Les contingents de l’histoire - L’Europe, une « inhumanité dans l’Humanité »
« L’homme a vécu longtemps au sein de la nature avant d’arriver à réfléchir sur la nature ; long-temps aussi il a appartenu à l’histoire avant de se demander ce que c’est que l’histoire. Entre un état donné et la conscience de cet état, il y a une route immense à parcourir, un abîme profond à combler, et les premières lueurs de ce retour de l’histoire sur l’histoire elle-même, ne se montrent qu’avec Vico, au commencement du XVIIIe siècle. Si depuis Vico, la scienza nuova n’a pas fait tous les progrès qu’on en attendait, il ne faut pas s’en étonner ; une science aussi complexe et qui exige une prodigieuse quantité de connaissances, ne peut être créée de toute pièce par quelques hommes, s’appelassent-ils Montesquieu, Bossuet, Herder, Schlegel, Hegel. C’est surtout du temps et de sa marche tranquille qu’il faut attendre ses développements.
C’est déjà cependant un notable progrès que d’être arrivé à considérer l’histoire, non comme le résultat exclusif des velléités mesquines de quelques individus, mais encore comme la manifestation la plus élevée de l’intelligence infinie. Poser ce principe et développer quelques unes de ses conséquences, c’est un résultat immense dont l’époque à laquelle nous appartenons peut justement s’enorgueillir ; mais hâtons-nous de l’avouer, c’est là tout ce que nous avons atteint jusqu’à présent, et Hegel lui-même, a plutôt écrit une méthode de la philosophie de l’histoire, que la philosophie de l’histoire elle-même. […]
Par philosophie de l’histoire, il ne faut pas entendre des réflexions philosophiques sur l’histoire, réflexions auxquelles la matière historique, les faits serviraient comme exemple, mais bien l’histoire elle-même. »
Tiré de « PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE. »,
pages 237, 238, 239, de l’ouvrage HÉGEL,
Exposition de sa doctrine. Toulouse, 1844
1. Le retour du balancier. Début de solution pour les peuples soumis
Le nationalisme exacerbé en Europe, la guerre avait déjà commencé dans les esprits, bien avant le conflit. Mise en place systématique de la conscription, partout la durée du service militaire a été allongée, partout les budgets militaires ont massivement augmenté. La guerre était en l’air avant même qu’elle ne se déclenchât. C’est comme si la « Nature » avertissait sur ce qui allait advenir. Il ne fallait qu’une conjoncture propice, qu’un détonateur qu’on actionnerait...
Les pays colonisés d’Afrique et d’Asie ne posaient pas de problèmes majeurs, ils étaient des peuples soumis. Il y eut aussi des peuples européens dans les Balkans, assujettis aux empires européens. Ils se situaient au cœur même du « centre de décision du monde ». Il y a un « mimétisme naturel » chez les peuples. Si l’empire ottoman a vacillé dès le début du XIXe siècle, avec l’avancée de l’unité allemande et italienne, d’autres mouvements nationaux vont apparaître. Il est « naturel » que les peuples des Balkans aspirent eux aussi à leurs indépendances, surtout qu’on ne peut les convaincre qu’ils étaient « inférieurs » à ceux qui les gouvernaient. Gouvernants et gouvernés étaient « blancs ». Nombre de gouvernés étaient les égaux de leurs maîtres coloniaux par l’éducation, le niveau culturel ou économique. Être gouverné par ses inférieurs ou, plus exactement, par ceux qu’on considère ainsi, est une expérience particulièrement amère. Tout peuple aspire à vivre dans une patrie, dans un État reconnu par le monde. C’est un problème de dignité, de sentiment d’être égal avec les autres peuples.
C’est ainsi que cette double « paranoïa » des armements et des puissances pour annihiler toute volonté des peuples se résoudront par une guerre terrible et ruineuse. C’était une guerre « à la vie à la mort », sans merci, illimitée voulue par les belligérants. Cette guerre qui commença en août 1914, que tous croyaient qu’elle se terminera avant l’hiver, a duré quatre longues années. Elle ne prendra fin qu’en novembre 1918.
Cette guerre provoquée par une « humanité dans l’Humanité » aura été une « inhumanité dans l’Humanité ». Comment l’expliquer ? Aucun sujet dans l’histoire n’a été aussi débattu que la Grande Guerre. Toutes les hypothèses ont été émises. Une hypothèse que les grandes puissances « étaient tout simplement entrées par mégarde ». Les marxistes et beaucoup d’autres ont vu dans cette guerre, la conséquence inévitable de la rivalité capitaliste et impérialiste entre France et Angleterre, d’une part, l’Allemagne et l’Autriche, d’autre part.
