Les banques centrales ne déstabilisent pas l’économie mondiale
En injectant massivement des liquidités dans l'économie, les banques centrales ne croyaient pas faire repartir la croissance, mais cherchaient a faire partir la machine économique mondiale. Ce n'est pas le contraire qui s’est produit, sauf que des lignes rouges ne devaient pas être dépassées.
La dégradation brutale des marchés financiers dans les pays de l'OCDE depuis le printemps de 2015, et surtout depuis le début de 2016, semble surprendre. Elle concerne les actions, les obligations émises par les entreprises, les dettes bancaires, même les dettes publiques de certains pays périphériques de la zone euro.
« Cette dégradation des marchés financiers est liée bien sûr à la multitude de chocs et d'incertitudes qui affectent l'économie mondiale : ralentissement de l'économie chinoise et incertitude sur la politique de change de la Chine (pourrait-il y avoir une forte dépréciation du taux de change du yuan chinois ?) ; signes concordants annonçant la fin du cycle d'expansion aux Etats-Unis ; crises des sociétés pétrolières américaines et de leurs fournisseurs ; récession dans de grands pays émergents (Brésil, Russie…) et dans les pays exportateurs de pétrole ; retour à la croissance nulle au Japon… » affirme Patrick Artus.
Patrick a entièrement raison quand il affirme que la chute des marchés financiers résulte de des chocs financiers, qui a été fortement amplifiée par les décisions des banques centrales et, en Europe, des régulateurs des banques. Les politiques monétaires des pays de l'OCDE ont été extrêmement expansionnistes, avec le quantitative easing (création monétaire contre achats d'obligations par les banques centrales) aux États-Unis et au Royaume-Uni, puis au Japon et dans la zone euro, depuis 2008-2009. La quantité de liquidité mise en circulation par les banques centrales dépasse aujourd'hui 30 % du produit intérieur brut des pays de l'OCDE, et cette liquidité considérable nourrit des flux de capitaux de plus en plus de grande taille qui peuvent devenir acheteurs puis vendeurs des différentes classes d'actifs financiers (actions, obligations des entreprises et des banques, dettes publiques).
Le mécanisme est simple : les banques centrales achètent des obligations aux investisseurs et payent en créant de la monnaie ; cette monnaie est alors utilisée par les investisseurs pour acheter par exemple des actions ; si l'incertitude augmente, si l'aversion pour le risque devient forte, les investisseurs revendent les actions et reviennent sur des actifs sans risque (dette publique des États-Unis, de l'Allemagne, du Japon). Plus la liquidité est abondante, plus ces flux de capitaux investis puis désinvestis sont de grande taille, et plus la réaction des prix des actifs financiers aux bonnes et aux mauvaises nouvelles est forte, ce qui se voit clairement aujourd'hui avec les mauvaises nouvelles sur l'économie mondiale vues plus haut.
Les politiques monétaires ultra-expansionnistes génèrent donc une très forte volatilité des prix des actifs financiers. Cependant, n’en déplaise à Patrick Artus, ce processus monétaire ultra-expansionniste non seulement nécessaire mais impératif. Si ce processus n’avait pas été enclenche des l’éclatement de la crise financière en été 2008, c’est toute l’économie de la zone euro, américaine, britannique, et, dans le sillage, le reste du monde, qui se serait retrouve avec une crise comparable des années 1930. Avec des taux de chômage non pas a 10% au Etats-Unis, mais 20 voire 30%.
Regardons maintenant le rôle des nouvelles réglementations des banques de la zone euro, en particulier de celles liées à la mise en place de l'Union bancaire. La plus importante est le passage du « bail-out » au « bail-in » : en cas de grave difficulté d'une banque, elle ne peut plus être secourue, recapitalisée par l'État, et il y a mise à contribution des actionnaires et des porteurs de dette obligataire qui perdent une partie de leurs investissements dans la banque.
L'objectif de cette réforme, du passage au « bail-in », est de faire disparaître l'incitation à prendre des risques excessifs qu'avaient les banques quand elles savaient qu'elles allaient être secourues par les États. Mais la conséquence de cette réforme, comme on le voit clairement aujourd'hui, est que les investisseurs considèrent que les actions et les obligations émises par les banques sont devenues des actifs financiers très risqués. En cas de hausse de l'incertitude ou de ralentissement de l'activité, les investisseurs vendent rapidement ces actifs risqués et cela déclenche, ce qui est le cas depuis le début de l'année 2016, un effondrement des cours boursiers des banques et une hausse très forte des primes de risque qu'elles doivent payer sur leurs obligations. Il en résulte une très forte hausse des coûts de financement des banques de la zone euro et, inévitablement, une contraction du crédit bancaire qui va amplifier les difficultés économiques et ralentir la croissance.
Il est clair que les quantitative easing déclenchés par les banques centrales américaine, de la zone euro, du Royaume-Uni et du Japon, ne pouvait être perpétuel vu que les bilans de ces Banques grossissaient, et qu’il fallait tôt ou tard se délester. D’autant plus que ces bilans, c’était de la dette publique et privée, et dont une bonne partie était des capitaux prêtés par les pays émergents et pétroliers.
Par conséquent, le passage du « bail-out » au « bail-in » est simplement un avertisse ment aux banques, qui signifie qu’il ne faut plus compter sur les QE des banques centrales. Les liquidités faciles pour secourir les systèmes bancaires ne sont plus une priorité. L’opération en cours est d’assainir les bilans des banques centrales, ce qui se traduit par un désendettement vis-à-vis du reste du monde, en particulier de la Chine. Et c’est cela l’enjeu aujourd’hui. On comprend pourquoi la contribution des actionnaires et des porteurs de dette obligataire qui perdent une partie de leurs investissements dans la banque est une nécessité.
Et si les conséquences de ces décisions sont très défavorables : hausse considérable de la volatilité des prix des actifs financiers avec l'excès de liquidité créé par les banques centrales qui se transforme en flux de capitaux de taille croissante, ceci au départ, i.e. dans la phase ascendante du cycle, les difficultés des banques de la zone euro dès que des incertitudes apparaissent relèvent simplement du début de la phase descendante du cycle qui a commencé au deuxième semestre 2014, avec la chute des prix pétroliers. Et nous ne sommes encore qu’au début de la phase descendante, avec la hausse du taux d’intérêt de la Fed en décembre 2015.
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