Le syndicaliste, ce héros (méconnu) au sourire si doux
Alors que Arnaud Montebourg, redressé et productif, pèse sur les syndicats de Renault les invitant à signer un accord avec les équipes de Carlos Ghosn dans le cadre des négociations sur "l'amélioration de la compétitivité", les représentants des salariés se retrouvent dans un grand moment de solitude face à un Etat de gauche mais également actionnaire.
Ce dernier leur demande des "concessions" sur la mobilité, le temps de travail et les salaires. Précisément ce que la gauche en campagne, rejetait mordicus il y a moins d'un an ...
Il est toujours de bon ton de mettre en avant le modèle économique allemand, meilleur élève de l’Europe et champion de Maastricht. En oubliant que, si outre-Rhin, cela ne marche pas si mal, c’est peut-être qu’un salarié sur cinq est syndiqué, soit deux fois plus qu’en France.
Allons faire un tour dans la rue au hasard à Paris, Bayeux ou encore Perpignan. En demandant au passant honnête ce qu’il pense des syndicats : c’est à peu près la même litanie. Au mieux, les syndicats (fondus alors dans le Comité d’Entreprise) ont un intérêt pour organiser l’arbre de Noël et un inoubliable voyage en Thaïlande. Mais, invariablement, ce sont des empêcheurs de bosser en rond, arc-boutés sur des avantages acquis désuets (mais dont on aimerait tant jouir soi-même) et, le plus souvent, de redoutables preneurs d’otages ferroviaires.
Ces propos sont tenus quasiment à 100 % par des salariés qui n’ont jamais eu besoin d’avoir recours aux syndicats. Car ce triste moment venu, monnaie très courante sous les coups de boutoirs des plans sociaux, c’est le cœur battant et la peur au ventre que tout un chacun se rapproche des représentants du personnel, sans même s’être déplacé lors des dernières élections professionnelles. Ce n’est que trop humain.
Penchons-nous maintenant sur nos syndicalistes. Bien sûr, eux aussi sont humains et l’on ne peut passer sous silence les manœuvres en haut lieu des cinq confédérations reconnues (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE/CGC) en France et autorisées à négocier les grands accords.
Alors, oui, il y a des malversations chez les syndicats ! Comme la carambouille d’il y a quelques années, au sein du Comité d’Entreprise d’EDF. Mais, que celui qui n’a jamais pêché jette la première pierre …
Car il faudra alors parler du scandale de l’UIMM, la puissante section de la métallurgie du Medef (le syndicat des patrons, il en ont un aussi …). Mais rien n’excuse rien.
Le syndicaliste de base ressemble bien souvent à un des premiers chrétiens. La comparaison est osée, je vous l’accorde. Mais, tellement vraie.
GRANDE SOLITUDE
Imaginez que celui-ci, apolitique par essence et obligation, devienne, dès le premier jour de son mandat, la cible de l’ire patronale, en même temps qu’il jette sa carrière aux orties. Et le plus souvent pour une base qui le regardera de travers. Le tout dans un tout petit univers. Le gros des entreprises françaises est, en effet, des PME-PMI où il n’y a que des « représentants du personnel » car occupant moins de 50 salariés. Elles ne peuvent légalement pas recevoir un « représentant syndical », qui peut, lui, au moins, s’appuyer sur la machine de sa confédération. Moment de grande solitude.
« Recevoir un tract roulé en boule en pleine poire de la part d’un salarié qui, quelque mois plus tard, vient vous demander de le défendre, est très très courant », explique un élu CGT du personnel d’une entreprise de 250 salariés. « J’ai reçu des bordées d’injures en comité par mon DRH ‘décomplexé’ qui ne veut pas appliquer la loi en matière de sécurité des personnes », reconnaît de son côté une déléguée CFTC d’une entreprise qui manie des produits toxiques et des mécaniques lourdes et dangereuses.
Et que dire des élus du personnel de France Télécom qui ont à vivre avec des vagues de suicides et où la hiérarchie harcèle même des psychothérapeutes intégrés chargés de soulager la souffrance …
Reste le problème de la SNCF. La bête noire du voyageur, surtout lorsqu’il est professionnel et pris en « otage ». Demandons à ce dernier quelle serait sa réaction s'il avait signé, il y a quelques années, un contrat détaillant ses conditions de travail et son salaire, bien moins important que dans le secteur privé. Mais, en connaissance de cause, car il a fait un choix financier réducteur en contrepartie d’une retraite précoce. Au final, il apprend que ses efforts en matière de pouvoir d’achat ne seront plus compensés, d’aucune façon …. Est-il anormal que ses syndicats adoptent une ligne dure pour forcer les parties à négocier ?
Négocier, ou plutôt l’absence de réelle négociation, ceci est la clé du problème. Négocier, cela veut dire que chacun, de son côté, fourbit ses armes pour parvenir à un consensus « gagnant-gagnant ». Mais, qui gagne en arrivant en sifflotant et les mains dans les poches ? Qui accepte des conditions léonines sans ciller ? Personne. Que l’on soit, d’une part ou de l’autre, de l’échiquier.
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