A vrai dire, le « retour du balancier, le retour de l’heure qui est venue », il y a une parenté entre « la guerre coloniale, la résistance des peuples au diktat des puissances d’Europe et la guerre compensatrice de tant de méfaits, tant de barbarie, de forces inégales entre le barbare venu de l’extérieur et le pseudo barbare de l’intérieur qu’on veut civiliser par la spoliation, le crime et la terreur ». La Grande guerre va apporter un début de solution à la « barbarie civilisatrice de l’Europe ».
2. La « Nature » était-elle contre l’Europe ?
Les historiens ont parlé de réactions en chaîne, des États cherchaient à défendre leurs possessions, d’autres à les disputer, cela a fini par un conflit généralisé. Sols et peuples des pays dominés, y compris ceux des puissances européennes, étaient des enjeux parce qu’ils représentaient un espace vital. Ils constituaient des « gisements de minerais pour l’industrie et de main d’œuvre à exploiter ». Les historiens n’ont pas pris en compte le « Tribunal de l’Histoire ». Des empires ont précédé les empires européens. Rome qui a utilisé les « Barbares » pour « asservir » les peuples n’a pas été détruite par ces « mêmes Barbares » ? Que les puissances européennes se soient constituées en empires, grâce à une technologie militaire avancée, ne peut demeurer qu’un temps de l’Histoire. « Aucun peuple ne peut rester esclave d’un autre, sinon le sens même de l’existence humaine serait un non-sens ». Tout peuple a besoin d’ « être », et d’ « être libre et organisé au sein d’institutions qui restent toujours à parfaire », donc à évoluer selon les « lois mêmes de la Nature ». On comprend pourquoi les guerres ont un « sens » pour la « liberté », la « liberté des peuples ».
Cette même technologie militaire, qui a propulsé l’Europe dans le monde et lui a permis une emprise totale sur les peuples moins avancés, s’est retournée contre ce « centre du monde ». Une technologie qui s’est chargée de le détruire dans un premier temps durant le « premier conflit mondial ».
Hegel aurait défini les rivalités entre les empires européens comme une « ruse de l’Histoire ». C’est ainsi que la « Nature a repris ses droits », les richesses prélevées des autres continents vont s’avérer en fin de compte des « poisons », corrompant sens et raison des grands pays européens. Les Empires, pouvaient-ils le savoir ? La « Nature » était-elle contre l’Europe ? En réalité, il y a une dialectique dans la « Nature ». Tout est conforme dans cette « Nature-monde », tout revient à la « Nature », par là, on veut dire que l’évolution est naturelle, bien plus, « la Nature a favorisée le développement des armes ». Ces armes ne sont plus dirigées contre les peuples soumis parce que ces peuples n’attendent rien. Sans moyens de guerre suffisants, sans aide contre un ennemi surpuissant, sans changement de conjoncture, ils ne peuvent que se soumettre ou tenter par le dialogue de faire entendre leurs voix. Mais, ironie du « temps », la « Nature » met les puissances contre les puissances, ces armes que le génie européen a inventé sont appelées à causer des hécatombes en Occident. Même les indigènes associés dans les guerres européennes apporteront leur contribution dans la destruction de l’« Occident » !
Sens même de notre conscience, de ce qui nous entoure avec les êtres et les choses, « Elle » nous intime de comprendre qu’il y a une Intelligence au-dessus de nous. Et si tout est « ordre » dans la « Nature », le « désordre » a aussi un sens dans l’« ordre ». Dès lors, on peut déduire que le premier « conflit mondial » était un passage obligé dans le sens qu’il a rebattu les cartes du monde. Après le Premier conflit mondial, le monde n’était désormais plus le monde d’avant 1914. Les mentalités ont changé, les rivalités entre les puissances ont diminué, une nouvelle ère s’est ouverte pour les peuples soumis. Les traités des Versailles et de Sèvres [juin 1919 et août 1920] ont donné naissance à de nouveaux États. Des peuples ont été libérés de la tutelle des empires : Pologne, Yougoslavie, Tchécoslovaquie, Estonie, Lituanie, Finlande… En tout 35 États au lieu de 26. Trois empires ont été démembrés : Ottoman, austro-hongrois et allemand. L’Autriche et l’Allemagne sont devenus des républiques, la Hongrie une monarchie sans roi. L’Allemagne a perdu toutes ses colonies, que se sont distribués les vainqueurs. Il en va de même pour la Turquie, qui a perdu neuf dixièmes de son empire et se trouve confinée à la Turquie d’aujourd’hui. Quant aux autres peuples d’Afrique et d’Asie, l’espoir était permis pour qu’ils retrouvent eux aussi leur liberté. La Première Guerre mondiale « s’inscrivait en droite ligne du devenir des peuples ».
