Les autorisations et les interdictions qui ne servent à rien
En France le contournement des lois est devenu un sport national et ce, en dépit de toute forme de morale. Deux exemples : la loi Evin et les AMM des médicaments.
Instaurée en 1991, la loi Evin était censée interdire durablement la publicité pour les alcools et le tabac. En réalité, les industriels sont parvenus à contourner la loi dans toutes ses dimensions répressives. En effet, et bien que la consommation d’alcool et le tabagisme soient responsables de milliers de morts chaque année, les publicités des plus grandes compagnies mondiales sont toujours plus suggestives et intrusives afin d’attirer les jeunes (de plus en plus jeunes). Ces publicités s’installent dans les magazines de variétés ou de cinéma, apparaissent sur des bannières dans les réseaux sociaux fréquentés par les adolescents comme la bière Desperados. Marlboro transforme son packaging en appareil photo style smartphone. Philip Morris, de son côté, estime que les packagings décalés, tendance, sont faits pour attirer les plus jeunes. Dans le même esprit les bouteilles de vodka ou de whisky se parent de couleurs modernes à l’instar de la nouvelle bouteille de Pernod. Des campagnes de sensibilisation sont également sponsorisées par des limonadiers pour faire prendre conscience aux adolescents du danger de l’alcool et en profiter pour faire leur promotion…
L’imagination du marketing est donc sans fin et il s’agit d’une véritable plaie qu’il conviendrait de combattre mais les puissances du business et de l’argent sont toutes puissantes. Warren Buffet, ancien membre du Conseil d’administration de Reynolds déclarait ainsi : « une Camel, coûte 1 cent à fabriquer et elle se vend 1 dollar. Il y a de quoi être accro… ».
Si les interdictions sont légion, les autorisations sont plus rares mais posent autant de problèmes. Ainsi il en va des autorisations de mises sur le marché des médicaments. Les multiples crises et scandales comme es prothèses PIP, le Mediator, les pilules de 3 et 4ème génération, l’Avandia, l’Avastin… interrogent l’entendement. Comment des collèges d’experts, des scientifiques peuvent-ils autoriser des produits dont les effets indésirables sont potentiellement connus. Reprenons la procédure extraite du site de l’Autorité de santé : « Le développement par un laboratoire d’un médicament de la molécule jusqu’à la commercialisation du médicament nécessite dix à quinze ans de recherche pour explorer tous les champs d’investigation. Ces travaux, tests précliniques, essais cliniques et de développement industriel, sont strictement encadrés par la loi. Les essais cliniques nécessitent une autorisation délivrée par l’ANSM, qui vérifie les lieux de leur réalisation, les modalités des tests de tolérance, effectués sur des sujets volontaires non malades, puis sur un nombre restreint de malades et sur des centaines de malades voire des milliers. Durant cette phase, se déroulent également des essais relatifs au développement industriel et au mode d’administration et de conditionnement (gélules, comprimés, sirop...). Toutes ces informations vont constituer le dossier d’autorisation de mise sur le marché (AMM), déposé par les entreprises. Car pour être commercialisé, tout médicament fabriqué industriellement doit faire l’objet d’une AMM délivrée par les autorités compétentes européennes ou nationales que sont la Commission européenne, après avis de l’agence européenne d’évaluation des médicaments (EMA), ou l’ANSM. En effet, il existe des procédures communautaires de demande d’AMM, utilisées lorsque le médicament est innovant ou destiné à plusieurs Etats membres de la Communauté européenne. Selon le type de procédure communautaire, c’est l’Agence européenne ou le laboratoire qui choisit respectivement l’Etat rapporteur ou l’Etat référent. L’ANSM étant, pour la France, le rapporteur auprès de l’Agence européenne. Les demandes de mise sur le marché, limitées au territoire national, sont examinées par l’ANSM, qui évalue le produit selon des critères scientifiques de qualité, sécurité et efficacité. Le nouveau produit devant présenter un rapport bénéfice/risque au moins équivalent à celui des produits déjà commercialisés. Après l’évaluation scientifique, le dossier passe devant les commissions de l'Agence. »
Devant autant de précautions, il serait légitime de croire qu’il n’y aura aucun problème sur tel ou tel médicament. Cependant, l’observation démontre le contraire. On suppose donc que d’autres critères entre en jeu : puissance et lobby des laboratoires, conflit d’intérêt d’experts, insuffisance de formation des médecins et des pharmaciens, culpabilité de certains patients désirant absolument des médicaments. Depuis le début de l’année, 6 décisions de police sanitaire imposent la suspension de médicaments ou de dispositifs médicaux (12 en 2013).
La liste est donc longue des médicaments détournés ou « mésusés » avec des conséquences parfois désastreuses sur la santé humaine. En août 2012, le ministère des Affaires sociales et de la Santé rappelait qu’il était interdit d’utiliser un médicament non-autorisé pour soigner une maladie lorsque qu’un autre médicament dispose, lui, de cette autorisation.
En somme, alcool, tabac et médicaments se rejoignent : il suffit de contourner la loi.
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