Les démonstrations de force miliciennes et le destin du Moyen-Orient
Le Moyen-Orient s’endort et se réveille presque quotidiennement avec des clips vidéo montrant des milices et des factions armées en train d’attaquer diverses cibles. Les attaques vont d’Israël aux bases américaines en Irak et en Syrie, en passant par les navires marchands traversant la mer Rouge. La région est devenue un immense champ de turbulences géopolitiques qui pourrait exploser à tout moment comme une poudrière. Dans ce contexte, un développement récent remarquable est la séquence montrée par la soi-disant Résistance islamique en Irak, une coalition globale englobant plusieurs mouvements et groupes chiites. Ces images illustrent le lancement de deux drones sur des bases américaines en Irak et en Syrie.
Les médias de guerre de ces organisations sont devenus une sensation de la scène médiatique actuelle en transformant les lancements de drones en événements festifs visant diverses cibles dans une région marquée par le chaos et l’absence de souveraineté étatique. L’une des principales causes de cette agitation, comme nous l’avons souligné à maintes reprises en tant qu’observateurs, est la fragilité des États-nations au Moyen-Orient. Cette maladie chronique est un facteur majeur dans les pratiques quotidiennes qui conduisent la région au bord de l’abîme. Il est certain que le destin de l’ensemble du Moyen-Orient ne peut être confié à des milices dont les patrons recherchent un déni plausible.
Dans ce contexte, nous attirons l’attention sur les déclarations officielles répétées de l’Iran selon lesquelles Téhéran n’est pas responsable des actions des groupes et factions disséminés dans la région. Selon ces déclarations, ces groupes armés ne reçoivent pas d’ordres de l’Iran. Même si l’on considère hypothétiquement la véracité de ces déclarations, la situation devient encore plus énigmatique et obscure.
Un effort opérationnel international conjoint est nécessaire pour vaincre ces groupes et éliminer complètement leur menace. Atteindre cet objectif dans les délais souhaités peut s’avérer difficile en raison des capacités d’armement croissantes de certains groupes terroristes, tels que le Hezbollah libanais et, dans une moindre mesure, le groupe Houthi au Yémen. Il ne fait aucun doute que la communauté internationale dans son ensemble paie le prix de son silence face à ce qu’elle perçoit comme une escalade de la menace au cours des dernières années. Malgré les avertissements répétés de nombreux pays de la région, tous, sous la houlette des États-Unis, ont privilégié les objectifs tactiques à court terme sur les objectifs à long terme de sécurité et de stabilité.
En fin de compte, à quoi bon se lamenter. Tout le monde doit accepter la réalité stratégique alarmante que représente la férocité des groupes armés. Ces groupes ont formé une sorte d’alliance stratégique et n’hésitent pas à se soutenir mutuellement de manière explicite.
Cela se passe dans le contexte d’un mépris américain pour ce qui se passe au Moyen-Orient et d’une sous-estimation catastrophique des conséquences potentielles en raison de l’attention excessive portée par les Etats-Unis à la lutte contre le défi stratégique posé par la Chine. Cette attention a atteint un point que le président de la Chambre des représentants américaine, Mike Johnson, a qualifié de stratégie d’apaisement de l’administration Biden à l’égard de l’Iran. Cette stratégie a eu pour effet de miner la stabilité régionale, a déclaré M. Johnson, appelant le président américain à se réveiller et à reconnaître l’échec de cette politique.
Est-il compréhensible que les forces américaines au Moyen-Orient aient subi quelque 165 attaques de la part de milices et de groupes armés en Irak et en Syrie depuis octobre 2023, c’est-à-dire en l’espace de quatre mois ? À cela se sont ajoutés récemment les Houthis, qui ont mené des attaques de missiles et de drones contre des navires américains.
Est-il concevable que la superpuissance mondiale se batte avec autant d’acharnement uniquement pour empêcher les milices terroristes de cibler ses soldats, ses navires et ses intérêts ?
La mauvaise nouvelle, c’est que le moment n’est pas propice aux efforts de lutte contre ces milices, du moins pas cette année, tant que les étapes de l’élection présidentielle américaine ne sont pas terminées. De plus, les décisions de la Maison Blanche ne semblent pas dépendre uniquement de l’impact sur le processus électoral et des chances du Président Biden pour un second mandat.
Les rapports citent les évaluations de certains experts occidentaux sur les capacités nucléaires de l’Iran, notamment David Albright, ancien inspecteur des armes en Irak, qui a déclaré qu’un Iran doté de l’arme nucléaire aurait besoin de moins d’une semaine pour produire une arme nucléaire une fois que le guide suprême de l’Iran, Ali Khamenei, en aurait donné l’ordre. Compte tenu des attaques constantes contre leurs bases dans la région, les Etats-Unis craignent naturellement un scénario similaire à celui du retrait d’Afghanistan. Washington ne veut pas répéter à l’identique le retrait de ses troupes du Moyen-Orient, d’autant plus que la menace qui pèse actuellement sur Israël est de plus en plus forte.
Les milices ne sont généralement que le symptôme d’une maladie grave. Les frappes militaires dirigées contre elles ne portent pas leurs fruits car les commanditaires de ces groupes ne se soucient pas des pertes humaines et matérielles dans leurs rangs, même s’ils sont complètement détruits. Les voyages de pouvoir de la guérilla ruinent toute vision de sécurité et de stabilité au Moyen-Orient.
Ce qui se passe à Gaza, dans le détroit de Bab-el-Mandeb et ailleurs n’est que la conséquence du silence sur une épidémie de milices armées capables de déjouer tous les calculs en intervenant dans les crises et en provoquant des conflits religieux qui menacent de déborder le cadre du Moyen-Orient.
Le véritable défi dans la région n’est pas seulement le démantèlement de certaines organisations terroristes et mouvements armés, mais aussi l’éradication complète des milices, longtemps prônée.
La prolifération des milices dans certaines parties de la région donne lieu à des mouvements imitateurs. Leur survie, leur persistance et leur implication dans les crises font courir à la région le risque de sombrer dans le chaos, rendant presque vains les discours sur la stabilité, la sécurité et le destin commun.
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