Le traitement de l’affaire du Carlton de Lille par les médias, symptôme de leur déclin
Dominique Strauss-Kahn est finalement relaxé. Les médias l'auront donc sali pour rien durant des mois.
On se souvient des mots prononcés par François Mitterrand, le 4 mai 1993, devant la dépouille de son ami Pierre Bérégovoy : « Toutes les explications du monde ne justifieront pas que l’on ait pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme, et finalement sa vie, au prix d’un double manquement de ses accusateurs aux lois fondamentales de notre République, celles qui protègent la dignité et la liberté de chacun d’entre nous. »
Il y a dans la manière dont les médias ont traité l’affaire du Carlton de Lille, et plus particulièrement Dominique Strauss-Kahn, une part de mimétisme inquiétant. Evidemment, les conséquences de la cabale médiatique n’ont, heureusement, pas été les mêmes qu’avec l’ancien Premier ministre de François Mitterrand mais, quand même, l’ex-président du FMI a été traité de tous les noms et trainé dans la boue bien plus que de raison par les différents médias. Finalement, celui-ci a été relaxé. Cette relaxe montre bien la vacuité de toutes les accusations lancées à la volée et de toutes les informations reprises telles quelles sans vérification aucune.
Vers la fin du journalisme d’investigation et d’opinion ?
Les attaques des 7 et 9 janvier derniers sont venus rappeler avec force, si besoin était, que le journalisme le plus visible basculait peu à peu dans du journalisme de réaction sans pour autant apporter de réflexion ou de réelle plus-value à l’information brute qu’il relatait. Aussi a-t-on pu voir les mêmes images en boucle sur tous les plateaux télé au moment des attentats sans qu’à aucun moment il n’y ait une mise en perspective des informations qui arrivaient. Plutôt que de solliciter le logos des téléspectateurs ou des lecteurs, les médias se sont contentés de ne faire surgir que le pathos en se plaçant volontairement et en permanence sur le plan de l’émotion.
Il existe, heureusement, encore des médias qui tentent de faire ce travail d’investigation et ce travail de réflexion à partir des informations brutes. Néanmoins, ils sont relativement peu nombreux et subissent parfois des difficultés pour être visible comme pour Le Monde diplomatique par exemple qui, malgré sa très large diffusion internationale, est relativement méconnu en France du fait de son exposition médiatique très restreinte.
La mercantilisation de l’information
L’information est, aujourd’hui, un produit comme un autre. Il s’agit alors pour les médias de trouver la manière la plus bankable de traiter cette information pour attirer le plus d’auditeurs, de spectateurs ou de lecteurs possibles. C’est pourquoi on assiste à un essor du sensationnalisme au sein des médias.
On ne compte plus, en effet, le nombre d’émissions télévisuelles surfant sur cette dynamique, Enquête exclusive en étant l’archétype caricatural : sujets traités de façon biaisée, nom choc des reportages et réalisation à la première personne sont autant d’éléments qui font que les sujets ne sont jamais traités que sous un angle sensationnel dans le seul but de faire de l’audimat. Les chaines d’infos en continu ne sont pas en reste. Rappelons-nous, en effet, leur couverture médiatique des attentats des 7 et 9 janvier. Etre au plus près de l’action, quitte à gêner le travail des policiers, telle était la stratégie de ces chaines pour capter l’attention des téléspectateurs et tant pis si des informations stratégiques auraient pu être divulguées aux assaillants qui regardaient la télé.
Certains médias de la presse écrite n’hésitent pas, eux non plus, à recourir à des unes tapageuses pour capter l’attention du lecteur (du client devrait-on dire). Ainsi, on retrouve par exemple des unes aussi anxiogènes et sensationnalistes que « Burqa, ce qu’on ne dit pas… » ou « Immigration, Roms, Allocations, Mensonges, ce qu’on ose pas dire… ».
Pour restaurer le débat et apaiser un pays qui semble bien anxieux, ces pratiques ne me semblent pas être les plus adaptées. Finalement, la vraie question qu’il importe de se poser est la suivante : Le but premier de ces médias est-il encore d’informer de manière réfléchie sur les grandes problématiques de l’époque ?
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