3. La Révolution bolchevique, un « phare » pour le monde
Le monde a repris le chemin de la paix. Les traités qui en sont sortis de la victoire des Alliés devaient façonner un nouveau monde. Mais les frustrations, les tristesses, les angoisses surtout des peuples vaincus ont été autant de reproches faits à l’ordre nouveau qu’il était prévisible que la paix ne serait pas durable, que les traités de Versailles et de Sèvres n’auront constitué qu’un répit pour les puissances, sorties épuisées de la guerre. Que les peuples colonisés d’Afrique et d’Asie restent aussi dans l’expectative pour qu’ils recouvrent un jour leur liberté.
Mais comment la situation mondiale a dégénéré après le premier conflit mondial ? Et le monde se retrouver de nouveau jeté dans une autre guerre, encore plus éprouvante que la première. Une guerre qui prendra des dimensions planétaires.
Quelles ont été les causes de ce nouveau conflit ? Comment se fait-il que l’ordre nouveau n’ait pu garantir la paix ? Tous les empires qui ont provoqué le premier conflit mondial ont été démembrés. Si l’Allemagne a pu se remettre dès 1930, c’est que le monde était confronté à de nouvelles forces que ni les traités ni les pressions des puissances victorieuses ne pouvaient contraindre. Ce qui veut dire que les mesures prises par les États-Unis, l’Angleterre et la France n’y pouvaient rien dans un monde qui évoluait selon une « Raison » qui est à la fois la raison des hommes et du « contingent ». Ce « contingent » sur lequel les hommes n’y pouvaient rien.
Cependant, si « tout ce qui est est », force d’admettre que derrière « ce qui est », il y a les idées, les êtres et le monde. A travers ceux-ci et du « contingent et les forces qui en découlent » que l’histoire trouve son sens. Marx, Proudhon avant lui, et d’autres après lui, ont combattu longtemps pour des idées. Depuis la révolution de 1848, en Europe, ils ont œuvré pour asseoir une société idéale, une société sans classes. Connaissant la nature des hommes, une société sans classe n’était-elle pas une utopie ? Pourtant, soixante dix après, l’histoire donnait raison à Marx. Cet idéal s’est matérialisé durant la guerre 1914-1918, en Russie.
En 1917, les échecs militaires répétés de l’armée russe, l’enlisement dans les fronts et l’exaspération de la population russe provoquèrent la chute de la monarchie. Vladimir Ilitch Oulianov, le théoricien de la révolution russe, [connu sous le nom de Lénine], que les Allemands en guerre contre les Alliés avaient aidé à rejoindre la Russie, en avril 1917, viendra présider aux destinées de la Russie. Le 7 novembre de cette même année, la Russie, en une nuit, devient communiste. Le 22 décembre, les bolcheviks [révolutionnaires russes] signent un armistice avec l’Allemagne et ses alliés.
Si on regarde le fil des événements qui ont eu lieu en Russie, on se rend compte que tout est agencé selon un « ordre logique », i.e. que tout se tient dans le moindre événement de l’histoire. Tout a été fait pour que la Révolution arrive en Russie, comme ce qui a prévalu en France, en 1789. Cet événement était dans le « destin de la Russie », un autre événement « phare qui va ouvrir les portes de l’espoir aux peuples colonisés ». Pour la première fois, un Etat socialiste s’est érigé au « centre même du monde », ouvrant un nouveau processus dans la marche de l’histoire.
Cette révolution commencera d’abord par libérer le peuple russe de la dictature d’une monarchie autocratique et réactionnaire. Si les souffrances seront longues pour le peuple russe, et les sacrifices payés longtemps au prix du sang, leur lutte d’émancipation et de désaliénation deviendra un « modèle à suivre » pour tous les peuples quels qu’ils soient, prolétariats des pays industriels d’Europe, peuples sous tutelle. Chinois, Hindous, Africains s’en inspireront pour lutter contre l’assujettissement imposé par les puissances.
4. D’une « inhumanité » à une humanité - Les forces de la « Nature », rempart à la « folie des hommes »
A peine le premier conflit mondial terminé que les événements en Europe vont se précipitaient comme si tout courait sur cette Europe pour sa destruction. C’est ainsi qu’après un premier contingent allait suivre une deuxième contingent – la crise de 1929 – et après ce deuxième, un troisième contingent – le Deuxième conflit mondial –, probablement le plus meurtrier de l’histoire de l’humanité. Pourquoi ce deuxième conflit mondial ?
