François était gourmand.
Il avait entendu que
Pierre Gagnaire voulait que son restaurant
« soit un lieu ouvert, c’est-à-dire dynamique, présent aujourd’hui, tourné vers demain mais soucieux d’hier, et qui ne perde jamais de vue son objectif : donner du plaisir par la cuisine, une cuisine généreuse, vivante, avec le risque de ces fausses notes que certains (lui) reprochent ».
Le
menu à la carte n’est pas excessif, de
100 à 400 euros, sans les vins. Le menu enfant y est abordable, à
30 euros. La cave à
cigares est de belle qualité, paraît-il. François sentait d’ici le
Septimo. A
50 euros, certes, mais la fumée est d’un bleu...
C’est une maison sérieuse puisqu’une fois votre réservation enregistrée par internet, on vous demande votre "numéro de carte bancaire par fax pour confirmation".
On est sûr de s’y trouver bien, dès lors qu’une « Tenue correcte » y est « exigée », et qu’on nous assure qu’un « voiturier s’occupera de (notre) véhicule si vous le désirez ». Si on le désire ? Mais oui, on le désire ! Parce que la sécurité, en ce moment, laisse à désirer.
François rêvait souvent de bonnes et grandes tables, de « virtuoses des saveurs et des arômes » comme chez Gagnaire dont la « créativité et la versatilité ne connaissent pas de limites » dans un décor "sobre et épuré » où « tout se passe dans l’assiette ».
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François était un grand rêveur.
Il s’était promis de ne pas mourir sans avoir porté de
montre Rolex. Mais c’était irrémédiablement
raté. Il le sentait.
Il s’était rabattu sur des rêves de voyages avec le Club Med. Il avait toujours été fasciné par le Club Med, qu’il connaissait pour avoir bien connu le beau-frère d’un cousin d’un chauffeur de
Gianni Agnelli qui était le principal actionnaire à l’époque. François avait constaté et regretté la lente dégradation des services, pour qu’enfin, depuis 2005, ils se repositionnent sur le haut de gamme.
L’arrivée de Bernard Tapie lui avait craindre le pire pour la pérennité du Club, mais avec
le départ précipité de l’homme d’affaire artiste (après plus value, bien entendu) avait à nouveau permis au Club de proposer de bonnes affaires.
Ainsi, le Club proposait ces jours-ci, justement, «
le luxe de profiter de tout sans dépenser plus ».
"A partir de 1290€ TTC au lieu de 1570€ TTC(1) à Columbus Isle, 4 Tridents - Bahamas- Le luxe de profiter de tout sans dépenser plus. Vol, transfert(2) ; choix du confort(3), chambres ou Suites(4) spacieuses et raffinées ; cuisine de chefs ; Bar&Snacking inclus ; 10 à 15 activités par Village... Pour en savoir plus sur le Tout Compris by Club Med, cliquez ici. Réservez du 6 janvier au 21 février 2010 inclus. Partez entre le 14 janvier et le 31 mai 2010 inclus."
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François rêvait à ces luxes là, qui devaient être la vraie vie.
François était tellement rêveur qu’il en était arrivé à oublier qu’il faisait partie des 600 000 chômeurs qui vont arriver en fin de droit et n’auront plus de ressources ni de protection sociale en 2010 ! Que serait 454 euros mensuels, ou rien.
Le charme était rompu.
Que fait l‘État ?
Darcos regarde ailleurs, sifflote, lorgne sur les « partenaires sociaux ». Les « réformes » ont été faites contre les salariés, contre l’avis de la représentation sociale, mais Darcos leur renvoie le problème.
L’UNEDIC coince et l’État fait la sourde oreille.
Le
5 février dernier, le Medef et les syndicats ouvriers s’étaient penchés sur le sort de ceux là qui échapperont à la somptueuse allocation de solidarité (ASS) à
454 euros par mois.Il ne s’est rien passé, le MEDEF ayant eu la volonté de tout renvoyer sur le gouvernement, se prêtant à une stratégie concertée d’un prévisible effet d’annonce sarkozien. Un de plus.
Le MEDEF ? J’entendais le 15 février au matin ma Laurence dire sur France 2 que la situation est «
anormale ... nous préoccupe... », qu’elle demande des «
informations complémentaires », qu‘elle était étonnée que des personnes passent au
« travers du filet de protection » de l’allocation et autres dispositifs. Elle dit «
avoir besoin de comprendre ».
Elle ne comprend pas vite, la (future ex) Présidente du Medef. Il faut qu’elle demande à son ami
Roux de Bézieux.
Le MEDEF des employeurs dit en substance que ce n’est pas aux patrons de payer mais à l’Etat... sur le sort qu’ils ont conjointement fait aux salariés. Une vieille chamaillerie de couple, en quelque sorte.
L’État, lui, qui a vidé ses caisses pour les riches et consciencieusement détruit les solidarités, ne veut rien faire non plus. La fuite en avant en guise de plan com.
Il n’était pas besoin d’être grand clerc pour montrer la finalité du petit raout du 15 février avec Sarkozy, qui ferait le gentillet avant les régionales.
On verra à terme, accoucher , après ce sommet social bidon une petite souris des mains du praticien - sauveur de service : un cadeau de plus aux entreprises qui seront
exemptées de charges sociales si elles embauchent un chômeur en fin de droit. Un jour ou l’autre.
Résumons le tour de passe-passe : je licencierai un salarié, je le mettrai à la charge de la collectivité, et j’embaucherai un chômeur en fin de droits, exempté de charges sociales. Moi, mauvais esprit ? Oui, je sais.
François va devoir attendre un peu, pour le resto et le Club Med, avec ses 454 euros mensuels...
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