Le travail est devenu inabordable en France
Ceux qui prétendent que le travail n'est pas un coût mais une richesse (évidemment sauf que quelqu'un paie malgré tout à un moment ou à un autre) ne sont sans doute pas dans la situation de payer le vrai prix du travail de nos concitoyens (il est assez facile de "revendiquer" pour un monde meilleur en utilisant un Iphone made in china, en étant habillé made in Asia et en mangeant des fruits et légumes produits à bas prix dans les pays du Sud).
Prenons 3 illustrations simples et courantes pour démontrer que les Français peuvent (et pourront) de moins en moins se payer le travail de leurs compatriotes (de là le recours à la main d'oeuvre venant de l'étranger et aux importations massives de pays à bas coûts)
1) le prix de la garde collective d'enfants
Le gouvernement n'en est pas à un paradoxe près. Il prétend limiter la dépense publique (pour faire rentrer notre pays dans les clous européens) mais il engage sans cesse de nouvelles dépenses publiques (avec sans doute l'idée que de toute façon c'est le camp politique adverse qui devra payer à partir 2017) .
Notre président prétendait par exemple (c'était en 2012) créer 275 000 places supplémentaires de crèches !
En mars dernier dans les les échos un économiste nous expliquait que la garde d'enfants en crèche était devenue une solution hors de prix pour la collectivité (si celles-ci restent subventionnées) et pour les familles (si elles devaient en payer le vrai prix)
Extraits :
La garde des enfants par des nounous ne se porte pas mieux d'ailleurs et depuis 2011, le nombre d’employeurs et le volume horaire sont en chute libre. La Gauche a baissé les déductions fiscales des familles pour la garde des enfants et désormais le travail se fait largement sans déclaration officielle (ou quelques heures par semaine).
2) Le prix des transports urbains
Le prix du ticket de métro parisien est actuellement de 1,80 €. Sans les subventions il serait proche de 6 €
Chacun devrait savoir que lorsqu'il achète son ticket de métro (ou son Pass navigo) il ne paie environ que le 1/3 du vrai coût du transport :
- 1/3 donc est payé donc par le client/usager (et la fraude est bien plus importante que partout ailleurs en Europe)
- 1 autre tiers est payé par l'employeur (via la prise en charge de 50 % du pass Navigo ou des contributions obligatoires sur les salaires)
- Enfin le dernier tiers est payé par le contribuable via la région (le STIF) ou l'Etat (subvention sur les retraites prématurées par exemple)
On aboutit au paradoxe d'avoir à la fois des transports en commun hypersubventionnés en France, très endettés (5,3 milliards d'euros pour la RATP mais plus de 45 milliards pour la SNCF) et qui pourtant ne sont pas préparés au renouvellement des équipements (la RATP pourra espérer au mieux retrouver un certain niveau de qualité de service en 2025 !)
3) Le prix d'une heure de formation
Pendant des mois les pouvoirs publics nous ont expliqué que la formation professionnelle gaspillerait tous les ans plus de 32 milliards d'euros.
Mais dans le dernier rapport d'application de la loi du 5 mars 2014, on apprend que la somme de 32 milliards d'euros était bidonnée (un agrégat de dépenses disparates incluant le cout -élevé- des lycées professionnels ou les formations des fonctionnaires). En fait la formation continue des salariés du privé ne dispose, selon ce rapport officiel déposé à l'Assemblée nationale en mars dernier, que de 6 milliards d'euros par an.
Comparons cette somme de 6 milliards d'euros par an (rémunération des stagiaires comprise) aux 144 milliards d'euros que coute officiellement l'éducation nationale aux contribuables tous les ans (sans que cette dernière n'ait à rémunérer les apprenants rappelons le). Rappelons aussi pour mémoire qu'une heure de cours d'un prof de fac coute au bas mot 500 euros à la collectivité (de là le recours massif à des contractuels, précaires qui seuls peuvent maintenir le système, hors de prix, des profs agrégés ou des chercheurs en surnombre).
- Chaque lycéen coute près de 11 000 euros par an (35 % plus cher que dans la moyenne des pays de l'UE)
- Chaque actif salarié dispose en réalité en France de 400 euros en moyenne (mais très inégalement répartis, bien moins dans les sociétés de sous traitance ou les TPE par exemple) et comme une heure de formation revient en moyenne 40 euros en France (calculs de la Cour des Comptes en 2008, rémunérations comprises), chaque salarié peut au mieux se former 10 heures par an.
