Les bizutages : pas complètement disparus
Bien qu’ils soient officiellement interdits, ces cérémoniels survivent plus qu’on ne le croit. Il convient d’être vigilant en cette période de rentrée !
La loi du 17 juin 1998 instaure un nouveau délit. Elle stipule que quiconque pratique le bizutage qui est l’action "d’amener autrui contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaires et socio-éducatifs" est passible d’une peine de six mois de prison et de 7500 euros d’amende. Par le passé, des circulaires peu respectées ont été diffusées. La première date de... 1928. Plus récemment, en 1992 (sous l’égide du ministre de l’Education nationale, Jack Lang à l’époque) et en 1998, postérieurement à la loi, Mme Royal dans le même ministère, rappelaient aux personnels de l’Education nationale cette obligation.
Pourtant, ces pratiques que l’on peut qualifier de barbares n’ont pas disparu. Elles ont souvent changé de dénomination et s’appellent dorénavant "week-end d’intégration". Le problème majeur est la difficulté à pouvoir les repérer et donc les dénoncer, du fait d’un certain secret qui entoure ces pratiques, et de la complicité (active ou passive) de l’environnement humain au sein duquel elles ont lieu. L’an dernier, un chauffeur de bus a accompagné durant le week-end une promotion d’une école de commerce. Il a été complètement outré par ce qui s’y est passé : confiscation des portables et des papiers, brimades à la limite des sévices, privation de sommeil...
Les partisans de ce type "d’intégration" minimiseront, c’est sûr, la gravité de ces actes et baseront leur argumentation sur "l’esprit de corps" qui en ressort. Ou bien ils invoqueront le consentement de ce qu’il faut bien appeler leurs victimes, ou la possibilité qui leur est "offerte" de refuser de se prêter à leurs "jeux", la tradition (ça s’est toujours fait)... ! Hormis le fait qu’ils commettent une infraction, il faut se poser d’autres questions :
- ce formatage (certaines grandes écoles parlent d’usinage) est-il absolument nécessaire dans le cursus des études ? ;
- les "bizutés" sont-ils réellement en position de refuser (pressions psychologiques, rejet au cours des études) ? Pour certains, leur immaturité, car ce sont de très jeunes gens et jeunes filles ne leur permet pas d’avoir la force de s’y opposer ;
- doit-on à tout prix préserver des "traditions", fussent-elles imbéciles et attentatoires à la dignité humaine ?
Il sembe que le bizutage soit une vaste opération visant à briser la personnalité des individus, du décervelage collectif ! On peut alors comprendre pourquoi les institutions au sein desquelles il se pratique soient... tolérantes. De bons élèves sont des élèves soumis !
Faut-il différencier les bizutages et en tolérer les plus... bon enfants ? De la farine, des sacs plastiques, mendier sur la voie publique... Ce n’est pas violent, pas humiliant si l’on a une certaine capacité à l’autodérision. Certes ! Mais si ces bizutages n’ont pas le même degré que ceux visés spécifiquement par la loi, il n’en demeure pas moins que dans leur nature, ils procèdent du même esprit.
Le bizutage, bien au-delà des lieux où il se pratique, pose fondamentalement la question des rapports humains au sein de la société. Le message qu’il envoie est clairement "tu t’intègres ou on te désintègre !", ni plus ni moins. Dans le même ton, quelqu’un aurait dit récemment qu’il se montrerait obséquieux avec les puissants et méprisant avec les faibles. A méditer !
PS : à titre documentaire, on peut se reporter à un article paru sur Agoravox intitulé Bizutage aux arts et métiers en mars 2006, surtout lire les réactions, qui sont éloquentes en la matière. Un livre récent paru en août 2007 intitulé Je suis morte et je n’ai rien compris de Solenn Colleter aborde également ce sujet.
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