Le vrai c’est le faux dans le discours politique néolibéral
« La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. » Dans son roman 1984, Georges Orwell invente la novlangue afin d’éliminer tout autre mode de pensée et idée hérétique. Aujourd'hui les discours autour de l'état de l'économie française manient avec maestria la novlangue et pratiquent la désinformation, la tromperie et la duperie. « Le vrai c'est le faux, Les riches, ce sont les pauvres. Le privé, c’est le public. » pourrait-on écrire en parodiant Orwell.
http://www.la-photo-en-faits.com/2013/05/capteur-taille-definition.html
"Accélérer les réformes" "augmenter la compétitivité des entreprises", "diminuer le fardeau des charges sociales"," libéraliser le marché du travail", "diminuer la pression fiscale","réduire la dépense publique" ; il ne passe pas un jour sans qu'un représentant du patronat, un expert économique ou un membre zélé du gouvernement ne nous bassine sur l'état d'une économie "administrée" incapable d'affronter la "compétition" internationale. Le portrait social de la France tiré par l'INSEE et Le « tableau de bord de l'attractivité de la France » de l' Agence Française pour les Investissements Internationaux ( l'AFII ) nous éclairent sur une réalité bien différente de celle décrite dans ces discours qui ne visent qu'à défaire les systèmes publiques de l'éducation de la santé et de l'aide sociale, à réduire le poids de la sphère publique dans l'économie et au final à libérer les nantis ( les 1 % ) de leur contribution élémentaire au bien commun.
"POUR RETROUVER LA CROISSANCE, IL FAUT REDUIRE LA DEPENSE PUBLIQUE". ( Manuel Walls)
Mais alors comment expliquer que "Les français restent parmi les plus productifs au monde" ? ( titre du Figaro du 18 novembre sur le dernier rapport de l'AFII). Ainsi, d'après cet article, la France disposerait d'une main d'oeuvre très productive : "La France est quatrième en termes de productivité horaire du travail ( 6° au rang mondial). Par ailleurs, le pays se place également à la quatrième place en termes de personnel de recherche et développement effectif pour 1000 actifs. L'éducation des cadres supérieurs est en effet développée sur le territoire. « Dans l'enseignement supérieur, la dépense annuelle par étudiant est supérieure à la moyenne des pays de l'UE mais bien inférieure à celle des États-Unis ou de la suède », explique l'AFII. Un autre atout de la population française : le taux de fécondité est au deuxième rang derrière celui de l'Irlande". La France serait a la pointe de la recherche : "La France est au premier rang devant les États-Unis pour le financement et les incitations fiscales à la recherche et au développement en pourcentage de son produit intérieur brut. « La fiscalité française des dépenses de recherche et développement est la plus avantageuse au monde, grâce au Crédit d'impôt recherche (CIR) », constate l'AFII. Par ailleurs, elle « arrive au 6e rang mondial pour les dépenses de recherche et développement avec 55 milliards de dollars, derrière les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l'Allemagne et la Corée », note l'AFII. Plus de la moitié de ces activités de recherche et développement sont réalisées dans l'industrie automobile, l'industrie pharmaceutique, la fabrication d'équipements radio, télé et communication, et la construction aéronautique, précise l'étude." Le pays disposerait d'un réseau électrique et des infrastructures performantes : " Concernant les infrastructures la France n'est pas en reste : le pays est numéro un pour le prix de l'électricité, suivie de la Suède. « Avec moins d'une interruption par consommateur par an, la France dispose d'un réseau électrique performant et fiable », commente l'AFII.L'internet haut débit fixe est également bien développé en France avec le deuxième taux de pénétration du classement, derrière les Pays-Bas."
Le classement est excellent aussi pour la qualité des équipements de transports terrestres, maritimes et aèriens. L'aéroport Roissy Charles de Gaulle s’affiche comme le deuxième sur les quatorze pays, derrière l’aéroport London Heathrow pour les passagers – et le premier pour le fret. En outre, la qualité de vie reste, traditionnellement, un atout tricolore majeur, fondé sur des services publics gratuits et de qualité, notamment en matière d’éducation et de santé, souligne le rapport.
L’étude de l’Afii souligne également le positionnement géographique de la France en Europe qui en fait un véritable tremplin vers le marché européen et africain. L'étude concède aussi que malgré ses défauts, la France reste encore un pays à forte puissance commerciale, au 4e rang mondial des pays exportateurs de services et au 6e rang mondial pour les exportations de biens.
A contrario, l'Allemagne tant vantée par les experts économiques est dans une situation critique en ce qui concerne ses infrastructures : "Pour la deuxième fois en un an, le pont de l’autoroute A1 à Leverkusen sera fermé pour trois mois aux camions de plus de 3,5 tonnes. Certaines soudures doivent être réparées d’urgence, a estimé lundi le ministère des Transports du Land de Rhénanie-du- Nord-Westphalie. L’année dernière, des travaux comparables avaient entraîné des embouteillages historiques dans cette région industrielle, berceau du chimiste Bayer, et engendré des coûts pour la collectivité de 80 millions d’euros. Le pont de Leverkusen n’est pas un exemple isolé en Allemagne. Dans le Nord, le canal reliant la mer du Nord à la Baltique a dû être fermé aux navires marchands du fait d’écluses vétustes. Résultat : les bateaux doivent faire un détour de 460 kilomètres en passant au nord du Danemark. Selon le dernier rapport annuel sur les investissements d’infrastructures, 20 % des autoroutes, 41 % des routes nationales et 46 % des ponts allemands sont dans un état critique." ( article du 17/06/14 Les échos sur le cri d'alarme de l'Industrie allemande ) . Il en est de même du matériel militaire. Le commissaire parlementaire aux forces armées vient de lancer un cri d'alerte : "Les missions extérieures de la Bundeswehr ne sont plus compatibles avec l'état actuel du matériel".( lien )
Monsieur le Premier ministre, quel est donc ce "boulet" que représenterait " la dépense publique" ? De quels vices intimes les dépenses de l'Etat serait-elle affublées ? Les résultats soulignés par le rapport de l'AFII sont un démenti cinglant de cette imposture sur la nocivité de la dépense publique sur l'économie. C'est bien un investissement public au long cours conséquent, dans tous les domaines de l'économie, dans des infrastructures de transports, dans des services publics , qui a doté le pays de tous ses atouts vantés par le rapport.
