Pas facile d’intéresser ses concitoyens au
sort des détenus ! Une sorte de loi d’airain tacite, dénoncée souvent par
M. Robert Badinter, exige que la vie en prison ne puisse être plus agréable que
celle du citoyen le plus pauvre en liberté. L’Observatoire International des
Prisons (OIP) relève toutefois le défi dans une
campagne de collecte de dons avec une affiche qui frappe fort. Celle-ci use d’un
leurre d’appel humanitaire qui, contrairement à
l’habitude, ne vise pas à susciter la compassion mais la réflexion la plus
rationnelle qui soit.
Un leurre d’appel humanitaire discret
L’image ne cherche pas du tout, en effet, à apitoyer le lecteur. On sent que l’OIP a voulu éviter l’écueil habituel du leurre d’appel humanitaire. Sans doute, vu le sujet, il était impossible de ne pas exhiber le malheur d’autrui qui attire l’attention en stimulant le réflexe de voyeurisme. Mais c’est fait avec sobriété. En deux métonymies le décor est dressé : l’une, présentant la partie pour le tout, se limite à une grille pour la prison, et, l’autre, offrant l’effet pour la cause, à un détenu derrière les barreaux pour la vie en prison.
On ne saurait même observer plus de retenue dans l’exhibition de ce malheur. Une autre métonymie - grille neuve et cellule claire en arrière-plan avec fenêtre - fait, en effet, penser à des conditions de détention décentes, propres du moins. N’est-ce pas une mise hors-contexte volontaire pour concentrer le regard sur l’essentiel ? Car il ne semble pas que les prisons françaises ressemblent souvent à cette cellule. De même, le détenu paraît seul, alors que des rapports d’institutions internationales dénoncent la surpopulation carcérale française et la promiscuité à 3 ou 4 détenus par cellule dans un espace réduit.
Plus encore, l’individu reste en retrait : une autre métonymie ne le fait apparaître dans le champ de la photo qu’avec réticence : on ne voit de lui qu’une moitié de buste, et encore relégué dans un coin inférieur de l’affiche. Par contraste, et intericonicité, on se souvient de la campagne d’Amnesty International de 1982 en faveur des prisonniers d’opinion : pris en buste lui aussi, le détenu remplissait, au contraire, toute la photo, agrippé aux barreaux sur fond noir avec lequel tranchait son visage blanc. On ne pouvait, pour alerter l’opinion, mieux exprimer, par cette présence centrale et la charge culturelle des couleurs, l’innocence violentée (voir photo en fin d’article).
Ici, rien de semblable forcément ! L’OIP ne peut en faire autant : sauf en cas de détention provisoire et sous réserve d’une affaire comme celle d’Outreau, le détenu est un coupable qui purge sa peine. Inutile donc de chercher à stimuler le réflexe de compassion ! Le misérabilisme ostentatoire, usuel dans le leurre d’appel humanitaire, serait inopérant. Le détenu n’est pas innocent. S’il est une victime, il l’est d’abord de lui-même. Aucun réflexe de culpabilité chez le lecteur ne peut donc être attendu.
Néanmoins, si discret soit-il, le détenu, à moitié hors-champ, risque tout de même un oeil en direction du lecteur selon le procédé de l’image mis en abyme qui feint d’instaurer une relation interpersonnelle. Ce n’est pas un œil larmoyant ni vindicatif cependant, mais un regard grave pour tenter d’attirer un instant celui du lecteur. On a beau faire : quoique privé de liberté, un détenu reste un homme et le regard est un médium propre à l’homme pour transmettre des informations sans paroles : ce regard devient ici le symbole de l’humanité du détenu qui paraît avoir quelque chose à dire. Oui, mais quoi ?
Un slogan sarcastique d’une violence inouïe
Que ce soit l’OIP qui parle à sa place est une nouvelle métonymie du statut du détenu : s’il a gardé en principe un certain droit à la parole, il n’en a pas moins perdu celui d’être entendu. L’OIP qui réunit des citoyens en liberté, se fait donc son porte-parole dans un slogan d’une violence inouïe : « Si ça peut vous aider à donner, lit-on en incrustation sur la photo, dites-vous que cet homme est un chien ». Ces deux paradoxes cyniques frappent le lecteur à l’estomac. Comment, en effet, oser assimiler un homme à un chien sans attenter soi-même à sa propre dignité ? Et quel raisonnement tordu peut conduire à soupçonner quelqu’un de se montrer plus généreux envers un animal qu’envers un homme ? Rien ne vaut un paradoxe pour retenir l’attention en suscitant le besoin de comprendre, ou l’exigence de rationalité. Deux paradoxes imbriqués compliquent encore plus l’énigme à résoudre.