On est donc bien loin des 24 h de CPF, jamais finançables avec une ridicule cotisation de 0,2% pour les seules entreprises de plus de 10 salariés.
Pourquoi le prix d'une heure de formation est-il si élevé en France (35 % plus cher qu'ailleurs en moyenne en Europe)
Le prix élevé de la formation en France s'explique par quantité de facteurs, citons entre autres :
- le prix de la gestion administrative que chaque organisme de formation doit réaliser avant, pendant et après la formation (il faut en moyenne près d' 1h 30 de travail admnistratif pour gérer un seul dossier CPF financé par un OPCA)
- une TVA exhorbitante de 20 % (alors qu'elle est de 2 ou de 5 % sur la presse ou le cinéma par exemple) empêchant tout financement par les salariés de leur formation
- le prix de l'absence de trésorerie de la plupart des organismes de formation (qui ont été littéralement asphyxiés pendant 1 an -en 2015- par la réforme de la formation). Pour assurer leur trésorerie les banques (quand elles l'acceptent) prêtent à des taux proches de 10 % par an (contre 1,5 % si vous achetez une voiture fabriquée en Corée ou un appartement pour spéculer sur l'immobilier)
- le prix du mauvais remplissage des stages qui souvent doivent être organisés avec 4 ou 5 participants (faute d'envie de se former et de temps libre pour se former) alors que le prix d'équilibre se situe autour de 8 participants (si ceux-ci n'abandonnent pas en cours de route pour des prétextes divers et variés)
- le concours au prix les plus bas et au moins disant dans les appels d'offres publics (qui demandent tout et n'importe quoi pour des prix inférieurs au prix de revient)
- le prix d'un syndicalisme sans cotisants et qui ne peut trouver de ressources hors des fonds de la formation (via les branches professionnelles et les OPCA notamment)
- le prix de la précarité des formateurs qui ne peuvent se reposer sur une activité qu' au mieux durant 120 jours par an (pas de formations le soir, pas de formations le WE, pas de formations pendant les ponts, ni les mercredis ou durant les congés scolaires) mais qui à la différence des profs ne sont payés que sur services rendus, des mois après leur prestation de formation et à la vacation
Les pompes à fric dénoncées par certains sont loin de la réalité du monde de la formation
Si comme le prétendent les contempteurs du secteur privé de la formation celui-ci n'était constituté que de "pompes à fric" on ne comprend pas pourquoi les organismes publics de formation ne prendraient pas ces marchés alors qu'ils sont incapables de présenter eux-mêmes des comptes équilibrés depuis des dizaines d'années (il faut aussi bien dire que l'Etat ne les y aide pas en sous finançant les formations publiques bien en deça de 10 euros par heure).
La formation, tout comme nombre de métiers de services, n'est donc pas rentable en France. Le Travail est devenu là encore trop complexe, trop rare, trop conflictuel et de ce seul fait les entreprises préfèreront encore pendant longtemps ne former que les plus qualifiés de leurs salariés, abandonnant les autres à un improbable Compte Personnel de Formation ou au parcours du combattant pour espérer se former quelques heures.
4) Pour travailler tous il faudra travailler plus et travailler mieux
Le travail continuera à fuir notre pays tant que nous ne l'aurons pas reconfiguré pour le XXI ème siècle (celui des réseaux, de la connaissance et de l'inforrmation)
Pour toutes ces raisons et bien d'autres, le travail, trop complexe à organiser, pénible pour nombre de nos compatriotes, pas assez qualifié et trop chargé (trop coûteux notamment pour le travail routinier)) continuera à être hors de prix pour les habitants de notre pays, des Français condamnés à quémander des aides (que l'Etat pourra de plus en plus difficilement payer) ou à ne pas déclarer le travail réalisé (le continent du travail au noir se développe à la vitesse grand V en France, rattrapant bientôt l'Italie ou la Grèce dans ce domaine).
Nous pourrions donc avoir laissé s'échapper le travail et pour rétablir une situation équitable il faudra revenir sur de nombreux "acquis" qui n'ont plus de sociaux que le nom (car ils sont payés à crédit sur le crédit des générations futures)
Ces promesses pour enfants sages croyant encore au père Noël (la retraite pour tous les baby boomer à 60 ans, les 35 h, les 5 semaines de congés payés, les CE...) doivent être reconsidérées et ceux qui prétendent lutter pour conserver un droit du travail inchangé depuis les années 70 sont soit des naïfs, soit des inconscients soit encore de grands enfants qui refusent de grandir.
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