Le sport, nouvel opium du peuple ?
Réflexion sur le sport qui pourrait bien être le nouvel opium du peuple.
En affirmant que « la religion [était] l’opium du peuple », Marx a voulu signifier que lorsque l’homme est aliéné socialement et économiquement, lorsqu’il souffre de sa condition, et qu’il ne peut se réaliser, s’épanouir véritablement dans « la vallée de larmes » qu’est le monde terrestre alors, il ne parvient à l’apaisement que par l’imagination et la fiction de ses croyances compensatrices. Toutefois, le monde actuel est un monde sécularisé où la projection des attentes et des espérances se fait de moins en moins dans une optique religieuse, le sport semble être le domaine qui a remplacé la religion à ce niveau-là.
Si Marx a parlé « d’opium du peuple » en parlant de la religion c’est aussi pour signifier que la religion permet aux dirigeants de faire passer tous les problèmes économiques et sociaux au second plan. En ce sens, le sport apparait aussi comme le nouvel opium puisque les hommes politiques ont tendance à l’instrumentaliser pour reléguer tous les autres problèmes en arrière-plan.
Le sport comme illusion
Dans bien des pays le sport est une manière d’occuper les populations populaires et la jeunesse afin d’éviter tout soulèvement ou toute révolte contre un système injuste. L’Algérie est à ce titre exemplaire : elle a investi dans des terrains de football dernière génération pour permettre à sa jeunesse débordante de trouver un exutoire et oublier les problèmes économiques et sociaux, chômage et injuste redistribution des richesses en tête. Le symbole de cette politique est sans doute le stade de football à l’entrée de Tamanrasset. Celui-ci répond à un besoin de canalisation des populations du sud algérien qui se sentent spoliées et pas assez rétribuées du pétrole que leur région procure au pays.
En France, le paroxysme de ce mouvement de récupération politique du sport a été la victoire française lors de la coupe du Monde 1998. La génération « black blanc beur » brandie comme un étendard par les politiques de l’époque a servi à masquer les problèmes d’unité que le pays pouvait rencontrer à ce moment. S’en est ainsi suivie une période d’enthousiasme dans le pays due au simple fait de cette victoire en coupe du Monde. De la même manière, jusqu’à très récemment, les résultats probants du Brésil lors des compétitions internationales servaient d’échappatoire aux millions de jeunes déshérités vivant dans les favelas.
L’organisation d’évènements sportifs, un moyen de flatter l’égo des citoyens
Il se murmure que François Hollande parierait sur une réussite dans l’organisation de l’Euro 2016 pour gagner en popularité. En effet, réussir l’organisation d’un évènement sportif permet en général de rendre heureux la population. C’est pourquoi nombre d’hommes politiques considèrent comme primordial l’organisation de Jeux Olympiques, d’une Coupe du Monde ou d’un championnat d’Europe.
David Cameron a, en effet, compté sur l’organisation des JO de Londres en 202 pour redorer son image et restaurer sa côte de popularité. Vladimir Poutine a fait de même en faisant absolument tout pour organiser les Jeux d’hiver de Sotchi afin de démontrer la grandeur de la Russie.
Utiliser le sport comme exutoire : une arme à double tranchant pour les politiques
Si se servir du sport peut permettre de faire oublier pour un temps les problèmes économiques et sociaux, lui donner une telle importance peut aussi déboucher sur un retour de bâton fort désagréable pour les politiques. Donner une telle importance au sport le transforme effectivement en une caisse de résonnance puissante.
C’est ainsi qu’en marge de la Coupe du Monde 2014 au Brésil, des manifestations importantes ont eu lieu pour réclamer plus de justice sociale et une meilleure répartition de la richesse. On a vu se mettre en place le même processus lors des JO 2008 à Pékin : l’organisation de cet évènement sportif s’est alors transformé en haut-parleur pour les Tibétains qui revendiquaient alors leur indépendance.
Finalement, si le sport a pu servir d’exutoire pour les populations pauvres et déshéritées par le passé, il semblerait que celles-ci rejettent aujourd’hui ce nouvel opium pour le transformer en arme vis-à-vis des politiques. Les différents hommes politiques pourraient bien avoir créer le meilleur moyen de revendication possible et ceci à leur propre insu.
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