L’hypothèse que les grandes puissances « étaient tout simplement entrées par mégarde » comme cela fut pour le Premier conflit mondial ne tenait plus la route. L’Europe est entrée dans la guerre de façon que l’on pourrait dire « préméditée ». Tout semblait souffler dans cette thèse, compte tenu des séquelles du Premier conflit mondial. Le Deuxième conflit mondial déclenché par l'Allemagne en 1939 était inéluctable par son « essence ». Selon la dialectique hégélienne, les « contradictions du monde » personnifiées par l’Europe et son emprise sur les trois-quarts de l’humanité, en tant que centre de décision du monde, se sont résolues une première fois par un Premier conflit mondial. Mais les contradictions n’étant pas épuisées, de nouvelles crises surviendront pour mettre un point final à une longue histoire de domination de l’Europe sur le monde. La « crise en 1929 » suivie à la « Grande dépression des années 1930 », et celle-ci au « deuxième conflit mondial » ont constitué des « contingents » qui devaient se succéder suivant un ordre logique déterminé par la marche de l’histoire.
Ceci témoigne de la puissance de la « Raison » dans l'Histoire. Un principe immanent de la « Raison dans l'Histoire » qui utilise la liberté humaine pour parvenir à un futur imprévisible modifiant brusquement le « but pensé » par cette liberté. Si la FED a choisi une politique monétaire expansive au milieu des années 1920 pour éviter à l’économie américaine une récession, la finalité visée s’était déjà transformée en ce qu’on pourrait appeler au sens sartrien une « contre-finalité ». Un « contingent » qui n’était pas du tout « pensé » dans les projections économiques et monétaires de la banque centrale américaine mais entrait dans l’ordre transcendant de la « Raison ». Par les événements qu’ils ont provoqués, on peut dire que les « contingents » dans l'Histoire sont venus au secours du monde colonisé.
Ainsi 1939 a été l’instant critique pour le monde riche. Des millions de chômeurs par le monde transformés en millions de soldats pour aller se combattre dans la guerre par le monde. L’ordre du monde, n’étant plus « viable », devait disparaître pour laisser place à un ordre plus viable. Selon la dialectique de Hegel, ce monde devait être surmonté en passant de l’affirmation d’un monde en crise (cloisonné en zones monétaires après la crise de 1929) à la négation de ce monde (un monde entré dans une seconde guerre mondiale) et de cette négation à la négation de la négation (le monde d’aujourd’hui depuis 1945 à nos jours).
Et cette négation s’est comptée en pertes humaines sans rapport avec le premier conflit mondial : plus de cinquante millions de morts en cinq années et demie. Surtout dans le camp occidental. Et comme par miracle, devant tant de désastre, tant de ruines, tant de sacrifices humains, l’avènement de l’ « arme absolue » et son utilisation en 1945 va mettre définitivement fin aux guerres mondiales entre les grandes puissances. Comment ? En leur « promettant simplement l’apocalypse », i.e. leur destruction instantanée. Le monde, depuis les trois grands contingents de l’histoire, est désormais sous la surveillance du « feu des armes nucléaires disséminées à travers le globe ». Dans les silos, dans les grands vecteurs sous-marins et aériens porteurs de vecteurs nucléaires.
Ironie de l’histoire, ce ne sont pas les hommes qui arrêteront définitivement les guerres entre les grandes puissances mais la puissance de forces inanimées, des « forces de la Nature découvertes par l’homme et pour l’homme » qui, tel une épée de Damoclès, non seulement dissuaderont toute velléité de guerre mais pendront en permanence par leur existence sur l’existence des hommes. Les forces de la « Nature » s’érigeront non seulement comme rempart à la « folie des hommes » mais « pacifieront progressivement les hommes ».
5. Le miracle de l’Europe - Le Dasein du monde ou le « monde en soi là »
Ce que l’on pourrait dire est qu’il y a un « Dasein » quelque part de Heidegger [L’Être dans le Temps] dans le monde, ou encore un « monde en soi là » au-dessus de la volonté des hommes dans l’évolution de l’humanité. L’humanité ne va pas à sa perte comme le clament beaucoup d’intellectuels occidentaux, qu’il n’y a pas de « déconstruction du monde », mais plutôt une « déconstruction-reconstruction du monde ». Ce qui signifie que la négation engendre la négation de la négation, termes chers à Hegel. Donc une « positivité » dans le Dasein heideggérien. L’Homme comme les peuples sont « ces Êtres dans le Temps », et seront « dans les Temps à venir » autres ce qu’ils sont aujourd’hui.
