Le Sénat, de gauche, va-t-il adopter, mardi 28 février un Mécanisme Européen de Stabilité portant atteinte à la démocratie ?
Mardi les Sénateurs vont se prononcer sur le MES. Il semblerait que les sénateurs PS aient prévu de s'abstenir, comme les députés PS l'ont fait la semaine dernière. La question que l'on est en droit de se poser, c'est pourquoi ce non-choix, pour un texte de cette importance qui engage notre pays dans un fédéralisme économique assez particulier. Et ce, alors que l'abstention peut cette fois faire définitivement adopter ce texte soutenu par la droite, dans un Sénat majoritairement à gauche.
Mais... vous savez enfin ce que contient le MES ?
Pour résumer, il s'agit d'un traité de stabilité négocié sans transparence au niveau européen depuis des mois. Le Traité est en deux parties, MES et Traité Européen de Stabilité. Le premier gère les mouvements des fonds destinés à aider les pays en difficulté (à payer leurs créanciers, surtout...) et a déjà été adopté en première lecture au Parlement : c'est lui qui passe mardi devant le Sénat majoritairement de gauche, dans une procédure accélérée. Lire ici.
Le deuxième déterminera, entre autre, la façon dont la Commission et le Conseil Européen vont contrôler les politiques budgétaires des États aidés, dès que leur déficit dépasse 0,5 %. Un État ne pouvant bénéficier de l'aide du MES que s'il a adhéré au Traité. Ce Traité tendra à orienter la politique budgétaire des États vers une politique commune, une sorte de gouvernance budgétaire fédérale, non élue, un "gouvernement économique européen"... Lire ici.
Vous suivez toujours ? Bref, et je fais encore plus court, c'est en quelque sorte un piège à démocratie, inscrivant dans la loi la façon dont bientôt probablement aucun État européen, hormis l'Allemagne, ne va pouvoir gérer son budget sans passer par les fourches caudines d'une réunion de personnes non élues, dont les liens avec la finance internationale ne seront ni connus, ni même interrogeables (les membres du MES seront protégés de toute enquête administrative ou pénale : elle est pas belle, la vie ?). Tout cela alors que les États s'interdisent de se prêter simplement de l'argent entre eux, ce qui serait quand même plus simple...
Or, si la France, par exemple, est sommée de donner en sept jours plusieurs milliards, qu'adviendra-t-il alors de son déficit ? Lever des fonds, c'est bien, mais n'est-ce pas incompatible avec la règle d'or qui fait partie du même Traité ? Le MES et le Traité, censés sauver les États de la faillite, ne constituent-ils pas, plutôt un système destiné à augmenter les déficits des pays aidants (et la dette des pays aidés) ce qui augmentera encore l'emprise de la Commission et du Conseil des Gouverneurs sur les Parlements nationaux, et l'emprise de la Finance grâce à leurs agences de notation qui sont toujours dans le coup ? Bref, un moyen, au nom d'une prétendue solidarité, de mutualiser les dettes, non seulement au niveau des peuples qui n'en peuvent plus, mais aussi au niveau des États, l'appauvrissement généralisé à venir nous livrant tous rapidement aux rachats rapides de nos biens publics par des banquiers magnanimes et des fonds de pension intéressés qui s'engraissent déjà de l'argent de la dette... Précisons qu'il n'y aura pas de transparence sur les décisions du MES, constitué des ministres des finances des pays signataires, les "gouverneurs", et qu'il n'y a pas de limite supérieure aux demandes de fonds puisque le capital de 700 milliards d'Euros peut être modifié par décision du Conseil des Gouverneurs.
Allons, Messieurs et Mesdames les Sénateurs du PS, et tous les Sénateurs qui croient encore que la Démocratie est la moins mauvaise des solutions, réveillez-vous et empêchez cette forfaiture. Je vous rappelle que la gauche est majoritaire au Sénat, au cas où cela vous aurez échappé, et que vous pouvez toujours voter « non » : cela bloquera ce texte.
Si, d'aventure, la gauche revenait au pouvoir, vous auriez alors les coudées franches pour voter ce que vous voulez. Et, en particulier, pour soumettre ces questions à référendum, ce qui serait bien le moins, étant donné l'importance des modifications qu'elles induisent dans notre fonctionnement jusque-là démocratique.
Quoi ? On me dit dans l'oreillette que l'on ne peut pas s'opposer au MES ?
Comme on ne pouvait pas s'opposer au TCE ?
Vous êtes pour la marche en avant d'une Europe néo-libérale qui détruit les services publics, diminue au maximum le coût du travail, quitte à appauvrir même les travailleurs, qui a pour seule ligne d'horizon le maintien d'un Euro fort et les bonus des banques ? Qui pense que l'Europe, c'est l'Allemagne, devant, la France, derrière, et tous les autres, dessous ?
Vous avez accepté le Traité de Lisbonne ? Contre l'avis des citoyens ?
Vous allez voter le MES ?
Alors expliquez-moi en quoi vous êtes socialiste, cela sera sûrement intéressant...
Mais il va falloir argumenter, car nous sommes nombreux à avoir plus que des doutes, et à avoir l'intention de vous le montrer bientôt. Aux Présidentielles, et aux Législatives.
Voici quelques liens pour résumer l'affaire :
http://www.theorie-du-tout.fr/2011/10/billet-les-mecanisme-europeen-de.html
Le chapitre 6 de Circus politicus, de C Deloire et C Dubois, narrant une réunion du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011.
Entre autres...
Billet paru aussi sur Mediapart
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