Ce sont, en fait, les indices d’une ironie poussée jusqu’au paroxysme du sarcasme qui incitent à comprendre le contraire de ce qui est dit. L’OIP écarte du même coup le leurre d’appel humanitaire et ses réflexes habituels inappropriés dans la situation présente : il s’adresse non pas au coeur du lecteur mais à sa raison ; ou du moins le cœur n’est sollicité que sous le contrôle étroit de la raison.
La solution cachée de ces deux paradoxes sarcastiques ne se laisse pas facilement deviner.Pourquoi, par comparaison, en effet, soupçonner ainsi le lecteur d’une générosité plus grande envers un chien qu’envers un homme et ravaler le détenu à un chien pour espérer un don ? Et pourtant, ne connaît-on pas l’attachement des Français pour les animaux dits de compagnie et le budget coquet qu’ils leur consacrent ? Il existe même des salons d’esthétique pour chats et chiens. Le lecteur est donc sommé de comparer sa sollicitude pour les bêtes à son indifférence envers les détenus. La soudaine perception de cette disproportion déraisonnable de traitement peut alors stimuler sinon un réflexe de culpabilité, du moins la reconnaissance de son erreur et le malaise qui en résulte. L’OIP propose alors par sa médiation de soulager l’inconfort ressenti en échanged’un don.
User d’un leurre d’appel humanitaire sans stimuler l’inévitable compassion, ce réflexe qui lui est si intimement lié, relève du tour de force : c’est toute la singularité de cette affiche qui ne laisse pas indifférent. L’OIP le sait, il serait vain de tenter de susciter cette compassion envers des détenus qui ne sont pas des victimes innocentes, mais ont été à un moment donné des bourreaux à des degrés divers. Est-ce que pour autant, cependant, des conditions inhumaines de détention qu’on ne réserve même pas aux bêtes, doivent être infligées à ces hommes en plus de la privation de liberté, comme peine de leur délit ou de leur crime ? C’est cette interrogation que tente de mettre de force sous les yeux l’OIP en se présentant comme un acteur auxiliaire d’une humanisation de la prison. Paul Villach
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Merci Popaul d’avoir attiré notre attention sur cette affiche que je ne connaissais pas personnellement. L’article est plein de métonymies et de leurres, un peu longuet mais pour une fois exempt de références hors-sujet à vos aigreurs d’estomac. Mention passable.
Bonjour M. Villach, la seule chose qui ferait que je ne donnerais pas c’est justement de comparer un chien à un homme. Il n’y a rien dans cette affiche qui m’émeuve. Ni les barreaux ni l’homme avec son regard triste. L’ OIP a besoin d’argent qu’elle le dise clairement et pourquoi. Tous ces leurres ne servent à rien car un homme en prison est un homme qui a fauté envers la société, c’est ce que pense les personnes qui n’y sont pas. L’OIP a du souci à se faire avec ce genre d’affiche. Mais je peux donner un paquet de croquettes avec plaisir. Sylvia
Donneriez-vous donc raison aux charlatans qui ne cessent d’utiliser des leurres d’appel humanitaire pour susciter compassion et culpabilité ?
Ce que j’apprécie, au contraire, dans cette affiche, c’est que l’OIP se garde de « la peste émotionnelle », de « la pitié dangereuse »...
C’est une confrontation rationnelle qui est proposée : oui ou non doit-on traiter des « hommes qui ont fauté envers la société » comme vous dites, comme des chiens ? Je trouve cette démarche plus citoyenne que de faire pleurer les chaumières... Paul Villach
Je ne voudrais pas vous accabler, mais mon Dieu ce que vos analyses d’affiches sont « poussives ».
Vous eussiez pu d’abord souligner l’harmonie chromatique de l’affiche en tons froids, des « gris colorés », avec le seul contraste du visage de l’homme dans une tonalité plus chaude. Ce simple contraste, tons froids/tons chauds suffirait presque à faire passer le message le plus important : L’humain perdu seul dans un univers glacial de solitude.