L’évolution du monde est réellement positive. Et aujourd’hui encore, malgré les préjugés dus à l’imperfectibilité des systèmes politiques et économique du monde, elle est positive et ne peut être que positive. Au-delà même de l’histoire, si le monde tourne et emporte le monde dans cette rotation, c’est que le système mondial a certainement un sens, ce qui est une évidence même. Sans cela nous ne saurions pourquoi nous existons.
C’est ainsi que, marqué par les deux guerres mondiales et la grande crise économique de 1929, le « centre du monde qu’était l’Europe » reste encore, aujourd’hui, un « des centres du monde » qui fait marcher à la fois l’Europe économique et monétaire et le reste du monde. Quant aux « Trois-quarts de l’humanité », comme pour le Premier Conflit mondial, plus de cent nations ont émergé dans l’ordre des nations souveraines. Cependant d’autres souffrances, d’autres luttes les attendent et pour lesquels la « Nature », la « Raison dans l'Histoire », aura été une « Providence » non seulement pour leur libération de l’emprise occidentale mais aussi contre des forces négatives en leur sein. Comme pour le « Centre du monde » qui, déchargé de sa domination, aura à affronter de nouveaux enjeux, de nouveaux conflits en son sein et avec les pays du reste du monde.
Désormais d’une « inhumanité » à une « humanité », le monde colonisé a pu revendiquer sa liberté, au besoin par les armes. Un ordre nouveau aura émergé et deux superpuissances chercheront aussi à prolonger ce que les empires européens ont cherché à prolonger. Mais le « temps des empires » est bien fini. Au-delà de l’antagonisme des deux grandes puissances, les peuples « des Trois-quarts du monde » retrouvent le chemin de leurs indépendances, et combien même les États-Unis et l’Union soviétique chercheront à élargir leurs sphères d’influence, ces puissances en viendront à comprendre qu’elles doivent désormais composer avec les pays des « Trois-quarts de l’humanité » dans les affaires du monde.
Telle est l’histoire d’une Europe, transformée pendant longtemps en une humanité puis en une inhumanité du monde. Aujourd’hui, de nouveau en une humanité, l’Europe, incroyablement et au-delà de la crise économique de 2008, est devenue un véritable « eldorado » des droits de l’homme, de démocratie que nations et peuples, au-delà des préjugés, respectent voire même prennent pour modèle de gouvernance. Au point que des hommes traversent la mer au péril de leur vie pour rejoindre cet « eldorado », qui devient un « rêve » pour un grand nombre de peuples.
Et ce miracle a été obtenu, depuis la fin de la mainmise européenne sur les peuples.
6. Conclusion
L’auteur des lignes mentionnées supra « PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE. », HEGEL, Exposition de sa doctrine, Toulouse, 1844, évoque deux vérités : « C’est surtout du temps et de sa marche tranquille qu’il faudra attendre ses développements ». I.e. le devenir de l’Humanité. Et « Par philosophie de l’histoire, il ne faut pas entendre des réflexions philosophiques sur l’histoire, réflexions auxquelles la matière historique, les faits serviraient comme exemple, mais bien l’histoire elle-même » », ce qui signifie que la philosophie de l’histoire est consubstantielle à l’histoire même de l’humanité. I.e. la philosophie de l’histoire fait ressentir l’ « essence même de l’histoire ». En clair son « pourquoi » et son « comment » l’humanité est arrivé là [le Dasein heideggérien], et devenu ce qu’elle est aujourd’hui, et ce qu’elle pourrait être demain [le Dasein futur]. Ce qui est éminemment important pour la compréhension du monde. Et comme l’a exprimé l’auteur qui a écrit ces lignes en 1844 : « C’est déjà cependant un notable progrès que d’être arrivé à considérer l’histoire, non comme le résultat exclusif des velléités mesquines de quelques individus, mais encore comme la manifestation la plus élevée de l’intelligence infinie. Poser ce principe et développer quelques unes de ses conséquences, c’est un résultat immense dont l’époque à laquelle nous appartenons peut justement s’enorgueillir ». Et précisément, nous devons nous enorgueillir du legs laissé par ces grands penseurs européens, il y a plus d’un siècle et demi. Il nous ouvre des perspectives immenses sur l’histoire de l’humanité. Et c’est dans la mémoire des résultats passés sur l’histoire que l’homme doit entreprendre à chercher, à comprendre sa destinée, en termes de passé, de présent et d’avenir.
Medjdoub Hamed
Chercheur
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