu par les étangers et même les nationaux, comment se clarifie la propriété et tout un tas de « détails » comme ceux-ci.

Que cela donnerait-il dans la mondialisation, au niveau de l’environnement, du travail de la recherche ou du logement, quelles seraient les conséquences économiques, diplomatiques d’une telle révolution ?

Que des spécialistes économistes, sociologues, philospohes ou d’autres réfléchissent à la manière de mettre en place les conditions du changement de système en cohérence non pas avec le stalinisme redouté par certains mais avec la démocratie dont rêvent la plupart d’entre nous.

Nous avons pour cela de nombreux outils qui mis ensemble pourraient servir à penser tous ensemble ce changement. Pendant qu’ils s’écharpent sur le revenu universel et autres fadaises, nous avons l’opportunité de réaliser les conditions nécessaires à une révolution imparable : le jour où nous saurons pour quoi nous nous battons, la révolution ne sera même plus nécessaire.

Caleb Irri

http://calebirri.unblog.fr


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11 réactions à cet article    


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 11 février 2017 11:56

    Actuellement, le salaire à vie sans contre-partie est réservé aux préfets hors-cadre, c’est-à-dire les bénéficiaires du népotisme républicain récompensés pour services rendus.



    • howahkan 11 février 2017 12:04

      Salut Caleb, désolé de cet "humour au raz des pâquerettes,enfin mal placé ...mais en lisant le titre m’est immédiatement venu à l’esprit ceci

      l’ eau ferrugineuse oui,...l’alcool non !!

      bien sur c’est à rapprocher de cela....

      tant que demeure cet esprit dit compétitif qui en fait cache un processus d’élimination , d’utilisation, de vol , de conflit etc des gens...on peut se brosser Monique....


      • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 11 février 2017 12:17

        @howahkan

        L’eau est ferrugineuse parce que le fer a repassé... 

        Non, pas le fer à repasser... 
        C’est parce que l’eau a passé et a repassé sur le fer,et le fer a dissous. 
        Il a dissous le fer. 
        Et le verre à dix sous, c’est pas cher, hein. ? 

      • jaja jaja 11 février 2017 12:25

        «  le revenu universel de base, qui permettrait à chacun d’avoir un filet de sécurité pour (sur)vivre. Cette mesure est souvent confondue avec le salaire à vie (popularisé par Bernard Friot) parce qu’elle déconnecte une partie du revenu de l’occupation d’un emploi « octroyé » par un patron. Elle en est pourtant l’exact opposé. Car si le revenu de base est le complément nécessaire à la précarisation générale de la société, le salaire à vie est la subversion du marché du travail et la constitution des travailleurs en classe dominante, sur les plans politique et économique. »

        http://www.npa32.fr/spip/spip.php?article2286


        • foufouille foufouille 11 février 2017 13:29

          @jaja
          c’est la transformation du salaire capitaliste en salaire inégalitaire « socialiste ».
          comme pour le cas asselineau qui a bien plus que le smic sans travailler. quelque chose comme 10000€.
          c’est juste changer le nom.


        • jesuisdesordonne jesuisdesordonne 11 février 2017 16:26

          @foufouille
          Pour info François ASSELINEAU est actuellement en disponibilité. C’est la version fonction publique du « congé sans solde » privé, donc sans salaire, mais avec possibilité de retrouver un poste par la suite.


        • foufouille foufouille 12 février 2017 13:46

          @jesuisdesordonne
          faux.
          il est dans un placard depuis sarkozy avec salaire.


        • jpm jpm 11 février 2017 12:45

          Bonjour l’auteur,


          plutôt que de parler de la socialisation ou la nationalisation de l’outils de production, comme le propose la théorie de Friot, ce qui poserait quand même quelques problèmes, ne serait-il pas plus simple que la collectivité se réserve par la loi une partie de l’usufruit de la production nationale. 

          Cela existe déjà et cela s’appelle l’impôt (impôt sur les sociétés, les dividendes ou les plus values). Apres tout il n’est pas nécessaire d’être propriétaire d’un bien pour en jouir... ainsi pourquoi ne pas financer un véritable revenu de base inconditionnel et individuel par une taxe généralisée sur l’ensemble des revenus, y compris bien sur les revenus du patrimoine. Pas besoin de nationaliser les entreprises pour cela, mais simplement de mettre en place un prélèvement sur l’ensemble des richesses produites.

          Apres concernant le salaire à vie de Friot, est-il normal qu’une vois votre qualification acquise vous soyez garanti de toucher votre salaire à vie, quelque soit les efforts que vous fourniriez par la suite. En fait cela me fait étrangement penser au « bâton de maréchal » que l’on accordait autrefois au fonctionnaires proches de la retraite pour leur permettre de partir avec une meilleure retraite. 

          Il est vrai aussi que dans le monde de Friot l’échelle des salaires va de 1 a 4, ce qui dans tous les cas limite les abus. Mais est il souhaitable que tout le monde adapte le statut des fonctionnaires... je ne le crois pas. Je pense que tout le monde doit pouvoir vivre dignement avec ou sans travail, mais ceux qui produisent ce qui sera redistribué via un revenu de base doivent être récompensés par un surcroît de pouvoir d’achat. Ainsi chacun sera libre de s’impliquer ou pas dans la société marchande et de produire à sa façon les biens et services nécessaires au bien être de tous.


          • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 11 février 2017 13:16

            « plutôt que de parler de la socialisation ou la nationalisation de l’outils de production, comme le propose la théorie de Friot, ce qui poserait quand même quelques problèmes, »

            il faudra bien quand même y arriver un jour, et ce ne sera effectivement pas un accouchement sans douleur !

            • aimable 12 février 2017 05:06

              @Jeussey de Sourcesûre
              ce qui était impossible hier est la normalité aujourd’hui , un peu comme les congés payés, entre autres
              les accouchements dans le domaine de la protection sociale sont toujours difficiles , peut être parce que cela rend les accumulations de richesses plus lentes, mais ne les empêchent pas !

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