Vous eussiez pu faire remarquer La construction géométrique singulière de l’affiche : La grille centrée, régulière. Le portrait à demi caché complètement décentré à gauche et le texte, en réserve blanche, qui équilibre sur la droite en appui sur un des barreaux verticaux. La typo du slogan, volontairement toute petite, comme pour chuchoter le message violent. Encore plus petit le texte en dessous, assez long, inhabituel sur une affiche.
La position en pied, dans un corps encore plus réduit, de l’objet final de l’affiche, la laconique formule : Faites un don sur www.OIP.org
Des détails simples, sans mots grandiloquents, sont souvent suffisants pour comprendre la construction d’une affiche.
Mais libre à vous de donner votre lecture ! Qui vous en empêche ? Je m’en tiens à la mienne si ça ne vous décoiffe pas ! Je la trouve plus riche ! Paul Villach
Vous manifestez un peu plus chaque jour avec entrain vos carences. Vous êtes sans doute de ceux qui, ne comprenant pas l’ironie de Montesquieu dans son chapitre de « L’esprit des lois », « De l’esclavage des nègres », en font un raciste ! Je ne vous dirai pas de retourner à l’école, vous en venez ! Vous êtes resté le parfait potache obtus qui n’a rien appris depuis ! Et c’est ce qui fait que votre cas est désespéré. Inutile de venir si assidûment suivre mes articles pour faire du rattrapage ! Il vous manque les bases élémentaires pour progresser ! Vous perdez votre temps. Paul Villach
N’étant pas un spécialiste de la réclame (vrai nom de la communication), je ne m’aventurerai pas dans le débat technique. Par contre, il est sûr que nos cousins animaux sont bien plus maltraités que les prisonniers dans les société humaines et ce, sans n’avoir commis aucun délit. Et c’est bien là que nous pouvons juger du niveau d’évolution d’une société : à la manière dont l’homme (l’être supérieur parait-il...) traite les autres espèces. Sa relation à ses congénères n’est qu’une conséquence de cette première et fondamentale appréciation. Ceci dit, je suis d’accord qu’il y a certainement quelques améliorations à apporter au système carcéral.
Votre analyse de cette affiche est très intéressante , mais d’un autre côté, je ne sais pas si elle va pour autant me convaincre de donner une obole à l’observatoire international des prisons :
- d’une part , parce qu’une récente actualité tragique fait que j’irais plutôt donner quelque chose pour les sinistrés d’Haïti, qui me paraissent une cause nettement prioritaire ,
- d’autre part , je me suis par curiosité penché sur le site de l’OIP dont beaucoup de revendications sont légitimes , mais dont certaines sont politiquement correctes , mais néanmoins totalement inacceptables d’un point de vue républicain .
Par exemple , la revendication abusive de menus spéciaux pour les prisonniers juifs ou musulmans . Je cite un de leur documents :
« La pratique religieuse quotidienne est souvent rendue difficile par l’organisation de la détention. Les détenus de confession juive et musulmane ont rarement des repas en conformité avec leur culte et des cantines spécifiques ne leur sont pas toujours proposées. Le rapport d’activité 2003 de la maison d’arrêt de Niort (Deux-Sèvres) rapporte qu’un incident collectif a eu lieu à l’occasion du ramadan, du fait de l’absence de cantine spécifique. »
Une cantine spécifique pour les musulmans et juifs , ça s’appelle l’apartheid à la cantine. Nous sommes dans une République laïque qui , selon l’article 2 de la loi de 1905 , ne reconnaît , ne salarie et ne subventionne aucun culte.
Par conséquent , faire des cantines pour chaque religion en prison, c’est déjà reconnaître un culte , par ailleurs , c’est aussi le subventionner : on sait que , pour obtenir le label « hallal », une forte dîme est prélevée sur le prix de la viande, qui sert à financer de nouvelles mosquées. Pour la viande casher , c’est probablement la même chose . Par conséquent , si l’Etat finançait des menus hallal ou casher dans les cantines de prison, il financerait obligatoirement les cultes juifs et musulmans, ce qui est illégal et inacceptable.
De plus , bon nombre de détenus au patronyme musulman mangent quand même du porc, ou ne font pas le ramadan parce qu’ils n’en on rien à faire de l’islam . S’ils se rendent à la cantine « normale », ils risquent de se faire tabasser ou pire , à titre de représailles . Des cantines séparées seraient donc une source de violence, d’oppression et de conflits religieux dont les prisons n’ont sûrement pas besoin .