Si la politique publique a bien permis de créer un terrain propice à la création de richesse, elle n'a en revanche pas pu, ces dernières années, faute de moyens, réduire l'exclusion et la précarité qu'a engendré l'économie libérale mondialisée et la crise financière de 2007. Car ceux, qui grâce à cet ecosystème favorable, s'accaparent une part importante de la richesse créée font tout pour diminuer leur contribution. Le dernier portrait social que dresse l'INSEE sur la France montre les dégats de la crise sur les plus fragiles et contredit encore une fois les propos de notre Premier ministre.
" NOUS VIVONS AU-DESSUS DE NOS MOYENS" ( Manuel Valls )
C'est en effet ce qu' a osé affirmer le Premier ministre au journal de 20 h le 16 avril dernier, quelques jours seulement après sa nomination et alors que la pauvreté et la précarité n'a pas cessé de croître, ( Plus nombreux , les SDF vivent dans des conditions plus difficiles qu'en 2001 ) que les inégalités se sont accrues au profit d'une minorité qui a vu ses revenus et son patrimoine littéralement explosé.
Ce nouveau rapport de l'INSEE permet de comprendre « où nous en sommes après plusieurs années de crise », explique Fabrice Lenglart, directeur des statistiques démographiques et sociales . Entre 2008 à 2013, on observe une dégradation du marché du travail, une augmentation de la précarité et une stagnation du revenu salarial. Alors que la France compte 2,8 millions de chômeurs en 2013 au sens du Bureau international du travail, l’Insee révèle que plus de 1,1 million d’entre eux recherchent un emploi depuis plus d’un an. Un chiffre en hausse de 56 % en cinq ans (+ 400 000 chômeurs). La conséquence immédiate est une forte hausse du nombre d’allocataires au revenu de solidarité active – RSA (+ 430 000 entre 2008 et 2012,soit +26 % en cinq ans) et ainsi une dégradation de leurs conditions de vie. Cette situation pèse sur les salaires dont la progression est freinée depuis 2007, au point que les inégalités salariales augmente. De 2008 à 2013, Les revenus des plus modestes ont diminué de 6%. Lire l'article de l'Humanité : une France étranglée par les inégalités.
Pendant cette période les entreprises se sont restructurées, elles ont par tous les moyens diminué la charge salariale par des licenciements, l'emploi d'intérimaires et le blocage des salaires. Alors que l'économie est à l'arrêt faute de demande, beaucoup d'entreprises cotées ne savent plus que faire de leur Excédent Brut d'Exploitation ( E.B.E.). Ne pouvant investir,faute de demande, elles augmentent les dividendes,( 2014 : année record pour la distribution de dividendes ),tout en optimisant au maximum leur contribution fiscale aux dépens des finances des Etats, elles développent des programmes de rachats d'actions qui ne servent que les intérêts des actionnaires aux dépens des salariés, renforçant encore les inégalités entre les détenteurs de capitaux et ceux qui ne possèdent que leur force et leur intelligence pour vivre.
Alors que le rôle de l'Etat pendant cette période de crise sociale provoquée par la sphère financière de l'économie aurait dû être de renforcer l'aide sociale et les régimes de transferts sociaux pour limiter l'impact de cette crise sur les plus faibles, on tourne le dos à cette politique en stigmatisant les victimes et en se prononçant pour la réduction de la "pression fiscale", affaiblissant encore le rôle de la puissance publique dans la conduite de l'économie et renforçant ainsi une économie au service exclusif d'une minorité de plus en plus réduite.
Ce détournement de la richesse créée vers les seuls intérêts financiers d'un petit nombre épuise le pays et obère dangereusement l'avenir. Les inégalités extrêmes dégradent les gouvernances démocratiques, renforcent le pouvoir des oligarchies, limitent l'accès à l'éducation et à la santé, l'égalité homme-femme, et la mobilité sociale. Peu à peu l'organisation économique et sociale devient duale : Low-cost pour la grande masse et luxe et services premium pour les 1 %. Quartiers résidentiels fermés et sécurisés pour les uns, logements précaires dans des quartiers périphériques pour les autres. Ce type de société, à l'apartheid social assumé, induit frustration et montée de la violence avec le développement d'une économie souterraine.
En prêchant le faux à la place du vrai ce gouvernement social libéral a trahi définitivement ceux qui l'ont porté au pouvoir et donne ainsi raison au milliardaire américain Warren Buffett qui a déclaré il y a quelques années, qu'il existait "bel et bien une guerre des classes mais c'est ma classe, la classe des riches qui fait la guerre et c'est nous qui gagnons".
Nos bonimenteurs et imposteurs en tout genre ne pourront repousser éternellement le soulèvement inévitable de la grande masse des perdants devant cette agression permanente qu'à décidé de perpétuer envers la majorité de la population la classe des éternels gagnants.
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