Les couleuvres gouvernementales de l’été
La torpeur estivale est, comme nous avons pu à maintes reprises le vérifier dans l’histoire récente, propice à la digestion des couleuvres. Pendant qu’environ 58 % des Français partaient en vacances, les autres n’en ayant pas les moyens, le stakhanovisme gouvernemental a changé quelque peu le décor de cette rentrée pour la plupart d’entre nous.
Le premier mensonge d’Etat de l’été 2008 fut le message des milliers de fois servilement reproduit par nos médias : « il faut libérer les entreprises du carcan des 35 heures ».
Cette « évidence » avait beau être contredite par les statistiques européennes, personne ne s’avisa de le relever sauf notre plate-forme Agora vox par mon truchement en juin dernier.
En août, l’enquête Insee sur le travail en 2007 confirma ce que chacun peut entendre au café du commerce : les Français qui ont la chance d’avoir un emploi à temps plein travaillent beaucoup plus que 35 heures hebdomadaires.
Les heures supplémentaires d’après un sondage en cours comptant environ 1 200 réponses montre que seulement 30 % du salariat a vu ce dispositif réellement améliorer son ordinaire.
J’en conclus que l’Etat paye les employeurs (via les dégrèvements de charges liés aux heures supplémentaires) pour qu’ils appliquent la loi qui proscrit le travail dissimulé : extraordinaire avancée sociale !
Le second mensonge d’Etat consista à nous expliquer que, tel le nuage de Tchernobyl, la crise financière qui continue de faire des ravages Outre-Atlantique ne saurait dépasser les frontières françaises défendues par Christine Lagarde.
Jusqu’à notre départ en congés annuels, elle déclara avec constance que la France respecterait les équilibres budgétaires prévus. Deux mois plus tard, nous faisons de la sémantique : il y a « ralentissement de l’activité », mais pas de « récession » et faire valoir que l’on s’achemine vers une politique de rigueur relève d’une insigne grossièreté.
Le café du commerce vous dira, lui, que dans notre région Rhône-Alpes on demande désormais aux acquéreurs immobiliers d’autofinancer leur achat par 50 % de fonds propres et que les salaires grevés par le coût du transport, les augmentations EDF, GDF, merci Suez, etc., ne permettent plus de tirer l’activité par la consommation des ménages.
Ce fameux « ralentissement » explique également que le « travailler plus pour gagner plus » n’est pas près de trouver application car on n’a jamais vu des heures supplémentaires prescrites quand le carnet de commande est vide.
De retour de congés, les jeunes couples, parents d’enfants de maternelle et de primaire, vont découvrir que leurs enfants qui étaient en classe 4 jours et demi par semaine ne le sont désormais plus que 4 jours. Par conséquent, toutes les mères qui travaillent devront financer une demi-journée de garde supplémentaire pour leur progéniture.
Le troisième mensonge d’Etat a consisté en effet à annoncer que les apprentissages de la lecture, de l’écriture et du calcul étaient fondamentaux et qu’on allait faire l’effort nécessaire pour qu’une classe d’âge sorte du primaire en les ayant acquis.
Moyennant quoi, on ne forme plus les maîtres, comme si apprendre à un enfant la lecture était inné, on les renvoie à « un bon manuel » pour ce faire. On réduit les effectifs pour des raisons strictement budgétaires et on limite le temps de classe au lundi, mardi, jeudi et vendredi.
Je voudrais savoir comment la « caissière de supermarché à temps partiel non choisi » sur les malheurs de laquelle les médias se sont appesantis en février dernier et dont les heures de service varient d’une semaine à l’autre sans être calquées sur la semaine de l’enseignement public parviendra à payer 4 heures de nourrice supplémentaire.
Sans compter que l’on offre là aux employeurs un moyen radical de séparer le bon grain de l’ivraie en modifiant adéquatement les horaires des « grandes gueules » lesquelles, entre-temps, vont être fichées par le très controversé fichier Edvige.
Autant dire que l’on renvoie les femmes au foyer.
Le quatrième mensonge d’Etat a consisté à dissimuler au cours de l’été quelques dispositions croquignolesques relatives aux retraites qui toucheront la plupart des familles et plus durement les moins aisées.
Les femmes déjà les plus touchées par le temps partiel subi et maintenant renvoyées à leurs foyers sont désormais abonnées au minimum vieillesse, ce qui laisse l’entière charge de leurs vieux jours à leurs enfants dont on voulait paraît-il préserver les intérêts.