On est là devant le type même de la religiosité à géométrie variable : j’observe que si des détenus musulmans réclament un menu hallal pour respecter leurs préceptes religieux , aucun ne demande à avoir la main amputée suite au vol qui les a conduit en prison, alors que cela fait autant partie des dogmes de la religion musulmane que les menus sans porc et la viande hallal . Ces dogmes punitifs à type d’amputation des voleurs sont d’ailleurs appliqués dans bon nombre de pays musulmans . On est donc devant le summum de la tartuferie !
Enfin, pour être cynique, certains observateurs étrangers ( le Washington post ) estiment que 70 % des prisonniers français sont musulmans . Si les musulmans étaient certains de ne pas pouvoir faire autrement que de manger des aliments contenant du porc en prison, cela dissuaderait peut-être préventivement bon nombre d’entre eux d’avoir un comportement délictueux ...
Le problème de l’OIP est qu’il a beaucoup plus de chances de voir ce genre de revendications ineptes, mais politiquement correctes, être réalisées, que d’autres propositions bien plus légitimes ....
Les menus hallal ou kasher c’est l’administration-voyou de Docdory, il en voit partout , il en met à toutes les sauces c’est le cas de le dire. Quant à sa digression sur la charia c’est du grand n’importe quoi. Docdory il ne vous vient pas à l’idée que quand on pratique une religion on puisse ne pas être inégriste ? On peut être catholique, manger du poisson le vendredi, aller à la messe de minuit et copuler avant le mariage non ? Euh l’histoire du gars qui a un patronyme musulman et qui mange du cochon mais qui risque le tabassage dans la cantine « normale » mais pour qui la cantine « séparée » serait aussi violente alors là j’ai pas tout suivi. Vu la réponse laconique de l’auteur plus bas je pense que lui non-plus mais il se donne moins de mal que moi à répondre.
Avouez que c’est quand même bizarre : les prisonniers musulmans voudraient pouvoir observer leurs superstitions alimentaires religieuses en prison, mais surtout pas observer les prescriptions de leur religion concernant le sort qu’elle réserve aux voleurs !
A croire que pour certains d’entre eux , manger du porc est une offense beaucoup plus grande à leur dieu que le fait de voler autrui !
Dans la Bible on lapide la femme adultère « que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » et pourtant il me semble que les Juifs et les Chrétiens ne pratiquent plus trop cette forme de chatiment. Et bien chez les musulmans de notre territoire on ne coupe plus les mains, pas plus qu’en Algérie au Maroc en Tunisie en Egypte en Turquie au Liban etc etc ... Docdory arrêtez de jouer au con. Quant à manger du porc c’est selon, je connais des juifs ou des musulmans que ça révulse autant que ça me dégouterait de manger du chien. Ca n’a rien de religieux c’est culturel.
A ceux qui souffrent de fixation sur l’islam et qui n’hésitent pas de nous rappeler nos misères à chaque détour, sachez que les chatiments corporelles ont été instauré bien avant la conception de l’idée d’emprisonner les criminelle. L’islam n’ést pas plus à blâmer que le judaïsme ou le christianisme mais au contraire être vu comme un progrès pour l’humanité pour avoir fait régner l’ordre du mieux qui se pouvait à son époque.
En ce qui concerne notre époque l’on ne répètera jamais assez souvent que le problème de l’islam c’est les musulmans.
Aux interprétations litteralistes du coran sur laquel se basent les instigateurs
des châtiments corporelles et qui’il faut proscrire je préfère les spécialistes qui axent leur discour sur le sens profond de la révélation en ne retenant que des châtiments corporelles à l’encontre des criminelles et des voleurs une volonté de faire régner la justice tout simplement. Et à partir de ce constat substituer les mutilations à des peines de prison.
Quant à manger du porc au nom de la laicité je ne sais meme pas quoi répondre face à des tel inepties.
Commençons par nous préoccuper des victimes plutôt que de s’épancher et larmoyer sur le sort ceux qui ont violé, tué, volé, torturé etc !
Je vous rappelle que la prison n’est pas obligatoire dans une vie ! Pour ne pas y aller purger une peine,il suffit, et oui il suffitde respecter les lois et son prochain !
On choisit de tuer, violer, voler ! On ne choisit pas d’être tué, violé ou volé !
Dans le rue en France des milliers de SDF crèvent de faim et de froid ! Les délinquants, eux se la coulent douce au chaud en prison et sont nourris, blanchis et divertis !