En stigmatisant la CFDT lors de la signature des accords 2003 sur les retraites, on n’a pas vu qu’elle avait obtenu un départ anticipé pour plusieurs centaines de milliers de salariés ayant commencé à travailler à partir de 14 ans et ayant le nombre de trimestres requis pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Le gouvernement ne pouvait laisser perdurer une disposition aussi équitable et qui a eu un aussi franc succès.
Après six années de fonctionnement sans que qui ce soit fasse la moindre observation, ce dispositif a fait l’objet cet été d’une « interprétation » qui aboutit à ce que cette retraite « anticipée » vous rende passible d’un dégrèvement de pension.
Exit donc les départs anticipés à la retraite pour tous les salariés modestes, essentiellement ouvriers et employés demeurés tout au long de leur carrière dans des métiers souvent rudes et contraignants. Sept années d’espérance de vie séparent l’ouvrier du cadre. Et il est budgétairement exact qu’il vaut mieux que les premiers meurent avant l’âge de la retraite ce qui allégera les comptes sociaux et les impôts des seconds ! Encore qu’il faudrait songer à réduire le salaire des cadres de telle sorte que l’on réduise les cotisations patronales – nous verrons que cette disposition a effectivement été prise.
Le message gouvernemental sur les retraites a quant à lui été relayé par le patronat car, le croirez-vous ? Six années d’analyse lui ont permis de conclure que la pénibilité du travail n’existe pas à l’instar des conséquences de l’exposition à l’amiante où il a fallu le scandale, de milliers de morts prématurées pour qu’on indemnise les victimes et leur famille.
Le cinquième mensonge d’Etat a consisté à laisser croire aux syndicats de salariés que l’on respecterait le dialogue social en entérinant les principes retenus par les partenaires sociaux.
Il faut désormais nuancer : le gouvernement ne fait entériner par l’Assemblée nationale que les accords qui sont conformes à son idéologie.
Revenons aux salaires des cadres : exit en même temps que la RTT la contrepartie salariale équitable que l’on pourrait attendre d’un surcroît de travail : le salaire au forfait jour qui ne laisse plus libres que les dimanches, le 1er mai et les 5 semaines de congés annuels conduit au travailler beaucoup plus pour gagner beaucoup moins.
Le sixième mensonge d’Etat de cet été finissant consiste à prétendre apporter aux jeunes toute l’attention que leurs difficultés d’accès à un premier emploi requiert.
Force cependant est de constater que tous les jeunes âgés de moins de 25 ans sont exclus du dispositif du revenu de solidarité active (RSA). Il est vrai que cet ostracisme permet de faire l’économie de 2,6 millions de bénéficiaires qui demeurent à la seule charge de leur famille.
Il faut ajouter pour faire bonne mesure l’exclusion des travailleurs étrangers hors Union européenne du bénéfice du RSA, c’est-à-dire l’exclusion de ceux qui faisant l’objet d’un racisme à l’embauche maintes fois observé pourrait conduire par ce dispositif à passer des petits boulots à un emploi pérenne : Il faut quand même bien permettre à M. Hortefeux de faire son quota de reconduite à la frontière.
Que les bénéficiaires supposés du RSA ne se réjouissent pas trop vite, le projet de loi soumis au Parlement risque d’être amendé et notamment quant à son financement.
Si j’étais M. Sarkozy je maintiendrais, malgré les cris d’orfraie du Medef, que le RSA doit être financé par une taxe sur le capital (histoire de faire oublier le catastrophique bouclier fiscal qui nous prive des moyens de faire face aux difficultés économiques actuelles).
Je laisserais ensuite voter mon parti contre cette disposition et le RSA, vidé de toute substance budgétaire, n’aura plus pour tout effet, qu’un effet d’annonce.
Je me déclarerais alors « consterné, mais contraint de m’incliner devant le vote de l’Assemblée nationale ».
Fiction ? Nous verrons.
François Chérèque n’a pas tort de rétorquer à Laurence Parisot qui se plaint que l’on passe de « l’Etat providence à l’entreprise providence » que « l’Etat providence bénéficie surtout au patronat ».
Désolée, chers internautes de vous avoir si longuement retenus, c’est un « nid de couleuvres » qu’il a fallu avaler cet été… Bonne rentrée quand même.
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